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préface

Savourer avait parfois le sens de rendre savoureux : Au semer des melons, aucuns ajoustent les bonnes senteurs et liqueurs, pour en odorer et savourer le fruict. O. de Serres, Th. d’Agric., VI, 9.

Scandaliser signifiait perdre de réputation, déshonorer. On scandalisait quelqu’un en l’accusant, à tort ou raison, d’une action honteuse, en faisant un éclat à ses dépens : La Dame (combien qu’à juste occasion le pouvoit faire punir…) si ne voulut elle pour ceste premiere fois le scandaliser. Comptes du Monde adventureux, 23. — Maintenant que scandaliser quelqu’un signifie le choquer par l’éclat fâcheux d’une mauvaise action, d’un mauvais propos, l’idée fondamentale de scandale est toujours présente, mais le dérivé exprime une tout autre idée qu’anciennement.

Ailleurs, l’idée primitive n’existe plus. Dans le mot qui l’exprimait, une idée accessoire s’est jointe à elle, puis est devenue l’idée dominante. Désormais, le mot sert surtout, a l’expression de la nouvelle idée. La première peut disparaître totalement le mot lui survit et n’exprime plus que l’autre, à laquelle il demeure attaché. Ce fait, que Darmesteter appelle l’enchaînement de sens, est tout à fait fréquent dans l’histoire de notre langue, et, comme il peut se produire plus d’une fois dans un même mot, on voit quelle est son importance dans l’évolution sémantique.

Marinier est primitivement un adjectif signifiant relatif à la mer, ou plutôt à la marine, puisque marine avait pris le sens de mer. Marinier a d’ailleurs encore cette signification générale. Employé comme substantif, il désignait naturellement, un homme naviguant sur la mer : Là le trouverent des mariniers nouvellement arrivez des isles de l’Ocean Atlantique, que les anciens appelloyent les Isles fortunees. Amyot, Sertorius, 8. — Dans cet emploi, à l’idée de mer s’est jointe l’idée de navigation, qui prend une importance croissante et finit par dominer. Aujourd’hui, l’idée de la mer a tout à fait disparu. Le marinier n’est plus que l’homme qui navigue sur les fleuves et les rivières. Il est tout fait opposé à marin, dont il devrait logiquement être le synonyme, comme autrefois. Mais c’est justement sans doute cette synonymie qui a été cause de son évolution.

Le secrétaire était celui à qui l’on confiait un secret, le confident. Employé au figuré, le mot, pouvait même s’appliquer à des choses : Bois tristes et solitaires, De ma peine secretaires. Du Bellay, Jeux rustiques, Chant d’Amour et de l’Hyver. — Mais le rôle du confident pouvait être aussi de tenir la plume pour celui dont il avait la confiance. Ce second caractère prend la prépondérance sur le premier et finit par l’éliminer.

Un badin était un sot. Le mot était adjectif et substantif, et badinage signifiait sottise : Voilà tant de sottises que mesmes les Payens n’ont esté jamais si lourds ne si badins en leurs superstitions, comme aujourd’huy vous estes. Calvin, 42e Serm. sur l’Epistre aux Galates. — Je sçay bien que les povres Egyptiens d’Hérodote sont fort mocquez quant à leur religion… et ne nie pas que ce ne soit à bon droit, car on y voit de grans badinages. H. Estienne, Apol. pour Hér., au Lecteur. — Mais le badin était, en outre, un personnage de comédie, dont le rôle était de faire rire par sa sottise : En ceste maniere voyons nous entre les Jongleurs à la distribution des rolles le personaige du Sot et du Badin estre tousjours representé par le plus petit et perfaict joueur de leur compaignie. Rabelais, III, 37. C’est par ce personnage que l’idée de faire rire s’introduit dans le mot, domine ridée de sottise et finit par la faire disparaître complètement.

Chere conservait encore le sens de visage, mine : Quand il s’en departoit, elle fundoit