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ABISMEMENT
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Et sans descendre en l’abysme profonde Demeure vive hostesse de ce monde. Ronsard, Franciade, III (III, 112). — Il y a de grandes abysmes en ce Bosphore. Thevet, Cosmogr., VIII, 8. — Et les corps engloutis dans l’abysme profonde Furent faits la victime et Le tribut de l’onde. Nuysement, Œuv. poet., 73.

Abismement. Action d’abîmer. — Et voudroyent… avoir perseveré en ce meslange, ou plustost abismement d’eux mesme en Dieu. St  François de Sales, Amour de Dieu, L. VI, 1re  rédact. (V, 412).

Abismer. Faire disparaître, anéantir, effacer. — Je congnoy bien la tienne affection, Qui est d’Amour la Foy en ton desir, Pour abismer l’ennuyeulx desplaisir Qui te detient pour ung tien amy mort. P. du Val, Dial. du Contemnement de la Mort (Théâtre Mystique, p. 133). — Je ne pouroys sans Grace aulcun bien faire En tant que Grace abisme les forfaictz Des vrays croyans, en vray amour refaictz. id., Morallité à six personnages (Ib., p. 137). — En toute autre sumptuosité de faire jouer jeux, et donner festins publiques, il abysma, par maniere de dire, la magnificence de tous ceulx qui s’estoyent efforcez d’en faire auparavant. Amyot, César, 5.

(Intransitif.) S’abimer, s’engloutir. — Si que les nefz sans crainte d’abismer Nageoient en mer à vailles avollées. Marot, Ballades, 7. — Mais si d’un œil foudroyant elle tire Dessus mon chef quelque traict de son ire, J’abisme au fond de l’eternelle nuit. Du Bellay, l’Olive, 81. — Et quelqu’autre bien loing, en danger d’abysmer. id., Regrets, 34. — Voyant mon cher Seigneur au danger d’abysmer, me p]aist de courir une mesme fortune. id., ib., 49.

Abismeux. De la nature de l’âbime. — Lieux abismeux, en cavernes retretz. Anc. Poés. franç, XI, 210. — Averne. Profond, obscur… abysmeux, ou abysmant. M. de la Porte, Epithetes. — Leur nef or par les flots jusques aus cieux touchoit, Et or jusqu’aus enfers abismeus se cachoit. P. de Brach, Imitations, Olimpe. — De l’abismeux enfer la part plus reculée. id., Hierusalem, XVI, 15 vº.

Abject. Qui est de basse condition, qui est dans un état d’abaissement. — O toy… non de trop haulte condition, ou appelé au reine publiq’, non aussi abject et pauvre. Du Bellay, Deffence, II, 5. — Mon Roy ne doit nourrir ny picques ni discordes, Rancueur ny deffiance entre ses vrais subjects, De peur de l’estranger, ny les tenir abjects. Jean de la Taille, le Prince Nécessaire, II. — Les Apostros, simples et abjects, confondirent la sapience de ceux qui estoient reputez sages et prudens. Larivey, trad. des Facetieuses Nuits de Straparole, IX, 5. — Il ne me semble point, que les plus abjects serviteurs facent volontiers pour leurs maistres, ce que les Princes s’honorent de faire pour ces bestes [les oiseaux, les chevaux et les chiens]. Montaigne, II, 12 (II, 180).

Humble, modeste. — Il se rendoit si treshumble et abject. Qu’il ne sembloit estre Abbé, mais subject. J. Bouchet, Epistres famil. du Traverseur, 57. — Avez le cueur tant bening et humain Qu’estes tousjours la premiere au service, Abjecte et humble autant qu’une Novice. id., ib., 115. — Elle [l’Ecriture Sainte] requiert un cueur humble et abject, A vanitez et abus non subject. Fr Habert, Deplor. de Du Prat, Epistre. — Certainement si Dieu n’est point, mocqueur, Il prend en gré l’abject et humble tueur. id., Exposit. morale.

(Prononciation.) — Comme personne abjecte, En t’adorant me jette En terre soubs ton pié. Marg. de Nav., Les Marguerites, Com. de l’ador. des trois Roys (II, 123). — Qui de rateaux rompt les motes abgettes, Et va trayant les clayes de vergettes. Pelletier du Mans, trad. du 1er  livre des Georgiques.

Abjecter (s’). S’abaisser. — Or en Jesus nul au vray ne se fie, Sinon celuy qui sous son bras puissant En tous endroits s’abjette et humilie. Marot, le Riche en Povreté. — Que dictes vous, Madame ? est-ce une chose honneste vous objecter aux façons d’une becte ? R. Garnier, Hippolyte, 536.

Abjection. Action d’abaisser, de mépriser. — Sainte Elizabeth, toute grande princesse qu’elle estait, aymoit sur tout l’abjection de soy mesme. St  François de Sales, Introd. à la vie devote, III, 1.

Humilité. — La vraye vefve est en l’Eglise une petite violette de mars, qui respand une suavité nompareille par l’odeur de sa devotion, et se tient presque tous-jours cachee sous les larges feuilles de son abjection. id., ib., III, 40.

Abjurer qqn. Rejeter par serment son autorité — Les Flamands… déclarèrent le roi d’Espagne descheu de sa seigneurie et principauté des Pays-Bas… A cela fut adjoustée une forme de serment pour abjurer le roi d’Espagne. Aubigné, Hist. Univ., X, 22.

Ablatif. — Or, de ses sirophs laxatifz, Ne dyarondon ablatifz, Ne d’herbes, ne d’electuaires, De telz fatras n’ayez que faire. Anc. Poés. franç., II, 115.

Ablativo. Ablativo tout à un tas. Péle-méle. — Ce maistre Tasteur ne laisse pas de les mettre ablativo tout à un tas : en cependant telle en patira quy n’en pourra mais. Var. hist. et litt., II, 40.

Able. — L’Olme, le Chesne, l’Able en ce lieu escarté Pourront seuls tesmoigner la misere infinie. Mmes  des Roches, Poesies, à Charite.

Ablottir (s’). Se blottir. — Là tout caché, de brossailles couvert, Ou ablotti derriere un gazon vert, Coy j’attendray l’heure de sa venue. P. de Brach, Imitations, Aminte, II, 1. — En fin lasse et debile à bas s’ablotissant, Ces propos elle dict d’un parler gemissant id., ib., Olimpe, p. 83.

Abluer. Laver. — O Roy des Cieus… J’ay ferme foy Qu’il est en toy D’abluer nos vices par don, Ph. de Brugnyon, Chant panegyrique.

Abnegation. Action de rejeter, de nier, de renier. — Ainsi… mettons nous neutre on Medicine, et moyen en philosophie par participation de l’une et l’aultre extremité par abrogation de l’une et l’aultree extremité Rabelais, III, 35. — S. Pierre… aiant par trois fois renoncé Jesus Christ… aurait esté… descheu de la prerogative, à laquelle le Seigneur avait appellé ses Apostres… Il falloit que, pour le restablir en sa premiere dignité, il effaceast la tare de ceste triple abnegation, Ph. de Marnix. Differ. de la Relig., I, ii, 3.

Aboi, v. Abai.

Aboissonner. Abreuver. — Cruels ils m’ont offert du fiel pour nourriture : De vinaigre en ma soif (si douce est leur nature) Ils m’ont aboissonné. Desportes, Ps. de David, 68.

S’aboissonner. Être arrosé, imbibé. — Jadis de Joricho la terre salpetreuse, Pour ne s’aboisson-