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BOURRE
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(Fig.). Maltraiter, frapper. — Bourrassant de telle audace L’orgueil du superbe Anglois, Qu’il l’a fait en peu d’espace Proye du soldat François. BELLEAU, La Bergerie, 17 Journ. (T, 197). — Hà que ne suis-je au temps de ma verte jeunesse.. Vous n’eussiez entrepris Ce que vous faites ores, Combien que je me sens assez robuste encores Pour vous bien bourrasser. R. Garnier, Bradamante, 470.

Bourre. En bourre. Dans un état d’inachèvement. — Ses affaires estoient encore, par maniere de dire, en bourre, et nouvellement avoit prise la monarchie, P. Sazrar, trad. d’HéÉronore, III, 427. — Amitiez dignes de l’aage des amans, qui n’ont encore aucune vertu qu’en bourre, ni nul jugement qu’en bouton. St François DE SaLes, p. 513 (Littré).

Sous bourre. Secrètement. — Si ceux qui livrarent la ville de Pize, Serzanne et autres places. eussent creu M. de Ligny, très-sage chevallier, qui soubz bourre leur deffendoit tousjours, et qu’ilz temporisassent un peu, possible n’eussions-nous perdu le royaume de Naples, BRrANTÔME, Cap. franç., le mareschal de Bourdillon (V, 79). — Et pourrez faire cela soubs bourre, si finement et excortement que l’on n’en sentira que le vent. id. M. de La Noue (VII, 227). — Elle [Messaline] s’estoit mariée sous bourre avec un Caïus Silius. id., des Dames, part. IL (IX, 31).

Tout bas. — 11 [Pierre Paschal] songeoit en soy, et disoit soubs bourre en se mocquant : « Ce n’est pas ce que vous pensez. » BRANTÔME, Cap. franç., le grand roy Henry LI (III, 283). — Il… luy donna entendre soubz bourre et le picqua, que l’autre avoit tousjours fouy devant luy en tous ses aa id., Rodomontades espaignolles (VII, 100).

Rire sous bourre. Rire sous cape. — J’en vis aucunes [dames] qui en rioient bien soubz bourre. BrANTÔME, Cap, franç., M. de Montpensier (V, 12). — Qui en avoyent ouy parler du mestier, tant dames que filles, se mettoyent à rire sous bourre. id., des Dames, part. II (IX, 46).

Bourre d’une arme à feu. — Le sergent, de qui Goas avoit tiré promesse de ne tirer que le bourre n’entrast [de ne Lirer qu’à bout portant, de très près] et de rompre croce sur cap, passe plus de la moitié du champ. AuBiGNné, Hist, Unio., V, 11. — Recommandons-nous à Dieu et à Nostre-Dame de frappe fort ; le premier qui tirera que la bourre n’entre, je le tuerai, si j’en eschappe. id., ib., V, 26.

Bourre. Objets mis pour remplir, pour combler, — L’eau estant accreue par l’arrest des moulins du marais, il fut porté quelque terre meslée chichement dans le bourre que nous avons dit. AuBIGNÉ, Hist. Univ., XI, 6.

(Masc.). — Ayant mangé les chevaux qu’on leur tuoit, et ceux qui restoyent se mangeans les crins et queues les uns aux autres, et encor le bourre qu’ils arrachoyent de leurs selles. AugiGNÉ, Hist. Univ, XII, 1. — V. dans les deux alinéas précédents deux autres exemples.

Bourré. Moine bourré, v. Moine.

Bourreau. Se faire payer en bourreau. Se faire payer d’avance. — Un pendart de valet Barbier… se faisant payer en bourreau, et garnir la main, paravant rien faire. Du Fail, Contes d’Eutrapel, 28 (II, 91).

