Page:Dictionnaire de la conversation et de la lecture - Ed 2 - Tome 09.djvu/405

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
FÈVE — FÉVRIER 395


tomne doivent être faits à bonne exposition, ou protégés par des abris naturels ou artificiels. C. Tollard aîné.

Les anciens attachaient aux fèves des idées superstitieuses et fort étranges. Les Égyptiens se gardaient d’en manger, et Pythagore paraissait avoir puisé chez eux l’espèce de vénération qu’il avait pour ce légume. « Ce philosophe, dit Jaucourt, enseignait que la fève était née en même temps que l’homme, et formée de la même corruption ; or, comme il trouvait dans la fève je ne sais quelle ressemblance avec les corps animés, il ne doutait pas qu’elle n’eût aussi une âme sujette, comme les autres, aux vicissitudes de la transmigration, par conséquent que quelques-uns de ses parents ne fussent devenus fèves ; de là le respect qu’il avait pour ce légume. »

FÈVE ou FÈVE DORÉE (Entomologie). Voyez Chrysalide.

FÈVE (Roi de la), celui à qui est échue la fève du gâteau qu’on mange en famille, avec ses amis, la veille ou le jour des Rois ou de l’Epiphanie ; vieille coutume, qui règne encore depuis les chaumières jusqu’aux palais. Il résulte de l’Ecclésiastique que cet usage existait déjà chez les Juifs. Les Romains tiraient au sort avec des dés le roi du festin. De là nous vient certainement le roi de la fève. Ils tenaient cet usage des Grecs, qui s’en servaient pour les suffrages du peuple. La fève blanche signifiait absolution ; la noire, condamnation. À Athènes, on créait les magistrats au sort de la fève. Ce fut l’origine du précepte de Pythagore : à fabis abstine (ne vous mêlez pas des affaires du gouvernement), maxime que ses disciples traduisirent dans la suite des temps par : Ne mangez pas de fèves. Les Romains appelaient le premier jour de juin les calendes des fèves (fabariæ calendæ), parce qu’on faisait ce jour-là un sacrifice de fèves à la déesse Carna.

À la fin de décembre, durant les Saturnales, les enfants tiraient au sort avec des fèves à qui serait roi. Les peuples chrétiens ont transporté cet usage au commencement de janvier, époque où l’Église célèbre l’adoration de Jésus nouveau-né par les trois rois mages. Ce jour-là, dans chaque famille, ou sert le gâteau des rois, dans lequel se trouve une seule fève. Il est partagé en autant de portions qu’il y a de convives, et celui qui trouve la fève dans la sienne est proclamé roi, pauvre roi tyrannisé à tel point par ses sujets, qu’il ne peut approcher le verre de ses lèvres sans les entendre tous crier Le roi boit ! Au moins a-t-il pour dédommagement le droit de se choisir une reine, coutume remontant encore aux Romains, comme le prouvent ces paroles que Plaute met dans la bouche d’un de ses personnages, couronnant de fleurs une jeune fille : Do hanc tibi florentem florenti ; tu sic eris dictatrix nostra. Hélas ! les rois et les reines de la fève s’en vont pêle-mêle avec les masques du mardi gras.

FÈVE DE SAINT-IGNACE ou FÈVE DES JÉSUITES. Cette graine, ainsi nommée parcequ’elle fut rapportée en Europe par les jésuites, est le produit du strychnos Ignatii de Berguis, dont Linné fils a fait un genre distinct, sous le nom d’Ignatia ; elle a les plus grands rapports avec la noix vomique. Les fèves de Saint-Ignace sont d’un gris noirâtre, terne ; leur forme est assez irrégulière, angulaire ; elles sont dures et pierreuses, longues de 15 à 20 millimètres. On les récolte aux Philippines, où elles sont employées en thérapeutique. En Europe, on les connaît surtout à cause de leur action extrêmement énergique : prises à haute dose, elles déterminent la mort, non par une action vénéneuse, mais en produisant le tétanos, et, par une suite nécessaire, l’asphyxie. Elles doivent cette action toxique à la présence de la strychnine, qui existe aussi dans les graines de la plupart des Strychnos, mais nulle part aussi abondamment que dans les fèves de Saint-Ignace, où ses proportions s’élèvent à 12 pour 100.

FÈVEROLE. Voyez Fève.

FEVERSHAM (Lord). Voyez Duras.

