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Un monogramme, formé des premières lettres des mots ΑΝΑΙΩΝ ou ΗΑΝΑΝAIΩN, fut ajouté comme signe conventionnel aux symboles ordinaires
Fig. 47. Monnaie de la ligue Achéenne.
qui faisaient reconnaître la monnaie de chaque cité. Ainsi on le remarque sur une monnaie d’Élide, ici gravée (fig. 47), d’après le modèle qui appartient au Cabinet des médailles, et sur de rares monnaies de Corinthe, dont un exemplaire de la collection
Fig. 48. Monnaie de la ligue Achéenne.
Cousinery, qui a passé dans le Cabinet de Munich, est ici reproduit (fig. 48). Corinthe, qui possédait déjà une grande abondance de numéraire, nécessaire aux opérations de la ligue, dut être autorisée à verser au trésor ses monnaies sans y faire aucun changement. C’est cette circonstance qui explique la rareté des monnaies de cette ville portant le monogramme. G. Humbert.

ACHANÉ (Ἀχάνη). — Mesure de capacité mentionnée par Hésychius comme ayant été en usage chez les Béotiens et valant un medimnus. Dans Aristophane 1[1] le même nom désigne une mesure perse beaucoup plus grande : 45 medimnes selon le scholiaste.  Ch. Morel.

ACHARISTIAS DIKÈ (Ἀχαριστίαζ δίϰη), action d’ingratitude. — Dans son énumération des actions privées, Pollux 1[2] mentionne cette action sans autre explication. Faut-il en conclure que la loi grecque avait érigé le devoir de reconnaissance en une obligation civile et exigible en justice ? C’est ce qu’a pensé Samuel Petit 2[3], sur la foi de Lucien 3[4] et de Valère-Maxime 4[5] ; et si l’on se rappelle qu’une action semblable était établie, dit-on 5[6], chez les Perses et chez les Macédoniens ; si l’on considère surtout que les nations anciennes n’avaient pas encore séparé, comme nous, le droit de la morale, et que chez les Grecs en particulier un seul et même mot, δίϰαιον, exprimait les idées diverses d’équité, de justice et de droit [diké], on trouvera que l’opinion de Petit, bien que rejetée par la plupart des modernes, n’est pas dénuée de vraisemblance. Ce qui est certain toutefois, c’est que cette action avait cessé d’être en usage au temps de Xénophon : « La seule ingratitude, dit cet auteur 6[7], dont s’occupent les lois d’Athènes et dont les tribunaux aient à connaître, est celle des enfants envers leurs père et mère » [kakosis]. — La loi romaine ne donnait d’action pour cause d’ingratitude que contre le donataire [donatio], l’affranchi [patronus], et l’enfant émancipé [emancipatio]. P. Gide.

Bibliographie. Janus Pau, De grati animi officiis et ingratorum poetia jure Attico et Romano, Lugd. Bat. 1809 ; S. Mayer, Die Rechte der Israël., Athener und Römer. Leipzig, 1862, t. I, p. 58.

ACHELOÜS (Ἀχελῷος et Ἀχελώϊος). — Ce nom, dans la géographie ancienne, appartient à six fleuves 1[8], et il paraît avoir été à l’origine une appellation générale des eaux courantes ; les poètes, même d’une époque plus récente, l’ont employé figurativement dans ce sens (Acheloia pocula, dit Virgile 2[9]). Mais le plus célèbre fleuve de ce nom, et le seul qui joue un rôle dans la mythologie, est celui qui, sortant du Pinde, coule entre l’Acarnanie et l’Étolie, et se jette dans la mer Ionienne près des Échinades ; c’est aujourd’hui l’Aspro-Potamo. Cet Achéloüs est mentionné par Homère, qui lui donne l’épithète de ϰρείων, ce que Pausanias interprète par « le roi des fleuves 3[10] ». La célébrité de l’Achéloüs lui vint de ce qu’il était le plus grand fleuve de la Grèce, et que, sans avoir l’ampleur du Nil, il avait néanmoins fait des choses extraordinaires 4[11]. Son travail consistait dans les alluvions par lesquelles il joignit les Échinades au continent, phénomène qui excita l’admiration de l’antiquité 5[12]. Des traditions qui faisaient du fleuve le créateur des îles situées à son embouchure prirent une forme mythique dans la fable racontée par Ovide, d’après laquelle les Échinades sont des nymphes changées en îles par la colère d’Achéloüs qu’elles avaient oublié dans un sacrifice 6[13].

