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maine 1[1]. L’habitation des hommes était de même ornée de fresques dont quelques-unes sont, par malheur, en fort mauvais état : elles offraient, semble-t-il, des représentations de paysages, un genre, comme on l’a remarqué, devenu étranger à la Grèce classique 2[2].

Les Mycéniens n’employaient pas seulement la couleur à décorer leurs édifices. Comme le prouve la Stèle des guerriers, comme parait l’attester certain tableau religieux qui reproduit peut-étre l’adoration du Pilier, et qui a été trouvé dans une maison de Mycènes 3[3], ils connaissaient aussi la composition isolée, peinte sur pierre ou sur enduit. Mais c’est surtout connue auxiliaire et comme parure de l’architecture qu’ils ont pratiqué la peinture. Les tons employés étaient des tons francs, le bleu, le rouge, le jaune, le noir, et, à ce qu’il semble, un gris bleuté qui ne doit pas être confondu avec le noir. Ces couleurs étaient appliquées d’une manière conventionnelle : sur la Stèle des guerriers, le premier cerf à gauche est entièrement bleu, avec la cuisse droite peinte en rouge ; devant lui, un autre était complètement rouge, avec la cuisse gauche peinte en bleu. S’agit-il d’une tentative pour rendre les effets d’ombre et de lumière ? On peut tout croire d’un peuple assez hardi pour avoir osé reproduire l’aspect du ciel et les nuages (le Porteur de vase ; cf. peut-être les gobelets de Vaphio) 4[4]. Il est très peu probable que l’encaustique ait été déjà connue des décorateurs mycéniens 5[5]. Au contraire, il est certain qu’ils usaient du pinceau des traînées laissées par le pinceau de poils sont encore visibles sur quelques fragments provenant de Mycènes 6[6].

La peinture grecque. — Les origines en sont obscures. Si l’on excepte Boularchos, qui avait peint un Combat de Magnètes acheté très cher par le roi de I.ydie Candaule 7[7], aucun nom de peintre s’étant signalé par une œuvre digne d’attention ou par un progrès notable dans la technique, ne s’offre à nous jusqu’au VIe siècle. Encore ignorons-nous l’aspect que pouvait présenter ce tableau célèbre de Boularchos et le fait précis qui l’avait inspiré. La céramique du Dipylon (IXe-VIIIe siècles av. J.-C.), et, en Asie Mineure, les sarcophages de Clazomène, enfin quelques textes plus ou moins énigmatiques, de Pline l’Ancien en particulier, sont nos principales ressources pour la connaissance des développements de la peinture entre l’invasion dorienne et l’époque de Solon. La céramique du Dipylon nous montre la reproduction de la figure humaine par des silhouettes noires opaques (fig. 3338, 3342, 5264-5269), où l’on remarque deux choses : une convention très singulière dans le dessin des figures et, dans la composition, les attitudes, un sentiment parfois très juste de la vie 8[8]. Quel pouvait étre le rapport de la grande peinture avec cette céramique ? M. Pottier a prouvé que, à partir du VIIe siècle, c’est-à-dire du moment où l’Egypte s’ouvre largement aux Grecs, la façon de peindre qui consistait à cerner d’un trait l’ombre projetée sur un écran blanc et à remplir d’un ton uniforme l’espace ainsi limité, devint courante en Grèce, sous l’influence de l’art égyptien 9[9].


C’est à quoi fait allusion un passage de Pline d’après lequel il semble qu’on doive attribuer l’invention de la peinture monochrome à un certain Philoclès l’Égyptien, sans doute un Grec de Naucratis, qui, ayant appris l’art de peindre en Égypte, l’enseigna à ses compatriotes, particulièrement aux Corinthiens ; de là le nom de Cléanthès de Corinthe associé par Pline à celui de Philoclès. Et cet auteur ajoute que c’est à Corinthe et à Sicyone que ce genre fut cultivé d’abord et se développa, grâce au Corinthien Aridicès et au Sicyonien Téléphanès 10[10]. Il ne parait pas, en effet, qu’il faille ne mettre au compte de Philoclès et de ses imitateurs que la peinture linéaire, celle qui se contentait de dessiner le contour de l’objet projeté, et qui, suivant Pline, aurait précédé le monochrome. Si Philoclès avait étudié, au VIIe siècle, dans les ateliers d’Égypte, ce n’est pas ce procédé rudimentaire qu’il en avait rapporté, pour le transmettre à ses successeurs.

