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préface

perentoire, sontueux pour adopter, péremptoire, somptueux ; — ajoindre, ajuger, amonester, aversaire pour adjoindre, adjuger, admonester, adversaire.

J’ai noté les cas où la mesure du vers nous indique une prononciation différente de la nôtre : deux syllabes là où nous n’en comptons qu’une, une syllabe là où nous en comptons deux, comme dans les mots suivante :

Perdreau (3 syllabes) : Le perdreau en sa saison, Le meilleur vin de la maison. Jodelle, Eugène, I, 1.

Aider (3 syllabes) : Mille preservatifs le fresne a de nature, Afin d’en aider l’humaime creature. Passerat, Poésies, I, 61.

Paon (2 syllabes) : Et de Paons couplez, où il le plaist tu guides Ta coche comme vent sur terre et dans les cieux. Ronsard, Eglogue 3.

Viande (2 syllabes sonores) : O doulee mort, par salut manifeste Tu nous repais de viandes celestes. Marot, Traduct., 3.

Fay-neant (2 syllabes) : Par le champ du fay-neant je passe… J’y voy tout en friche laissé. Baïf, 3e Livre des Mimes.

Naif (une syllabe) : Là nous dirons mainte naifve sornette, Chassant bien loin tristes soucis de nous. J. Béreau, Eglogue 2.

Pays (une syllabe) ; paysan (2 syllabes) ; paysage (2 syllabes sonores) : Trouva le tout si tres bien ordonné, Le pays par tout, soit privé ou estrange, Qu’il en donna à sa mere louange. Marg. de Nav., Dern. Poés., les Prisons de la Reine de Nav.Par elle le paisant, quand son Croissant éclere, Cognoist pour tout le mois quel temps c’est qu’il doit faire. Baïf, le 1er des Meteores. — Nous repaissant d’un feint image Ou de quelque estrange paysage. Belleau, Petites Inventions, le Pinceau.

Traison (2 syllabes) : Et voilant sa traison d’un masque d’hypocrite. Du Bellay, Regrets, 73.

Fleau (une syllabe) : L’homme pense eviter les fleaux du Ciel vengeur. Aubigné, Tragiques, V.

Poete (une syllabe sonore) ; poetique (2 syllabes sonores) : Je ne sçay quel Demon m’a fait devenir Poete. Regnier, Sat. 2. — Sentier trop rebattu des poetiques esprits. Desportes, Rodomont.

Des renseignements peuvent être tirés aussi de la rime, et je les ai notés à l’occasion. On verra, par exemple :

Jerusalem rimant avec an : Or, parler veulx à toy une fois l’an, Ainsi que Dieu dict de Jerusalem. Des Périers, I, 141.

Eden rimant avec Adam : Monstrant que fut Eve faite en Edem De chose pure, et de limon Adam. Vauquelin de la Fresnaye, Sat. franç., L. III, à M. de Choisy.

Ancien rimant avec Ocean : Le siecle ancien Nomma le pere et vieillard Ocean Germe de tout. Ronsard, Hymne de la Philosophie.

Accepte rimant avec houlette : Donc, Sauvageot, ces deux vouges accepte, Comme vainqueur : de moi cête houlete. Vauquelin de la Fresnaye, Foresteries, I, 6.

Sceptre rimant avec prestre : Lors Anius le bon Roy portant sceptre Du peuple Roy, et de Phebus grand Prestre. Des Masures, Eneide, III.

Delecte rimant avec violette : Et si l’aller par les champs vous delecte, A chascun pas croist une violette. Melin de Saint-Gelays, I, 198.

Mais il ne faut pas exagérer la valeur de ces renseignements. Les poètes du xvie siècle prennent de grandes libertés tant avec la rime qu’avec la mesure du vers.