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surtout à l’habile politique de son chef, Aratus, qui bientôt réunit Sicyone, sa patrie, à la ligue Achéenne, en 251^^5. En 243, elle lui dut encore l’annexion de Corinthe, après l’expulsion de la garnison macédonienne qui l’occupait^^6. Enfin Épidaure, Trézène, Mégare et d’autres villes furent également rattachées ; la confédération^^7.

À la tête de la confédération se trouvaient deux conseils, qui se réunissaient dans la capitale, Ægium, et siégeaient dans le bois sacré de Ζεὺς Ὁμαγύριος (Zeus Homagurios) ; près du temple de Δημήτηρ Παναχαία (Dêmêtêr Panachaia)^^8. Le premier conseil, appelé βουλή (boulê)^^9, se composait des députés des villes, et n’était pas permanent ; ses membres recevaient une indemnité. Le second portait le nom de γερουσία (gerousia), et formait le conseil permanent du stratège^^10. L’assemblée générale du peuple se tenait également dans cette ville, et comprenait tous les citoyens des cités confédérées, au-dessus de trente ans^^11 ; ils étaient convoqués deux fois par an, au printemps et à l’automne^^12. Chaque session ne pouvait durer que trois jours^^13 ; mais les circonstances amenaient quelquefois la nécessité d’une session extraordinaire dans une des villes de la ligue Philopœmen fit prévaloir, contre l’avis du consul Fulvius, une loi aux termes de laquelle les assemblées régulières durent se tenir alternativement dans chacune des villes de la confédération^^15. C’est au printemps qu’on nommait les magistrats, indépendamment du stratège et des scribes publics ou γραμματεῖς (grammateis). Parmi les premières autorités, on comptait l’hipparque (ἵππαρχος (hipparchos)), fonctionnaire immédiatement inférieur au stratège^^16 ; dans certaines villes, il y avait aussi des hippostratèges (ἱπποστρατηγοί (hippostratêgoi)). Du reste, l’usage s’établit de permettre la rééligibilité d’un citoyen aux mêmes fonctions. Le stratège ne pouvait cependant être réélu que de deux années l’une. Le droit de convoquer et de présider l’assemblée du peuple appartenait en principe à dix magistrats nommés démiurges (δημιουιργοί (dêmiourgoi)) ou simplement archontes (ἄρχοντες (archontes))^^17, dont le rang était égal à celui du stratège ; cependant ce dernier magistrat pouvait appeler le peuple à une assemblée extraordinaire, quand il s’agissait de prendre les armes^^18. Le peuple décidait les questions de paix ou de guerre, comme toutes celles qui intéressaient l’ensemble de la confédération ; mais il votait par cités et non par têtes ; la majorité des villes emportait la décision^^19. L’initiative des projets de décret appartenait aux démiurges ; le partage d’opinions entre ces dix magistrats mettait obstacle à la mise aux voix d’une proposition, car l’assemblée ne pouvait délibérer que sur les propositions à elle soumises par les chefs^^20. Il est à remarquer que les liens de la confédération n’étaient pas assez étroits pour entraver l’autonomie des cités d’une manière rigoureuse^^21. On voit certaines d’entre elles se retirer de l’assemblée qui a pris une décision contraire à leurs vues ; aussi la ligue portait-elle simplement le nom de (συμπολιτεία (sumpoliteia), ou de συντέλεια (sunteleia).

À l’extérieur, elle interdisait à ses membres le droit d’avoir des ambassadeurs^^22, et leur donnait un chef pour la défense commune; elle fixait le contingent de leurs troupes^^23. À l’intérieur, la ligue veillait au maintien de la démocratie, que le génie indépendant des Achéens avait établie depuis l’extinction des anciennes races royales^^24, et s’efforçait de faire prévaloir de pareilles institutions dans les villes qui venaient s’allier aux confédérés^^25. Quelquefois il est question de la nomination de juges spéciaux, communs à toute la ligue^^26.

Le stratège n’avait pas seulement la haute direction de la guerre et des négociations préliminaires de la paix ; on peut dire qu’en général il était investi du pouvoir exécutif ; quand il présidait l’assemblée du peuple, c’est lui aussi qui la congédiait^^27. Ce pouvoir aux mains d’hommes tels qu’Aratus et Philopœmen contribua beaucoup à la grandeur de la confédération Achéenne. Après avoir lutté victorieusement sous ces grands hommes contre Sparte, à qui son roi Cléomène avait rendu une partie de son ancienne puissance, puis contre les Macédoniens, tour à tour ses alliés et ses ennemis, la ligue Achéenne fut le dernier soutien de l’indépendance de la Grèce contre Rome. Elle finit par succomber, ruinée par la politique astucieuse du sénat et par les victoires de Métellus. La prise et la destruction de Corinthe par Mummius, en 146 avant Jésus-Christ, consomma sa défaite et celle de la Grèce tout entière.