Quoi qu’il en soit, la peinture par ombre portée a été sinon le procédé unique, du moins l’un des procédés qu’ont employés les peintres grecs à dater du viie siècle : mais ce silhouettage d’importation égyptienne, pratiqué plus spécialement d’abord par les Sicyoniens et les Corinthiens, comportait, ou comporta de bonne heure des retouches destinées à accuser certains détails. Ces retouches étaient peut-être des lignes incisées comme celles que nous voyons en usage dans la céramique : plus vraisemblablement, c’étaient des lignes de couleur qui tranchaient sur le fond uniforme de la silhouette (spargendo linias intus, dit déjà Pline en parlant d’Aridicès et de Téléphanès 11[11]), et dès lors la question se pose de savoir de quelle couleur était ce fond. Nous renvoyons sur ce point aux détails techniques qu’on trouvera plus bas. Disons tout de suite que le parti pris de silhouetter en noir doit étre considéré comme propre à la céramique. La grande peinture procédait autrement, et tout porte à croire que les chairs des personnages, en particulier, étaient peintes, à l’époque archaïque, en rouge brun, suivant une technique constante dans la peinture égyptienne 12[12]. Cela concorderait avec le témoignage de Pline, qui fait honneur au Corinthien Ecphantos de l’invention de la poudre de brique pour rendre ce ton 13[13]. Le rouge ainsi obtenu ne servait donc pas seulement pour les retouches : c’était le ton de la silhouette entière, dans laquelle les détails internes étaient indiqués à l’aide de tons différents. La céramique elle-même, si attachée au noir, offre des exemples de figures exécutées en rouge brun, ou dans lesquelles les parties claires ont été rendues conventionnellement par cette couleur 14[14]. À ce point de vue, les métopes peintes sur argile du temple de Thermos, édifice construit vers le milieu du VIe siècle, sont très instructives. Celle que reproduit la figure 5643, et qui représente un chasseur portant sur l’épaule le produit de sa chasse, nous fait voir le rouge brun appliqué, non seulement sur les parties nues du personnage, mais sur tout le corps d’une biche ou d’un faon suspendu à l’une des extrémités de sa perche 15[15]. Au

  1. 1 Evans, Ann. VII, p. 57, cf. E. Pottier, Rev. de l’art ancien et moderne, 1902, p. 85, et Rev. de Paris, 15 février 1902, p. 842 sq. ; Héron de Villefosse, Bull. de la Soc. des antiq. de France, 1905. p. 147 sq.
  2. 2. E. Pottier, Rev. de Paris, p. 844 sq.
  3. 3. Tsountas et Manati, Mycenaean age, pl. XX ; cf. Έφημ. άρχ. 1887, p. 162, pl. X, n. 2 ; Perrot, Op. c., fig. 440.
  4. 4. Perrot, Op, c., fig. 369, 370, pl. xv.
  5. 5. Héron de Villefosse, Bull. de la Soc. des antiq. de France, 1905, p. 148.
  6. 6. P. Girard, Peint. ant. p. 103.
  7. 7. Plin. Hist. nat. XXXV, 55 ; cf. S. Reinach, Rev. des ét. gr. 1895, p. 161 sq.
  8. 8. Voir quelques-uns des fragments du Louvre ; salle A (E. Pottier, Vases ant. du Louvre, Album, I, pl. XX, n° 519 et 560 ; Perrot, Op. c., t. VII, p. 51 et sq., 160 et sq.).
  9. 9. E. Pottier, Le dessin par ombre portée chez les Grecs (Rev. des et. gr. 1898, p.355 sq.).
  10. 10. Plin. Hist. nat. XXXV, 15-16.
  11. 11. Id. Ibid. 16.
  12. 12. E. Pottier, Le dessin par ombre portée, p. 378 sq.
  13. 13. Plin. Hist. nat. XXXV, 16.
  14. 14. Cf. une curieuse amphore archaïque d’Athènes représentant les Gorgones et la lutte d’Hercule contre le centaure Nessos (Ant. Denkm. I, pl. LVII) ; Pottier, Catalog vas. p. 45, 3 ; Mélanges Perrot, p. 272.
  15. 15. Έφημ. άρχ. 1903, pl. iii.