Quant à Achéloüs considéré comme personnage mythique, Hésiode le fait fils de l’Océan et de Téthys 7[14] ; selon d’autres, il est issu de Hélios et de Gaea 8[15]. On lui donne de nombreux enfants : 1° Les Sirènes, qu’il eut de Melpomène selon les uns 9[16], de Terpsichore suivant d’autres 10[17], ou de Sténope, fille de Porthaon, d’après une ancienne tradition 11[18] [sirènes]. 2° Callirhoé, épouse d’Alcméon et mère d’Acarnan qui fonda l’État d’Acarnanie. Poursuivi par Érinnys pour le meurtre de sa mère, Alcméon, qu’un oracle avait averti de chercher une terre que le soleil n’eût pas encore éclairée lorsque le crime avait été commis, se réfugia sur les alluvions de l’Achéloüs 12[19]. 3° La fontaine Castalie, au rapport de Panyasis dans son Héracléide 13[20]. 4° Deux fils qu’il eut de Périmède, fille d’Éole, et qui sont nommés Hippodamas et Oreste 14[21]. Suivant une autre version, Périmède (ou Périmèle) n’était pas mère, mais fille d’Hippodamas et l’une des Échinades, dont Ovide a raconté les amours avec Achéloüs et la métamorphose 15[22].

Suivant Ovide, Achéloüs donna un jour l’hospitalité à Thésée et l’instruisit de ses conseils 16[23]. Mais le grand événement de son histoire, ce fut sa lutte avec Héraclès pour la main de Déjanire, lutte fameuse par les récits des poètes et des mythographes 17[24]. Pour combattre son adversaire, le fleuve prit tantôt la forme d’un serpent, tantôt celle d’un taureau, puis celle d’un homme à tête de taureau. Mais Héraclès le vainquit et lui arracha une corne. Consacrée par les Nymphes et remplie par elles de fruits et de fleurs, la corne du fleuve devint la corne d’abondance [amalthea]. De honte, Achéloüs alla se cacher dans les roseaux de ses rives. Ce mythe a été expliqué dès l’antiquité dans le sens historique par Strabon 18[25] et par Diodore 19[26]. On y a vu une allusion à des travaux exécutés pour resserrer le lit du fleuve et dessécher ses rives afin de les rendre saines et fertiles. Achéloüs devint le symbole des

    De Achoebr. foed. orig. Glogan, 1854, 8 ; Cousinery, Monnaies de la ligue Achéenne, Paris, 1825 ; Merlecker, Achaicorum libri, III, Darmstadt, 1837 ; Droysen, Hellenismus, t. II, Hamburg, 1843, et les auteurs cités par Hermann, Lehrbuch der griech. Staatalterthum. 4e édit. Heidelberg, 1855, § 185 et sq.

  1. ACHANÉ. 1 Acharn. 108, et Schol. ad h. loc. Coiif. Suidas s. u.
  2. ACHARISTIAS DIKÉ. 1 Pollux, VIII, 31.
  3. 2 Petit, Leg. att. VII, 8, § I.
  4. 3 Lucian. Abdicatus, 19.
  5. 4 Val. Max. V, 3, p. 418, Kempf.
  6. 5 Xen. Cyropaed. I, 2, 7 ; Senec. De benef. III, 6.
  7. 6 Xen. Memor. Socr. II, 2, 13.
  8. ACHELOÜS. 1 Pausan. VIII, 38 ; Strab. VIII, p. 342 ; IX, p. 434 ; X. p. 450 ; Schol. Iliad. XXIV, 616.
  9. 2 Aristoph. Lysist. 381 et Schol. ; Virg. Georg. I, 9 ; Artemidor. II, 38 ; Welcker, Griech. Götterlehre, III, p. 45.
  10. 3 Hom. Iliad. XVI, 194 ; Pausan. loc. cit. ; cf. Solin. Polyhistor. VII, 3.
  11. 4 Herodot. II, 10.
  12. 5 Thucyd. II, 101 ; Pausan. VIII, 21.
  13. 6 Metam. VIII, 576 sq.
  14. 7 Théog. 340.
  15. 8 Natal. Com. VII, 2 ; Serv. ad Virg. Géorg. I, 9.
  16. 9 Apollod. I, 3, 5.
  17. 10 Apollon. Argon. IV. 895, 896.
  18. 11 Apollod. I, 7, 10.
  19. 12 Thucyd. II, 102 ; Pausan. VIII, 24 ; Apollod. III, 7, 5.
  20. 13 Pausan. X, 8.
  21. 14 Apollod. I, 7, 3.
  22. 15 Metam. VIII, 689 sqq.
  23. 16 Metam. VIII, 546 sq.
  24. 17 Sophocl. Trach. 10 sq. ; Ovid. Met. IX, 1-58 ; Philost. Jun. 4 ; Diod. Sic. IV, 34, 35 ; Hygin. Fab. 31, 33 ; Apollod. 1, 8, 1 ; 11, 7, 5.
  25. 18 X, 2.
  26. 19 Loc. cit.