Page:Dictionnaire des Antiquités grecques et romaines - Daremberg - III 3.djvu/686

Le texte de cette page n’a pas pu être entièrement corrigé, à cause d’un problème décrit en page de discussion.

MYS — 2142 — MYS

2° La σύστασις. Elle se compose de sacrifices, de processions, de chants, de danses qui ont lieu soit avant, soit pendant, soit après les Mystères, avec un caractère orgiastique, modéré dans les Mystères grecs, désordonné dans les Mystères orientaux1. Dans la dernière période on ajouta des tauroboles en différents endroits2.

3°-4° L’initiation et l'époptie, qui ont lieu généralement la nuit. Il est probable qu’il y avait des mots de passe, des signes de reconnaissance, surtout pour l’époptie (signa, symbola, monumenta)3 [eleusinia, p. 571].

Les spectacles et les enseignements des nuits mystiques se ramènent, d’après les textes, à trois parties : τὰ δρώμενα, τὰ δεικνύμενα, τὰ λεγόμενα, les actes, les exhibitions, les paroles.

A. Les actes. — L’ne première catégorie comprend d’abord le spectacle essentiel, le drame mystique, la représentation symbolique de la légende divine [isis eleusinia, p. 377-379]. Nous ne savons pas exactement en quoi ce drame diffère de la légende populaire connue. On a essayé sans succès4 de prouver pour Eleusis que certains détails, par exemple les bons offices rendus par les gens d’Rleusis à la déesse, l’épisode de Celeus, la mission de Triptolème, étaient les traits particuliers qu’on ne devait pas divulguer : tout cela était fort connu. Les représentations étaient mimiques ; les acteurs paraissent avoir été les prêtres et les prêtresses 5 ; à Andania les hierai représentent les déesses ; à Eleusis, le hiérophante joue un rôle en plusieurs circonstances, notamment dans l’hiérogamie qu’il célèbre avec la prêtresse de Déméter. En second lieu, il y a des actes symboliques, commémoratifs, exécutés par les initiés. On a vu ceux des thiases et, dans les cultes de Déméter et de Cybele, les formules qui indiquent la prise en commun d’une collation.

B. Les exhibitions, soit des objets sacrés, soit des spectacles des enfers. — L’exhibition des objets sacrés (τὰ ἱερά, ἀπόῤῥητα) est la partie la plus importante, puisque c’est de là que venait le nom de l’hiérophante (ὁ ἱερά φαίνων) 6. Il y a probablement deux catégories d’objets sacrés, d’un côté les attributs ordinaires connus et de l’autre les statues mystérieuses inconnues 7. A Eleusis, les attributs sont les objets que renferment le calathos et la ciste, et sans doute aussi la cymbale, le kernos [eleusinia, p. 569 B] ; dans le culte de Dionysos, les serpents, le thyrse, la nébride, le phallus, la pomme, la balle, le disque, la toupie, etc. ; dans les Mystères de Thétis, l’origan, la lampe, l’épée, le cléis ; on a vu ceux de Cybèle et d’Attis. Plus importantes sont les statues, enfermées en temps ordinaire dans les chapelles et portées sous des voiles dans les processions ". C’est à ces statues que se rapportent la plupart des textes sur les visions des nuits mystiques, sur les φάσματα que les hiérophantes montrent éclairés par une vive lumière9.

D’autre part, on reconnaît aujourd’hui que les Mystères en général devaient, par l’initiation, donner l’assurance du bonheur dans l’autre vie. La plupart de nos textes, depuis l’hymne à Déméter jusqu’à ceux de la plus basse époque, ne se rapportent guère qu’à Eleusis10; mais on peut leur attribuer une extension générale. Or les réflexions et les impressions provoquées par les représentations et les visions n’eussent pas suffi à donner aux mystes la confiance nécessaire. Plusieurs textes11 prouvent, pour les Mystères de Déméter et d’Isis, une représentation des enfers, une promenade des initiés au monde souterrain : il devait y avoir dans une première partie la descente aux enfers, la marche dans les ténèbres, au milieu des monstres ; dans une seconde partie, par une brusque transition, l’arrivée au séjour des immortels dans la lumière. Mais ce spectacle n’était sans doute encore qu’une partie de la révélation et la moins secrète, puisque Lucien12 et Aristophane13 ont pu dans une certaine mesure la reproduire ; elle devait comporter des paroles, des explications.

C. Les paroles. — On reconnaît généralement, aujourd’hui14, qu’il n’y avait pas dans les Mystères, à l’époque classique, d’enseignement dogmatique. Les rites, les spectacles provoquaient des impressions religieuses et constituaient seulement un enseignement symbolique dont le fond était la croyance à l’immortalité de l’àme16. Rappelons-nous d’autre part que les Grecs attribuaient à l’initiation le pouvoir de faire revenir les initiés des enfers16. Les paroles mystérieuses des hiérophantes17 sont donc probablement, non pas des hymnes18, mais des formules empruntées au Livre des Morts égyptien, analogues à celles des rituels orphiques, qui donnaient des indications précises pour le voyage aux enfers et les moyens d’y échapper à tous les dangers19.

