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DICTIONNAIRE

DE

LA CONVERSATION

ET DE LA LECTURE.

FRÉRET (Nicolas), secrétaire perpétuel de l’Académie des Inscriptions et belles-lettres, naiiiiit à Paris, en 16S8. Son père, procureur au parlement, eût désiré lui faire suivre la carrière du barreau ; mais reconnaissant combien peu il avait l’esprit des affaires, il finit par le laisser libre d’obéir au pencbant qui l’entraînait vers les lettres. En elfet à l’âxe de seize ans. Fréret , élève de Rollin, était déjà un prodige d’érudition ; aussi en 1714 ne pouvant encore prendre place panniles membres de l’Académie, à cause de sa jeunesse, y fut-il, en attendant, admis à titre iVetcue. Son début fut sifînalé par un discours sur lorijine des Français, qui choqua les opinions alors admises, et blessa si vivement l’abbé de Vertot, que celui-ci dénonça T’iuteur au juiiiistère. Fri’ret fut mis à la Bastille. Duclos assure que des propos indiscrets sur l’affaire des princes légitimés furent la véritable cause de sa détention. Quoi qu’il en soit, Fréret occupa les loisirs forcés qu’on lui faisait à relire attentivement les auteurs grecs et latins, acquérant ainsi une connaissance plus approfondie de cette antiquité, qui fut l’objet des travaux de toute sa vie. Dans l’ardeur de son zèle pour la science, il voulut aller visiter la Cbiue, afm d’étudier par lui-même ses annales ; mais, ne pouvant réaliser son projet, il apprit du moins le chinois d’un lettré de cette nation, venu en France en 1712. Aidé des lumières d’un célèbre missionnaire, le père Goubil, Froret établit que l’Iiisloiro des Chinois, loin de se perdre dans la nuit des temps, était fixée dans les livres de Moïse , et ne remontait pas au delà de l’an 2,575 avant J.-C.

La géographie avait également été l’objet de ses travaux, et dans ses papiers l’on ne trouva pas moins de 1,357 cartes traci’es de sa main. Reconnaissant l’influence des idées religieuses et philosophiques sur les révolutions des peuples, il entreprit de débrouiller la cosmogonie en même temps que la philosophie des Orientaux, puis celle des Grecs ; et nen de plus curieux et de plus instnictil que les dissertations qu’il composa sur ces différents sujets. Outre les langues anciennes, il savait l’anglais, l’italien et surtout l’espagnol. Jl connaissait aussi, dit Bougainville , son successeur à l’Académie, l’histoire naturelle et les procédés techniques des arts, et possédait assez de géométrie pour devenir bon physicien. Quoi qu’il poursuivit la renommée, Il ne la désirait pas uniquement pour lui, mais surtout pour le corps dont il taisait partie, et au(iuel il rapportait tous .ses travaux ; c’est ce qui explique comnienl la plupart de ses écrits, disséminés dans le recueil de l’Académie des Inscriptions, dimt il lut élu membre en 17 IG, et secrétaire perpétuel en 1742, ne furent rassembles et publiés qu’après sa mort. Les systèmes historiques de Fréret , quelquefois en dé-OICT. DE L CONVERS. — T. X.

saccord avec les livres .saints , l’ont fait ranger parmi les philosophes de l’école de Voltaire et de Diderot ; mais s’il attaqua ouvertement la religion chrétienne dans quelques écrits, il les garda soigneusement en portefeuille , ou ne les communiquant qu’à des amis discrets et éprouvés. Passant la plus grande partie de sa vie dans son cabinet , il n’avait point ces formes élégantes et polies que le grand monde seul enseigne. Aussi allait-il rarement dans les salons ; il leur préférait de beaucoup le café Procope, où il disputait sans cesse avec Boindin sur des questions de métaphysique et de philosophie. Ce fut lu que Liuclos fit sa connaissance. Fréret mourut le 8 mars 174’j, à l’âge de soixante et un ans. S.viNT-Pp.ospEB jeune.

FRtROX ( Élie-Catuep.ine ), le fondateur du journa-I lisnie en France après Rcnaudot, naquità Quimpei.en 1719.

11 était allié par sa mère à la famille de Malherbe. A la fin

i du dix-huitième siècle, à l’instant même oii la pensée humaine commençait cette longue révolte qui a enfanté la plus longue, laplusdifficile et la jilus mémorable des révolutions, au moment même où toute l’Europe, éblouie et étonnée, disait à Voltaire : Tu seras roi, Voltaire ! un homme arriva pour défendre, lui tout seul, la littérature du dix-septième siècle, qui était déjà de la vieille littérature, les principes du grand ngne, qui étaient déjà de vieux principes, la croyance de Bossuetet de Louis XIV, qui était dejade la vieille croyance. Cet homme, qui combattit seul toute sa vie pour la sainte cause du goût, et de l’art, et des règles, cet homme, qui eut pour mot d’ordre : Hacine et Boileau, cet homme a été le plus courageux et le plus constamment courageux de son temps, ’fout seul, lui qui n’était pas même le dernier des geiililsliuinmes, ou le dernier des liommes d’Église, il a défendu, nuit et jour, la cause du roi et de l’Église, abandonnée par la France entière , par l’Europe entière. Tout misérable que vous le voyez là, perdu dans la foule, sans protecteur, sans appui, sans ami, sans conseil, tout seul , il a osé s’opposer à Voltaire, le Mahomet de ce temps-la ; il a tenu tète , tout seul, aux encyclopédistes ameutés en masse, et à V Encyclopédie, r^tte statue d’argile aux pieds d’argile !

arrivée Paris tout jeune, fait ses études chez les jésuites 

et professe quelque temps au collège Louisle-Grand. Puis, àvingtans,il offre à l’abbé Desfontaines de travailler avec lui à ses Observations sur les écrits modtrnes et à ses Jugements sur quelques ouvrarjes nouveaux ; et à peine al-il pris la plume, qu’il fait oublier son maître, qui nwurt en 1745. Alors commence cettelutte de vingt ans entre Fréron et le parti philosophique. Chaque jour, matin et soir, ii était sur la brèche, voyant venir les nouveaux hommes et