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préface

beau : un brave palais, de braves habits : Un brave pavillon de feuillées aimables Treillissé et couvert proprement te feray. Béreau, Eglogue 10 ; — bon, habile, savant : Tous les plus braves medecins y estans appellés jugerent que c’estoit une convulsion de fort pres approchante à l’epilepsie. Paré, XIX, 32 ; — Hautain : Et bref vous me serez ou gracieuse ou brave, Maugré vostre rigueur je seray vostre esclave. Ronsard, Elegie 9. — On trouvait bravade dans le sens de magnificence et d’ostentation : Nous appelons parade et bravade… ce que nous nommions magnificence. H. Estienne, Precellence, p. 351. — Lequel [mot] Petrarque et Boccace ont mis en monstre, en faisans grande bravade. id., Ib., p. 343. — Braver signifiait défier, parler d’un ton provocant : Il brava fort et menaça de tout battre, vaincre et renverser. Brantôme, Marquis del Gouast. — Il signifiait aussi parader, se pavaner : J’en ay aussi veu autres… qui engageoient tout ce qu’ils avoient… pour acheter chevaux et accoustremens afin de braver. Du Fail, Contes d’Eutrapel, 2.

Defaire avait entre autres sens celui de tuer : Je me rencontray un jour à Rome, sur le point qu’on deffaisoit Catena, un voleur insigne : on l’estrangla sans aucune emotion de l’assistance. Montaigne, II, 11. — Se defaire signifiait se tuer : Dinocrates ne leur donna pas loisir de le faire mourir par justice, car il se desfeit luymesme. Amyot, Philopœmen, 21.

Donner avait le sens d’attribuer : Toute la faute estoit donnée, par preuves evidentes et manifestes, à un Lucien. Louveau, trad. d’Apulée, VII, 1 ; — celui d’admettre : Donnons neantmoins que toutes ces choses se puissent tolerer pour quelque temps. Calvin, Instit., ch. V, p. 349 ; — celui de sacrifier : On donne au privé l’utilité commune. Du Bellay, Regrets, 123.

Coucher avait le sens de placer, poser : Il ne peut si bien coucher ses couleurs que il en avoit jeté le dessein. Larivey, trad. des Nuits de Straparole, IX, 4 ; — celui d’inscrire : Une seule parolle De vous me peult faire coucher au rolle. Marot, Epistre 28 ; — celui de rapporter, d’exposer (par écrit) : Toutes ces choses sont bien à plein et bien elegamment couchees es autres œuvres escrites en François. Lemaire de Belges, Illustr., II, 6 ; celui de rédiger : Sur le poinct qu’il estoit prest de publier l’edict… et qu’il ne restoit plus qu’à le coucher en bons termes. Amyot, Solon, 15 ; — celui de mettre au jeu : Et bien, mon amy, dit-il à ce jouvenceau, voila cent escus, couchez-en autant. Du Fail, Contes d’Eutrapel, 26. On sait combien ce dernier sens était développé dans le langage figuré.

La restriction de sens est un fait très fréquent, bien connu, qui se produit encore triés souvent à notre époque. Beaucoup de mots avaient au xvie siècle un sens plus large qu’aujourd’hui.

Les gendarmes autrefois étaient simplement des hommes d’armes : Ainsi jadis ces deux fameux gendarmes, Jason, Achille, enfançons de Chiron, Furent nourris en son docte giron. Ronsard, l’Hydre desfaict. — Gendarmerie, mot collectif, désignait, aveu la même extension, l’ensemble des gendarmes : C’est une dispute non encores jugée… sçavoir si la gendarmerie de pied fait plus d’exploit et est plus utile à un conquérant que celle de cheval. Fauchet, Orig. des Chevaliers, I, 1. — Ces deux mots s’employaient aussi avec une restriction toute différente de celle d’aujourd’hui : les gendarmes étaient les combattants à cheval, et gendarmerie était le nom collectif qui les désignait : Cessez, cessez, gendarmes et pietons, De pilloter et menger le bon homme. Collerye, Rondeaux, 96. — Crassus les hastoit encores d’aller, contraignant les gens de pied de marcher aussi tost comme la gendarmerie. Amyot, Crassus, 23.