(Fém.). Bourrelle. — Bourrelle des Amans, chagrine jalousie. Baïf, l’Amour de Francine, L. I (I, 140). — O mort cruelle, Triste bourrelle De nostre vie. Rivaudeau, Aman, I, p. 74. — Furies, laissés-moy ! lâs, laissés-moy, bourrelles. id., ib., IV, p. 112. — Mais toy, bourrelle sale et orde, De ta main ta gorge étreindras Avec la corde et te pendras. Baïf, Passetems, L. 1 (IV, 230). — Le severe Minos et le cruel Pluton, Tous deux tes outragez, hucheront Alecton, Megere, Tisiphone, execrables bourrelles, Pour ribler, forcener, ravager en tes mouelles. R. Garnier, Hippolyte, 111. — Sœurs au poil coulevrin, Eumenides cruelles, Quoy, serez-vous tousjours de vous mesmes bourrelles ? Du Bartas, 2e Semaine, 1er Jour, les Furies, p. 96. — Ah ! longues nuictz d’hyver, de ma vie bourrelles, Donnez-moy patience, et me laissez dormir. Derniers vers de Ronsard (VI, 302). — Je n’en excepteray les trois bourrelles de nos esprits : l’amour, l’ambition et l’avarice. E. Pasquier, Lettres, IX, 5. — Est-ce l’ambition, bourrelle de la vie ? Montchrestien, Aman, III, p. 255. — La mort, qui d’un costé se presente, effroyable, La faim de l’autre bout, bourrelle impitoyable. Aubigné, les Tragiques, I (IV, 44). — Ils avoient changé l’eau à donner mort par elle ; Il falloit que la terre aussy fust leur bourelle. id., ib., IV, p. 164.

Bourrelle, adjectif. — Quelle bourelle destinee A ce jour pour moy ramenee ! Jodelle, l’Eugene, IV, 3. — Le sçavoir n’est sinon qu’une bourrelle rage Qui tourmente le cœur. Tahureau, Poes. div., Vanité des hommes (II, 205). — Que les. Dragons grifus, les Dragons inhumains, Que l’enfançon d’Alcmene estoufa de ses mains, Ne vindrent demembrer de leurs griffes bourrelles Mon corps pendant encor à vos cheres mamelles ? R. Garnier, Porcie, 1682. — Venez, bourrelles Sœurs, En vos mains secouez vos fouets punisseurs. Baïf, Poemes, L. III (II 112). Tremblant d’une fiebvre bourrelle, Je passoy’ la glace en froideur, Puis une fournaise d’ardeur Brusloit mon sang et ma moelle. Aubigné, Primtems, I, 46. — Rompons nos vestemens, decouvrons nostre sein, Aigrissons contre luy nostre bourrelle main. R. Garnier, les Juifves, 474. — Elles volent vers l’homme, où leurs dextres bourrelles Font à qui forgera des peines plus cruelles. Du Bartas, 2e Semaine, 1er Jour, les Furies, p. 99. — Ministre de tourment, bourrelle jalousie ! Vauquelin de la Fresnaye, Divers Sonets, 62. — Et cet esprit divin, hoste d’un corps humain, En est chassé dehors d’une bourrelle main. Montchrestien, la Reine d’Escosse, V, p. 108.

Bourree. — Faisant collation d’une bourrée devant qu’aller au lict. Des Périers, Nouv. Récr., 97.

La bourree. L’un des jeux de Gargantua, Rabelais, I, 22.

Bourrelé. — Supplice. Infame, cruel… sanglant, bourrelé, M. be LA Ponte, Epithetes, 388 ro.

Bourreler. Torturer matériellement. — Geisnez son ame vicieuse : Et l’une de vous sur son sein Acharne un lezart inhumain, Et l’autre de rouges tenailles Bourrelle ses ordes entrailles. O. ne MaGny, Gayetez, p. 107. — Et desja je vous voy suyviz d’une Furie, Qui d’un fouet retors de serpens furieux Bourrelle sans repoz voz bouches et voz yeux. id., Odes, II, 42. — Apres que de leur cœur la forcenante envie De bourreler mes yeux s’est du tout assouvie, Elles m’ont relaissé (tout d’un coup s’enfuyant) Seul dans leur pavillon mes playes essuyant. R. Garnier, la Troade, 2596. — Faites moy torturer. Soulez vous en ma peine, et que je satisface Seule pour Sedecie et pour toute sa race. Il ne peut recevoir