FEVE TONKA fruit du coumarouna odorant (dip-


teryx odorata, Wild.), très-grand arbre, de la famille des légumineuses. Cet arbre, qui croit à la Guyane, s’élève jusqu’à plus de vingt-cinq mètres. Son tronc est couvert d’une écorce lisse, blanchâtre. Ses rameaux, nombreux au sommet, sont très-feuillus. Les feuilles sont fort longues, composées de deux ou trois paires de folioles presque sessiles, entières et acuminées. Les fleurs sont très-belles, d’un pourpre violet, disposées en grappes axillaires et terminales. Il y accède une gousse oblongue, cotonneuse, et ne renfermant qu’une seule graine, qui a presque la forme amygdaloïde : c’est la célèbre fève tonka, dont l’odeur suave est fort estimée des personnes qui ont pour habitude de gâter le tabac à priser par tous ces parfums étrangers.

Le coumarouna croît principalement dans le pays des Galibis et des Garipons. Ces sauvages font grand cas du parfum de la fève tonka ; ils en composent des colliers odorants, des bracelets. Pelouze père.

FÉVRIER. C’est le nom qu’on donne en France au second mois de l’année. Les Romains le nommaient februarius (de februa, sacrifices expiatoires), parce qu’il était principalement consacré à des expiations et à des purifications religieuses, dont les plus remarquables étaient les Lupercales ou courses des luperques, que rappellent encore notre Carnaval et les féralies ou fêtes férales. Quand Jules César réforma le calendrier, il conserva au mois de février les vingt-huit jours qu’il avait primitivement ; et comme il croyait l’année composée de trois cent soixante-cinq jours et six heures, il ordonna que de quatre ans en quatre ans on intercalerait un jour composé de quatre fois six heures. Ce jour fut appelé bissextil, parce qu’on devait l’insérer entre le 23 et le 24 février, sixième jour des calendes de mars. La correction de Jules César porta sur ce mois parce qu’il était le plus court de tous, comme il avait été le dernier de l’année, ainsi qu’il l’a été longtemps pour nos aïeux ; mais déjà chez les Romains il était devenu le second mois lors de la réforme de Numa.

FÉVRIER 1831 (Journées du 13 et du 14). Au commencement de 1831, les légitimistes, qui commençaient à relever la tête, voulurent faire acte de parti en solennisant l’anniversaire de la mort du duc de Berry. La Gazette et la Quotidienne annoncèrent qu’un service funèbre serait célébré à Saint-Roch. Le ministre de l’intérieur en écrivit au préfet de police ; en même temps le ministre des cultes fit savoir à l’archevêque de Paris que la cérémonie projetée pourrait devenir une occasion de troubles ; en conséquence, le curé de Saint-Roch crut devoir s’abstenir. La cérémonie fut renvoyée à Saint-Germain-l’Auxerrois. Un certain nombre de légitimistes furent fidèles au rendez-vous ; des équipages stationnaient devant l’église ; des drapeaux blancs étaient arborés aux quatre coins du catafalque. On quêta au profit des soldats de la garde royale blessés dans les trois journées de juillet 1830. À la fin de la cérémonie, un jeune homme attacha au catafalque une lithographie représentant le duc de Bordeaux ; on suspendit au-dessus une couronne d’immortelles ; des militaires y attachèrent leurs décorations, et la femme d’un bandagiste de la rue du Coq s’écria : « C’est ici qu’il faut vaincre ou mourir ! » Cette manifestation était en elle-même trop ridicule pour offrir un danger réel ; mais elle attestait l’outrecuidance du parti. Tous ces hommes, qui s’étaient cachés dans leurs caves pendant les trois journées, retrouvaient la parole et usaient largement de la liberté reconquise par les vainqueurs de Juillet. L’annonce de ce complot de sacristie avait attiré la foule sur la place Saint-Germain-l’Auxcrrois ; le préfet de police avait même assisté à la scène principale dans un coin de l’église. Le peuple assemblé sur la place voulut aussi jouer son rôle dans la pièce ; il n’y avait là ni troupe ni garde nationale : on envahit l’église, on pénétra dans la sacristie, on s’empara des habits sacerdotaux. C’était le lundi gras : on peut imaginer quelles saturnales amena cette couicidence. Le presbytère fut envahi à son tour ; mais le peuple s’arrêta, saisi de respect sur le seuil d’un appartement situé au même étage que celui