L’hiérophante possédait-il une doctrine plus élevée ? Il connaissait certainement mieux que la masse des initiés le sens symbolique des légendes20 ; mais rien n’autorise à lui attribuer pour l’époque classique une doctrine ésotérique complète. C’est seulement plus tard qu’il put l’acquérir, comme nous l’avons vu, à l’époque du syncrétisme religieux et philosophique. Va-t-il eu en outre, dans les Mystères, un enseignement moral ? Nous savons seulement qu’il y avait quelques préceptes de morale écrils dans le temple d’Eleusis21. Ch. Lecrivain.

1 A Eleusis, les jeux dits Eleunisia] sont distincts des Mystères à l’époque classique (C. i. att. 4, p. 202-204, 164, l. 24-29 ; 2, 407, l. 10-16) ; à l’époque romaine ils y ont été réunis et le séjour à Eleusis dure quatre jours de plus (Corp. inscr. att. 3, 2).

2 Orelli, 2361 ; Le Bas-Waddington, L. c. 142 b.

3 Apul. Apol. p. 140 ; Firm. Mat. De err. prof. relig. p. 30 ; Plaut. Mil. glor. 4, 2, 25 (Mystères de Dionysos).

4 Foucart, Rech. 1, p. 28-30.

5 Le teste de Porphyre (Euseb. Praep. cc. 3, 117) n’est qu’une interprétation cosmogonique de l’initiation ; il compare l’hiérophante au démiurge, le dadouque au soleil, l’épibomios à la lune, le hiéroccryx à Mercure.

6 Philostr. Vit. Apoll. 4, 18, 136 ; Himer. Or. 20, 766. Le mot παράδοσις τῶν ἱερῶν, souvent employé, est impropre, car la παράδοσις désigne toute l’initiation.

7 Andoc. I, [3]1.

8 Themist. Or. 20, 235 B ; 5, 71, 18 ; Himer. Or. 22, 7, 762 ; Aelian. Frag. 12 ; Capitol. Vit. Marc. 27 ; Plut. De prof. virt. p. 238.

9 Plat. Phaedr. p. 250 ; Ep. p. 986 ; Himer. Ecl. 10, 186 ; 22, 304 ; Jambl. Myst. 2, 10, 53 ; Plut. Phoc. 28, 30 ; Liban. In Dem. IV, p. 279 ; Dio Chrys. XII, p. 387, éd. Reiske ; Aristid. Or. 19, 416 ; Sopat. Distinct. quaest. p. 123 ; Claudian. De rapt. Pros. 1, 7-11 ; Ἐφ. Aρχ. 1883, p. 79.

10 Ils sont réunis à l’art. eleusinia, p. 579 B.

11 Plut. De virt. progr. 10 ; Fragm. in Slob. Flor. 120, 28 (?) ; Apul. Met. 11, p. 366; Dio Chrys. 11, p. 387.

12 Catapl. 22.

13 Ran. 137-160, 224, 615.

14 Contre les anciennes théories de Warburton, Sainte-Croix, Creuzer.

15 Aristot. in Syn. Orat. p. 48 ; Galen. De usu part. 8, 14 ; Plut. De def. orac. 22. Voir l’art. eleusinia, p. 374-575.

16 Euripid. Her. fur. 613 ; Diodor. 4, 25 ; Plat. Axioch. 13.

17 Lys. 6, 50 ; Philostr. Vit. soph. 2, 20, p. 202 ; C. i. att. 3, 713 ; Ἐφ. Aρχ. 1883, p. 30.

18 Hypothèse de Preller, L. c. d’après Lucien, Pseud. 38.

19 Voir Foucart, Mémoire, I, p. 59-74.

20 Theodor. L. c.

21 Hieron. In Jovin. 2, 14, 344.

Bibliographie. Sainte-Croix, Recherches sur les Mystères du paganisme, 2e éd. Paris, 1817 ; Creuzer, Symbolik und Mythologie, trad. Guiguiaut ; Loheck, Aglaophamus, Kœnigsberg, 1629 ; Guigniaut, Religions de l’antiquité, t. 111, 3e part. p. 1089-1245 ; Mémoire sur les Mystères... de la Grèce en général (Mém. de l’Acad. Inscr. et belles-lett. n. s. t. XXI, 2e part.) ; Ottfried Müller, Orchomenos, p. 453 ; Etensinia (Allgem. Encyclop.) ; Preller, Mysteria (Pauly’s Real-Encyclop. p. 311-330) ; Maury, hist. des religions de la Grèce antique, Paris, 1857, t. II, p. 297-380 ; t. III, p. 00-337 ; Mommsen, Die Feste der Stadt Athen im Altertum, Leipzig, 1898 ; Jean Réville, La religion à Rome sous tes Sévéres, Paris, 1886, p. 174-190 ; Stengel, Die griech. Staatsalterthümer (Handb. der klass. Altertums-Wissens, V, 3 ; p. 1 10-120) ; Lang.