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de la Thrace[1]. La coiffure que nous venons de décrire, avec l’accompagnement ordinaire des hautes chaussures et avec un manteau d’une espèce particulière qui représente peut-être la zeira des Thraces, est portée aussi Fig. 228. Orphée par la figure de l’aède, dans le beau bas-relief grec du Louvre (fig. 228), qu’une fausse inscription a fait nommer la Réconciliation d’Amphion et de Zéthus. L’emploi du costume thrace fournit une preuve nouvelle et décisive en faveur de l’opinion des archéologues qui croient y reconnaître plutôt l’histoire d’Orphée et d’Eurydice. Polygnote, il est vrai, dans ses peintures de Delphes, avait habillé Orphée à la grecque ; mais cette remarque même de Pausanias[2] montre que tel n’était pas l’usage constant des artistes, et qu’ils distinguaient volontiers le chantre de la Thrace en lui mettant sur la tête le Cpâxtov ÈTti’Ovirjioi (entendez le bonnet dont nous nous occupons). Fig. 229. Cavalier des Panathénées. Un fait plus difficile à expliquer, c’est qu’une coiffure semblable à l’alopèkis est portée, toujours avec les hautes bottes montant au genou, par quelques-uns des cavaliers de la frise du Parthénon (fig. 229) : on peut supposer que les jeunes Athéniens, par suite des fréquents rapports d’Athènes avec la Thrace, avaient admis cette mode étrangère dans leur tenue équestre ; ou peut-être, des auxiliaires thraces ayant figuré parfois dans la cavalcade des Panathénées, le sculpteur s’était emparé de cette circonstance et y avait cherché un motif de variété. L. Heuzey.

  1. Pollux, Onom. iv, 25 : Ἐμβάδες εὐτελὲς μὲν τὸ ὑποδημα, Θρᾴκιον δὲ τὸ εὕρημα, τὴν δὲ ἰδίαν κοθόρνοις ταπεινοῖς ἕοικεν.
  2. X, 30, 6.

ALPHABETUM. — Ce mot est composé des noms des deux premières lettres de l’écriture grecque, Ἄλφα, Βῆτα, usités également dans les écoles latines, comme le prouve un vers célèbre de Juvénal :

Hoc discunt omnes ante alpha et beta puellae[1].

Ce mot sert à désigner la série des caractères qui, dans l’écriture des différents peuples, peignent les articulations et les voix de la langue.

L’étude des alphabets, de leur origine première, de leur filiation et de leurs modifications successives constitue la science de la paléographie comparée, science nouvelle qui n’est pas encore entrée en possession de tous les documents qui permettront d’en fixer définitivement les lois et les faits essentiels ; mais nous n’avons à traiter ici que ce qui touche aux écritures alphabétiques des Grecs, des nations de l’Asie Mineure, des Étrusques, des peuples italiotes et des Romains.

I. Origine de l’alphabet. — Pour arriver au but que poursuit l’art de l’écriture, deux principes peuvent être appliqués séparément ou ensemble : 1o l’idéographisme ou la peinture des idées ; 2o le phonétisme ou la peinture des sons. Par une marche logique et conforme à la nature des choses, le premier système a partout précédé l’autre. De plus, si nous remontons à l’origine de toutes les écritures, à l’état de pur idéographisme par lequel elles ont commencé, aux figures les plus anciennes de leurs caractères, nous voyons constamment à leurs débuts l’hiéroglyphisme, c’est-à-dire l’imitation plus ou moins habile, par un procédé de dessin plus ou moins rudimentaire, d’objets matériels empruntés à la nature ou aux œuvres de l’industrie humaine.

Dès que les hommes ont vécu en société, ils ont éprouvé l’impérieux besoin de fixer par quelque procédé matériel leurs idées et leurs souvenirs. En même temps ils étaient conduits, par un instinct naturel que nous voyons se développer de très-bonne heure et d’une manière tout à fait spontanée chez l’enfant, à essayer d’imiter par le dessin les objets, animés ou inanimés, qui frappaient leur vue. Combiner ce besoin et cet instinct, employer, au lieu de moyens mnémoniques résultant d’une convention tout à fait arbitraire, la représentation plus ou moins grossière des objets matériels au moyen desquels on voulait conserver tel ou tel souvenir, éveiller telle ou telle idée, était une tendance non moins naturelle que celle de la simple imitation sans but déterminé. C’est d’elle que naquit l’hiéroglyphisme.

Mais, à cet état rudimentaire, l’hiéroglyphisme ne constitue pas encore une véritable écriture. Pour l’élever à cette qualité, il fallait un notable progrès de civilisation, amenant un développement à la fois dans les idées et dans les besoins de relations sociales plus grand que ne le comporte la vie sauvage. La plupart des peuples ne sont point parvenus spontanément à ce progrès de civilisation qui pouvait donner naissance à l’écriture ; ils y ont été initiés par d’autres peuples qui les avaient précédés dans cette voie, et ils ont reçu de leurs instituteurs l’écriture toute formée, avec la notion des autres arts les plus essentiels. Aussi, lorsqu’on remonte aux origines, toutes les écritures connues se ramènent-elles à un très-petit nombre de systèmes, tous hiéroglyphiques au début, qui paraissent avoir pris naissance d’une manière absolument indépendante les unes des autres. Ce sont : 1o les hiéroglyphes égyptiens ; 2o l’écriture chinoise ; 3o l’écriture cunéiforme anarienne ; 4o les hiéroglyphes mexicains ; 5o l’écriture calculiforme ou katouns des Mayas du Yucatan. Ces cinq systèmes, tout en restant essentiellement idéographiques, sont tous parvenus au phonétisme. Mais, en admettant ce nouveau principe, ils ne l’ont pas poussé jusqu’au même degré de développement.

L’hiéroglyphisme, nous l’avons déjà dit, a commencé par une méthode exclusivement figurative, par la représentation pure et simple des objets eux-mêmes. Toutes les écritures qui sont restées en partie idéographiques ont conservé jusqu’au terme de leur existence les vestiges de cet état, car on y trouve un certain nombre de signes qui sont de simples images et n’ont pas d’autre signification que celle de l’objet qu’ils représentent. Ce sont ceux que les égyptologues, depuis Champollion, ont pris l’habitude de désigner par le nom de caractères figuratifs.

Mais la méthode purement figurative ne permettait d’ex-

  1. Juven. Satir X, v. 209 ; Tertull. Adv. haeret. 50.