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préface

égard à, prendre en considération : Combien qu’amour soit de telle nature Qu’il n’a respect à la condition, Mais par l’object d’une perfection Où il luy plaist fait sentir sa pointure. Du Bellay, Amours, 8.

Remonstrance signifiait exhortation. Son sens pouvait être rétréci par l’adjonction d’une idée de reproche, mais cette restriction était accidentelle : Pantagruel leurs feist une briefve remonstrance, à ce qu’ils eussent à soy monstrer vertueux au combat. Rabelais, IV, 37.

Une semonce était un avertissement, et particulièrement une invitation : Polyperchon… l’avoit convié à venir soupper en son logis le jeune Prince eut peur, et se défia de telle semonce. Amyot, Mauvaise honte, 4. — Il y a bien pour ce mot une restriction de sens, une semonce aujourd’hui étant un avertissement au sujet d’une faute et une invitation à ne plus la commettre.

La corpulence était la forme du corps : le mot pouvait s’employer même quand on pariait d’une personne maigre : De sa corpulence il estoit maigre, petit et boiteux. J. Bodin, Republique, IV, 6.

Souffrance participait au sens très large de souffrir : il pouvait signifier, par exemple, tolérance : De dire que le Senat disposoit des finances, Il est vray, mais c’estoit par soufrance, et tant qu’il plaisoit au peuple. J. Bodin, Republique, III, 6.

Succes signifiait succession, suite : Voyons maintenant le succez des Empereurs qui ont gouverné test Empire, l’heur et malheur d’iceux, et en quel nombre. Thevet, Cosmogr., XIX, 3. — Il désignait aussi le résultat bon ou mauvais d’une action, d’une entreprise : Je me retireray seulement jusques à ce que j’entende le succez de cecy, qui ne peut estre sinon cruel. Larivey, Tromperies, IV, 4.

Le mot grade n’a ait pas pris le sens restreint, militaire ou administratif, que nous lui connaissons : il avait le sens général de rang : Elle [Catherine de Médicis] sceut entretenir son grade et auctorité si imperieusement, que nul n’y osoit contredire. Brantôme, des Dames, Catherine de Médicis.

Obseque pouvait avoir différents sens : obéissance, service, hommage, etc. : Tu ne le pourrois demonstrer plus grand en auctorité que par ton obseque et service. P. de Changy, Instit. de la Femme chrestienne, II, 3. — Dans le sens restreint que le mot a gardé, Calvin dit : obseques pour les morts.

Domestique, adjectif, signifiait vivant dans la maison, familier, remplissant une fonction dans la maison, et conservait ces significations quand il s’employait comme substantif. Les domestiques étaient les gens de la maison, par opposition aux étrangers : Le chien jappe et est mauvais aux estrangers, et doux aux domestiques. G. Bouchet, 7e  Seree. — Aristote nous est donné comme un familier d’Alexandre, et peut-être aussi comme remplissant un emploi auprès de lui : Alexandre le grand, quoy qu’il eust Aristoteles pour praecepteur et domestic. Rabelais, III, Prologue. — Ailleurs le mot désigne plus nettement celui qui remplit un emploi : Quelques domestiques des Bourbons… entre autres le sieur des Cars et Bouchard, chancelier de Navarre. Aubigné, Hist. Univ., II, 14. — Domestiquer signifiait rendre familier, et se domestiquer, se familiariser : Telle monnoye… semble estrange au commencement : puis l’usage l’adoucit et domestique. Ronsard, Franciade, Préface de 1623. — Apres qu’on s’est plus domestiqué avec eux, ils descouvrent davantage les secrets qu’ils n’osent pas si tost mettre en evidence. La Noue, Disc. pol. et mil., XXIV.

Fatal se disait de toute chose marquée par le destin, aussi bien dans un sens favo-