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rium, les faisceaux armés de hache, comme symbole du jus vitae necisque. Mais put-on en appeler au peuple, des sentences capitales prononcées par le dictateur contre un citoyen, à partir de la loi Valeria Horatia rendue en 305 de Rome, 449 av. JC. [Provocatio]. Walter soutient l'affirmative. En effet, Festus nous apprend en termes formels qu'une loi autorisa la provocatio contre le dictateur, et qu'à partir de ce moment, les pouvoirs de ce magistrat étant diminués, on n'ajouta plus (sans doute à la loi curiate de imperio dictatoris) la clause ut optima lege. Or il est probable que cette innovation se rapporte à la loi Horatia, rendue à l'occasion de l'expulsion des décemvirs, magistrats sine provocatione, et qui réserva le recours contre toute espèce de magistrature ; il en fut de même du plébiscite appelé loi Duilia. On ajoute que le maintien du tribunat pendant la dictature était le moyen naturel de garantir l'exécution de cette réforme. Becker, qui semble d'abord admettre ce système, se pose cependant des objections graves et qui lui paraissent presque insolubles, à moins d'admettre qu'une loi postérieure ait établi la provocatio. En effet, on voit en 316 un consul qualifier, en plein sénat, le dictateur de magistrat solutum legum vinculis. Les meurtres de Sp. Manlius et le procès de Manlius semblent aussi prouver l'impossibilité d'un recours contre les sentences du dictateur, une mesure de provocatio est plus tard déclarée une entreprise contre le jus dictaturae. Lange repousse encore plus énergiquement la possibilité d'un appel, et se fonde sur ce que les termes vagues de la loi Horatia n'avaient pas abrogé la loi spéciale de dictatore creando. Nous croyons que tel était bien l'esprit de la loi Horatia, mais que les jurisconsultes patriciens se fondèrent sur l'absence d'une clause formelle pour contester l'application à la dictature de cette prohibition générale. C'était donc une question de droit constitutionnel, controversée entre les deux ordres ; car, si d'une part la provocatio devait énerver la dictature ; d'un autre côté, enlever cette application à la défense de la loi Horatia, c'était la rendre illusoire et permettre aux patriciens de détruire, en créant un dictateur, toute garantie individuelle (c'est là un problème analogue à celui que soulevait le prétendu droit du sénat de donner aux consuls un pouvoir illimité, par la fameuse formule videant consules). Du reste, une difficulté toute semblable s'était élevée à l'occasion du droit d'intercessio des tribuns contre les actes du dictateur. La dictature ayant été créée en 253 de Rome, avant le tribunat qui date de 260, on se demanda bientôt si les tribuns qui conservaient leur potestas en présence du dictateur pouvaient opposer leur veto à ses ordres. C'eût été un moyen de donner effet à la provocatio d'un condamné. Il y eut conflit, et la question ne fut jamais tranchée. Remarquons toutefois que deux points demeurèrent incontestables : 1° les tribuns conservèrent leur inviolabilité personnelle à l'encontre même du dictateur ; 2° ils ne

— 82 Dionys. V, 75 : Lydus, I, 37.

— 83 Id.

— 84 Gesch. 1, n’ 143 ; voy. aussi Schwegler, Boni. Gesch. XXX. 7 : Eiseulohr, Provoc. p. 91 à 102, Schwerin, 1848 : Gœb. Criminalprocess. p. 164 et s. ; Wœniger, Bas Provocatverf. p. 293 : Éd. Laboulaye, Lois erim. p. 122, note 3.

— 85 T. Liï. III, 54, 55 ; IV, 13 ; Cic. De republ. II, 31 ; Walter, I, n" 51 ; Eisenlohr, Provoc. 12, 15.

— 86 p. 168 ; comp. Niebuhr, Gescit. I, p. 590, 591 ; II, p. 415 ; Karlowa, p. 215.

— 87 T. Liv. IV, 13.

— 88 T. Liv. IV, 14 et VI, 16 ; Zonar. VII, 13.

— 89 T. Liv. VIII, 33, 34, 35.

— 90 P. 547.

— 91 C’est ce qui explique le langage dilTérent des consuls (Tit. Liv. IV, 13) et du dictateur Papirius (T. Liv. VIII, 34) et du père de Q. Kabius (T. Liv. VIII, 33).

— 92 V. l’article consdl : et Laboulaye, Lois crirn. p. 123 et s. : Karloxv. i, p. 216.

