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ronde est par cela même acquise au maître de la première 5[1]. M. Ducaurroy 6[2] a soutenu, au contraire, que cette théorie n’existe pas dans les écrits des jurisconsultes romains, et que tous les cas rapportés à l’accession par les commentateurs s’expliquent par les principes généraux du droit, sans recourir à cette règle particulière. Et quant à la formule, ut accessio cedat principali, il a montré qu’elle n’a pas été prononcée par Ulpien 7[3] pour décider une question de propriété, mais « en matière de legs et pour apprécier, d’après l’intention du testateur, l’étendue de sa disposition, spécialement pour savoir si, en léguant une pièce d’argenterie, il a entendu léguer les pierreries dont elle est ornée. » Ce qui ne peut être contesté, c’est que dans la nomenclature des jurisconsultes classiques, l’accession ne figure pas parmi les modes d’acquérir 8[4]. Quoi qu’il en soit de cette discussion, le système de l’accession mérite toujours l’attention des jurisconsultes, car il a passé tout entier dans notre droit 9[5].

On a expliqué par l’accession les décisions relatives à celui qui construit avec ses matériaux sur le sol d’autrui, ou à celui qui Construit avec les matériaux d’autrui sur son propre sol. Dans les deux cas, la construction appartient au propriétaire du sol, parce que, dit Gains 10[6], superficies solo cedit. Le sol serait donc le principal et les constructions l’accessoire. Pour M. Ducaurroy 11[7], si le propriétaire des matériaux ne peut les réclamer ni agir ad exhibendum pour les retrouver [actio], et s’il est réduit, en ce cas, à se contenter d’une indemnité, c’est à cause de la législation spéciale de la loi des Douze Tables, De tigno juncto, qui avait pour but d’empêcher la démolition des édifices ; mais l’accession a si peu donné la propriété, que le constructeur de bonne foi sur le fonds d’autrui pourra, l’édifice une fois détruit, revendiquer ses matériaux 12[8]. Une loi 13[9] le permet même au possesseur matae fidei, à moins qu’on ne prouve qu’il a voulu les aliéner.

On a expliqué aussi par l’accession le principe qui veut que les arbres plantés sur le terrain d’autrui appartiennent au maître du terrain, dès qu’ils y ont pris racine. Le jurisconsulte Paul 14[10] en donne une autre raison ; c’est que l’arbre nourri dans un autre terrain est devenu un nouvel arbre (arborem alio terrae alimento aliam factam). Au reste, les jurisconsultes romains ne s’entendaient pas parfaitement sur cette question 15[11].

Le papier sur lequel on a écrit reste toujours à son maître. Mais pour la toile sur laquelle on a peint un tableau, les opinions des jurisconsultes ont varié. Paul l’attribue au maître de la toile 16[12] ; mais Gains 17[13], au peintre, à cause de la valeur supérieure de la peinture.

Beaucoup d’autres cas analogues sont prévus par le droit romain 18[14] [alluvio, confusio, specificatio]. F. Baudet.

Bibliographie. Ducaurroy, Institutes de Justinien traduites et expliquées, Paris, 1851, 8e éd., n° 349 et suiv. ; Ortolan. Explication historique des Instituts de Justinien. 6e édition, Paris, 1857, t. II, nos 361 et suiv., p. 205 et suiv. ; T. de Fresquet, Traité élémentaire de droit romain, Paris, 1855, t. I, p. 266 et suiv. ; Puchta, Cursus Instit. 5e éd. par Rüdorff, Leipzig, 1857, § 242 ; F. A. Schilling, Lehrbuch f. Institut., Leipzig, 1831-46, M, p. 523 ; Bocking, Pandekt des rom. Privatrechts, Leipzig, 1855, II, p. 141-154 ; Rein, Das Privatrecht der Römer, Leipzig, 1858, p. 2S2 et seqq.

ACCLAMATIO, laudatio, laudes, bona vota, εύφημία, εύλογία, έπαινοζ, έπιβοημα) — Les circonstances dans lesquelles la faveur et la défaveur, l’admiration, la joie, le mécontentement ou tout autre sentiment se traduisait par des acclamations, des applaudissements ou d’autres marques bruyantes d’approbation ou d’improbation, étaient extrêmement nombreuses et variées chez les Grecs et chez les Romains. Nous renvoyons aux articles où se trouve naturellement leur place,


