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préface

quinerie. Le mot désignait une sage économie : La vie rustique et solitaire a gaigné le prix, comme maistresse et exemple de toute sobrieté, continence, parcimonie et diligence. O. de Serres, Th. d’Agric., Conclusion.

L’usure était l’intérêt de l’argent. C’était une chose légitime, et l’on pouvait prêter de l’argent à une usure raisonnable. Les deux termes n’étaient pas contradictoires : Les pauvres se contenterent que les usures fussent moderees seulement, sans que les debtes tussent abolies et annullees entierement. Amyot, Solon, 15.

La puerilité était l’enfance : Nous diviserons les aages en quatre, à sçavoir Puerilité, Adolescence, Jeunesse ou Virilité, Vieillesse. Paré, Introd., 5.

Artificieux signifiait agissant avec art, avec habileté, ou fait avec art, avec habileté. Artificieusement avait le sens correspondant. Il n’y avait, dans ces mots aucune idée de tromperie : Nature, sage ouvriere, n’a jamais rien fait sans cause, et sans une grande, artificieuse et admirable industrie. Paré, I, 23. — Ces belles et grandes portes enrichies de tant d’artificieux ouvrages. Du Vair, Medit. sur les Lament. de Jeremie. — Ce qui est plus à admirer, sont les grandes images bien et artificieusement taillées en marbre, qui sont tout autour dudit temple. Thevet, Cosmogr., XVI, 21.

Doucereux avait le sens de doux et s’employait au propre et au figuré sans aucune idée défavorable : L’homme paissoit de glan sauvage Sa faim et de miel doucereus. Béreau, Ode 7. — O que l’homme est bien plus heureux, Qui lient à mépris vos richesses Et jouit du bien doucereux Qu’élargissent les neuf Deesses. Baïf, Tiers Livre des Poemes (II, 162).

Mielleux signifiait relatif au miel ou contenant du miel ; au figuré, doux comme le miel : Toutes ensemble viennent regagner leur ruche, et recommencer leur mielleux travail. Du Vair, Ouvert. du Parlement de 1614. — Bignets ou Buignets. Friands… succrez, delitieux, enfarinez, mielleux. De la Porte, Epithetes. — Les doctes sonantes Sœurs… Dont les mielleuses douceurs Oindront à jamais ta gloire. Tahureau, Premières Poésies, à Mme Marguerite. — Il est probable que dans artificieux est entrée l’idée d’excès d’habileté, dans doucereux et mielleux l’idée d’affectation de douceur, et qu’ainsi ces mots sont venue à exprimer l’idée de fausseté, de tromperie.

Cupide signifiait désireux, et cupidité signifiait désir : Tu n’es pas… plus cupide de m’enseigner et me faire ton disciple, comme je suis desireux d’aprendre. Bretin, trad. de Lucien, Anacharsis, 14. — Cette cupidité qui nous espoinçonne à l’estude des livres. Montaigne, III, 12.

Hautain signifiait haut, élevé, au propre ou au figuré : Antres et vous fontaines, De ces roches hautaines Qui tombez contre-bas D’un glissant pas. Ronsard, Odes, IV, 4. — La vie de M. Regulus, ainsi grande et hautaine que chascun la cognoist. Montaigne, III, 7.

Horrible avait le sens de terrible : Quand l’horrible majesté de Dieu nous vient en pensée, il est impossible que nous ne soyons espovantez. Calvin, Instit., III, xx, 17.

Idiot signifiait simple, ignorant ; imbecile avait le sens de faible, et imbecillité celui de faiblesse ; stupide signifiait frappé de stupeur, insensible. C’est probablement l’emploi par euphémisme qui a déformé la signification de ces mots : Qui est-ce maintenant qui osera alleguer, Ho, je suis un povre idiot, je ne suis point clerc. Calvin, 52e Serm. sur l’Harmonie evangel. — Ne tient-il qu’à mourir ? je rendray tesmoignage Que mon sexe imbecile est pourveu de courage. Montchrestien, les Lacenes, II. — Les uns distinguent les diversitez des couleurs, les autres ne les apperçoivent point, à cause de l’imbecillité de leur