— 93 Cicer. De leg. III, 3 ; Plut. Anlon. S ; IJiittesl. roin. 81 ; Walter,

purent entreprendre hors du pomoerium contre le pouvoir militaire du dictateur à l'égard de ses soldats. Mais les tribuns prétendirent exercer leur intercessio à Rome, contre des actes civils du dictateur. Walter admet que cette prétention était fondée, et il invoque plusieurs exemples indiqués par les historiens. Karlowa ne l'admet que dans le cas où le dictateur a violé les limites de l'acte de sa nomination. Au contraire, Becker conteste formellement la possibilité et la légalité dans l'espèce de l'auxilium tribunitium, en invoquant l'autorité de Zonaras et un passage de Tite-Live. Mais le premier auteur est de peu d'autorité et le second affirme seulement la timidité des tribuns en présence des prétentions du dictateur. Becker écarte l'argument de Tite-Live en faisant observer qu'il s'agissait d'un dictateur spécial, et qu'il en est de même dans un autre cas, où les tribuns sont appelés à contester la compétence générale du magister populi. De même, suivant Lange, l'intercessio d'un tribun contre le dictateur n'avait rien de légal, justum, et ne présentait que la valeur d'une démonstration, mais ne pouvait arrêter un acte du dictateur et notamment la levée des troupes. Suivant Mommsen, l'appel n'était admis contre les décisions de ce magistrat que lorsque il l'avait autorisé. Mais le fait raconté par Tite-Live d'une lutte entre plusieurs tribuns et le dictateur Camille, qui ne put faire prévaloir l'intercessio des autres contre les lois liciniennes, montre que le tribunat prétendait exercer ses prérogatives à l'encontre du dictateur lui-même, qui abdiqua sous prétexte d'un vice dans sa nomination.

Reste à traiter la question de savoir si le dictateur pouvait, à l'expiration de ses pouvoirs, être mis en accusation à raison de ses fonctions. En principe, la négative semble avoir prévalu à raison du caractère royal de l'imperium du dictateur. Il est vrai que Camille fut mis en accusation cinq ans après sa dictature, mais à l'occasion de faits qui ne se rattachaient pas directement à l'exercice de ses fonctions. Tite Live rapporte, il est vrai, que Camille fut forcé d'abdiquer, par une menace des tribuns de le condamner à une amende énorme, mais lui-même déclare ce récit invraisemblable et préfère une version d'après laquelle il abdiqua comme vitio creatus ; d'un autre côté les fastes capitolins indiquent l'abdication comme étant survenue à la suite d'un sénatus-consulte. On peut remarquer ensuite que si un dictateur spécial fut accusé en 393 de Rome (36 av. JC.), ce fut pour excès de pouvoir parce qu'il avait agi perinde ac reipublicae gerendae ac non solvendae religionis gratia. Plus tard, un autre dictateur, C. Maenius, abdiqua pour se soumettre à une accusation de complicité d'un crime de haute trahison, qu'il était chargé de poursuivre. Mais nous devons observer que la gestion d'un dictateur pouvait être l'objet d'une flétrissure, nota censoria, de la part des censeurs, magistrats dont la juridiction était illimitée et irresponsable, et capable d'atteindre toute espèce de faits. Quelques auteurs mention-

Gesch. n° 142.

— 94 T. Liv. VIII, 34.

— 95 Id. ibid. et 35.

— 96 Gescli. n° 142.

— 97 T. Liv. VI, 38 ; VII, 3 ; Plut. Fab. .Max. 9 ; Karlowa, p. 215 ; Willems, p. 267.

— 98 Allei-th. H, 2, p. 170 et s.

— 99 Zon. VII, 13 ; T. Liv. VII, 16.

— 100 VII, 3.

— 101 IX, 26.

— 102 p. 547. Mais ces faits prouvent néanmoins que la dictature n’excluait pas l'intercessio.

— 103 Arg. de Tite Live, VIII, 35 ; VI, 16 et 38.

— 104 T. Liv. VI, 38.

— 105 Bisl. rom. trad. fr. II, p. 14.

— 106 T. Liv. VI, 37 à 39.

— 107 App. Bell. rit). Il, 23 ; Becker, Alterth. II, 2, p. 172 ; Laoge, I, p. 548 ; Dion. V, 70 : Plut. Fab. 3 ; Zonar. VII, 13.

— 108 T. Liv. V, 32 ; Plut. Cam. 12 ; Aurel. Vict. III, 23 ; Diod. Sic. XIV, 117 ; Dio Cass. fr. Peiresc. 28 : Zonar. VII, 22.

— 109 T. Liv. VI, 38.

— 110 Becker. p. 172, note 390.

— 111 T. Liv. VII, 3 et 4.

— 112 T. Liv. IX, 20. — 113 T. Liv. IV, 24, 29.