On répète généralement, sur la foi de Sigonius^^28, que l’Achaïe fut dès ce moment réduite en province romaine. Cette opinion, qui ne repose sur aucune preuve directe, a été fortement ébranlée de nos jours par Hermann^^29. Suivant cet auteur, dont le système a rencontré beaucoup de partisans, après les mesures de rigueur provisoirement ordonnées par les députés du sénat et l’établissement de gouvernements démocratiques dans les villes du Péloponnèse, les confédérations d’abord dissoutes furent autorisées à se reformer^^30. L’Achaïe, in deditionem accepta [deditio], ne fut pas réduite en province, car elle n’eut pas de gouverneur romain permanent^^31, à l’exception de la Béotie et de l’Eubée et du territoire de quelques villes détruites, soumises peut-être à l’administration soit du gouverneur de la Macédoine, soit d’un questeur spécial. Mais ce n’est pas ici le lieu de discuter cette grave question. Il est certain du reste que l’Achaïe, qui dans les guerres civiles avait en général suivi le parti destiné à succomber, fut occupée plusieurs fois militairement et réduite en province sous Auguste^^32.

On possède un assez grand nombre de monnaies de la ligue Achéenne. Nous en offrons ici des exemples. On voit (fig. 46)Fig. 46. Monnaie de la ligue Achéenne. une monnaie de la première période de la ligue^33. Elle porte au droit la tête de Jupiter, au revers un monogramme formé des lettres ax, dans une couronne de laurier. Cette monnaie est antérieure à l’époque où Aratus fut élevé à la préture. À ce moment la nouvelle république ordonna que les monnaies versées au trésor commun seraient toutes d’un même poids et au même titre[1].


5 Plut. Arat. 2-10 ; Polyb. IV, 8 ; Pausan. II, 8, 3 ; voy. la bibliographie relative à Aratus, Hans Hermann, Griech, Staalsalterth. § 185, 9.

6 Polyb. Il, 43 ; Plut. Arat. 10 à 24 ; Ath. IV, 54.

7 Pausan. II, 8, 4 ; VII, 7, 2 ; Polyb. XX, 6, 7 ; Strab. VIII, 7, 3.

8 Pausan. VII, 24 ; Strab. VIII, 7, p. 385.

9 Polyb. IV, S6, 8 ;..III, 7, 3 ; XXVIII, 9, 6.

10 Id. X.WVllI, 5 ; XXIY, 12 ; Horniann, §|S5, î.

11 Polyb. XXIX, 0, 6.

12 Polyb. 11, 54 ; Tit. Liv. X.XXVIII, 32.

13 Po. lyb. X.XIX, 9, 10 ; lit. Liv. XXXII, 22.

14 Polyb. XXIX, 9, 6.

15 Tit. Liv. X.XXVIII, 30.

16 Polyb. V, 95, 7 ; XXXVllI, 6, 9 ; IV, 59, 2.

17 Id. V, 1, 9 ; XXllI, l(i, 11 ; XXVIII, 6 ; Tit. Liv..XXXII, 22 ; X.X.XVIII, 30. — 18 Polyb. IV, 7, 5.

19 Tit. Liv. XXXII, 22, 23.

20 Tit. Liv. X.XXI, 25.

21 Cf. Wachsmuth, Hellen. Alterthumsk. p. 314.

22 Pausan. VII, 9, 4.

23 Tit. Liv. XXXI, 25.

24 Polyb. II, 41, 5 ; Pausan. VII, 7 ; Demosth. Fœd. Alex. § 10.

25 Polyb. II, 43, 7.

26 Polyb. II, 37, 10 ; Wachsmuth, op. laud. p. 314.

27 Tit. Liv. XXXI, 25 ; Polyb. XXVIII, 7 ; cf. Wachsmuth, l. l. p. 314.

28 Antiq. Jur. pop. rom. p. 70.

29 Op. laud., H9. § C ; Id. Gesamm. Abhandl. Golt. 1849, et Befensio disput. deGraec.cond. ; Gott. 1852, 4 ; Marquardt, Handbuchd. Rôm. AUerIh.Ul, I, p. 121 ; Zum|il, Cumm. fpiijr. IS54, t. Il, p. 151 ; E.Kulm, V’cr/iiss. des rôm. Reichs, l. Il, p.68.

30 cicer. AdAtt.m, 4 ; Pausan. II, 1, 2 ; Vil, 113, 6, 7 ; VIII, 39 ; Polyb. X, 4, 8.

31 Marquardt, Uandbuch dur rom.Allerlh. 111, I, p. 127, et Zumpl, Comm. epigr. II, 154.

32 Strab. XVII, 3 ; Dio Cass. LIII, 12.

33 Cousinery, Monn. de la lig. Ach. pl. I, 1.

  1. Bibliographie. Wachsmuth, Hellen. Alterthumscunde. Halle, 1846. I, p. 312-318 ; Schömann, Antiquit. Juris publ. graec. p. 44-1447 ; id. Griech. Alterth. II, p. 106 et sq. ; Wahner,