les explications qui se rapportent aux acclamations en usage dans certaines fêtes ou dans les cérémonies des mariages et des funérailles [hymenaeus, nuptiae, funus, et les noms des diverses fêtes] ; les cris qui saluaient les généraux vainqueurs sur le champ de bataille, ou dont les soldats et le peuple accompagnaient les triomphateurs [imperatoh, triumphus]. On trouvera également ailleurs les renseignements nécessaires sur les acclamations adressées aux athlètes, aux vainqueurs des jeux, aux acteurs et à toutes les personnes qui paraissaient sur la scène ou descendaient dans l’arène des cirques et des amphithéâtres [circus, ludi, histrio, theatrum], ou encore aux auteurs qui récitaient leurs compositions en public ou chez les particuliers [recitatio]. Dans cet article spécial, nous ne nous occuperons que des acclamations qui, à Rome, accueillaient au sénat, au théâtre et dans les lieux publics, l’empereur, les membres de sa famille, plus rarement d’autres personnages, et qui finirent par recevoir une organisation régulière.

On ne voit pas que rien de semblable ait existé dans la Grèce tant qu’elle fut libre, ni à Rome avant la fin de la République. L’expression du sentiment populaire vis-à-vis des hommes qui étaient le plus en vue dans les cités grecques fût souvent passionnée, tumultueuse, mais elle resta spontanée. Les délibérations publiques étaient fréquemment troublées par les clameurs de l’assemblée. Les orateurs eurent toujours à compter avec les soudains entraînements de l’auditoire le plus mobile et le plus prompt aux applaudissements comme aux invectives 1[15] ; en toute occasion, les hommes en possession de la faveur du peuple étaient l’objet de démonstrations enthousiastes 2[16] ; mais dans ces mouvements de la foule, on ne reconnaît rien de semblable aux acclamations concertées et disciplinées des Romains sous l’Empire. Dès avant cette époque, celles qui s’adressaient aux hommes publics, lorsqu’ils paraissaient au forum ou au théâtre, n’étaient pas toujours à l’abri du soupçon d’avoir été achetées ou préparées par la brigue. On peut voir par les lettres de Cicéron 3[17] quel prix on attachait à une approbation sans mélange et sans fraude ; mais les félicitations et les vœux publiquement exprimés n’avaient pas encore un caractère officiel, comme au temps où ils furent le privilège à peu près exclusif de l’empereur, de sa famille et de ses favoris.

L’habitude paraît avoir été prise, dès le règne d’Auguste, de se lever quand le prince entrait au théâtre et de le saluer par des applaudissements, par des cris, ou par des chants à sa louange 4[18], et il ne fut plus permis d’adresser les mêmes acclamations à toutes personnes indifféremment, ni même à tous les membres de la famille impériale 5[19]. Les paroles et le rhythme en étaient réglés. Néron perfectionna l’art des acclamations qui s’adressaient à sa personne, ou plutôt il introduisit à Rome un art plus raffiné, depuis longtemps sans doute mis en pratique à la cour des despotes de l’Orient. Charmé de la manière musicale de saluer (modulatis laudationibus) de quelques Alexandrins qui s’étaient trouvés à Naples quand il y avait chanté pour la première fois sur la scène, il en fît venir d’autres de leur patrie ; puis il fit choisir, parmi les chevaliers romains et dans le peuple, plus de cinq mille jeunes

  1. 5 Ducaurroy, Inst. n° 319.
  2. 6 Loc. cit.
  3. 7 L. 19, § 13, Dig. XXXIV. 2.
  4. 8 Ulp. Reg. XIX.
  5. 9 Cod. Nap. art. 546 et suiv.
  6. 10 II, 73.
  7. 11 N° 367.
  8. 12 Ducaurroy, n° 370.
  9. 13 L. 2, Cod. Just. III, 32.
  10. 14 L. 26, § 2, De adquir. rer. domin. XLI, D. 1.
  11. 15 L. 6, § 2. Arborum fortim Carsarum, XLVII. D. 7 ; L. 7, § 13, De adquir. rer. domin.
  12. 16 L. 23, § 3, De rei vind. VI, D. 1.
  13. 17 II, 78.
  14. 18 Voy. les commentateurs sur le 1er titre du 2e livre des Institutes de Justinien.
  15. ACCLAMATIO. 1 Xen. Hellen. I, 7 ; Demosth. De fals. leg. Op. Dem. 297, 300, 310, éd. Wolf, Francfort, 1604 ; Æschin. ib. p. 408 ; Aristoph. Acharn. 37, 54 et Schol. ad h. l.
  16. 2 Plut. Them. 34 ; Xen. Hellen. I, 4.
  17. 3 Cic. Ad Att. I, 16, 11 ; II, 19, 3 ; XIV, 2 ; id. Pro Sest. 54 sq. ; Plut. Sertor. 5.
  18. 4 Phaedr. V, 7 ; Suet. Aug. 56.
  19. 5 Suet. Aug. 54, 56.