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xxxviii
préface

dérive, par restriction, la signification actuelle : Il eut davantage de difficulté au pays des Eduens, pour autant que ce canton estoit plus puissant. Fauchet, Antiquitez, I, 18.

Destroict se disait d’un espace étroit, resserré. Le mot s’appliquait à un isthme : Les Lacedemoniens… vindrent camper au destroict que l’on appelle Istmus. Amyot, trad. de Diodore, XII, 17 ; — à un défilé : Leonidas… prit son chemin vers le destroict des Thermopyles. id., ib., XI, 1 ; — sans parler des cas où il désignait une région, une division administrative. On sait qu’au figuré il exprimait une situation difficile : estre à destroit de vivres, par exemple.

Linceul conservait encore quelque chose de sa signification primitive, tissu de lin. On l’employait dans le sens de linge, morceau de linge : Autant en est-il du linceul duquel Jesus Christ torcha les piedz de ses Apostres, apres les avoir lavez. Calvin, Traité des Reliques. — Il désignait surtout un drap de lit, d’où lui est venu son sens actuel : Son lict elle brassoit Et les linceux trop cours par les pieds tirassoit. Regnier, Sat. 11.

Idole signifiait image, statue, et d’autre part apparence, fantôme : L’un d’eux avoit de son baston frappé un Gaulois, qui trop privément luy manioit la barbe, pensant que ce fust l’idole de quelque Dieu. Fauchet, Antiquitez, I, 8. — Je m’en vois à la mort : et mon idole errante Sera tost aux enfers parmy l’ombre courante. Nuysement, Œuvr. poet., p. 78. — Mais depuis longtemps le mot était spécialement employé pour désigner les images des dieux du paganisme.

Perruque, emprunté à l’italien, signifiait chevelure, et quand les cheveux étaient postiches on disait une fausse perruque. Dans ce cas, c’est sans doute l’euphémisme qui a supprimé l’adjectif et produit la spécialisation : C’est l’image de Lysander faitte au naturel, ayant une grosse perruque, et la barbe fort espesse et fort longue. Amyot, Lysandre, 1. Au figuré, perruque désignait le feuillage des arbres : Le Chesne remue Sans aucun vent sa perruque menue. Ronsard, Bocage royal.

Crin ne se disait pas seulement quand on parlait de la crinière des animaux. Le mot signifiait cheveu, ou, avec un sens collectif, chevelure : Vous trouverez mille Nymphettes… Les crins épars dessus le front. Tahureau, 1res Poésies, Aux Muses. — Elle avoit les brads nuds à la mode Nynfale, Son crin étoit noué en un neu simplement. Vauquelin de la Fresnaye, Foresteries, I, 8.

Le cuir était la peau de l’homme aussi bien que celle des animaux : Nous viendrons aux remedes particuliers, qui ont faculté de pallier les rides et blanchir le cuir. Paré, XXV, 44.

Affection avait encore le sens de sentiment. Il avait aussi celui de désir, ardeur : Hercules… je ne sçay de quelle affection meu… envahit hostilement la terre de Phrygie. Lemaire de Belges, Illustr., II, 5. — Oncques ne veistes homme, qui eust plus grande affection d’estre roy et riche que moy. Rabelais, I, 1. — Et n’y avoit celuy en sa cour, qui de grande affection ne se meist à l’estude des lettres. Amyot, Dion, 13. — Affectueux signifiait de même zélé, ardent, et affectueusement, signifiait avec ardeur : Le Prince Sophy se monstre tres-affectueux à pourchasser la destruction de la loy de Mahometh. Lemaire de Belges, Syach Ismaïl, 3e partie. — Le gouvernement que Scipion avoit si affectueusement quis et prochassé en Hespagne, luy diminua plus sa gloire, qu’il ne feit celle de Caton. Amyot, Caton le Censeur, 11.

Respect pouvait avoir le sens très large de considération. Il avait souvent celui de cause, motif : L’antiquité a esté en admiration aux uns et en mespris aux autres pour divers respects. H. Estienne, Apol. pour Hér., ch. 3. — Avoir respect à signifiait avoir