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FAUCHER 29b Pour soigner leurs blessures, ils s'étaient retirés à Saint- Maixent, lorsque, le l" janvier n^i , sur une dénonciation partie de leur département, le rcpréscnlant du peuple Lequiiiio ordonna leur comparution devant le tribunal révolutionnaire de Rocliefort. Ils étaient accusés d'avoir fait l'éloge de Louis X'VI et d'avoir publiquement porté son deuil. Ces faits, avoués par eux , motivèrent leur condamnation à mort. La sentence les trouva aussi calmes que le champ de bataille. Bien qu'affaiblis par la souffrance , ils voulurentse rendre à pied sur le lieu du supplice; ils se firent aider dans leur marche, et arrivèrent ainsi soutenus jusqu'au pied de l'écliaufaud. César s'apprêtait déjà à en fiancliir les degrés, quand le représentant du peuple Lequinio ordonna de suspendre l'exécution. Leur sentence , révisée par un autre tribunal , fut annulée, et les deux Irères, renvoyés absous, se firent transporter à La Réole. Obligés, par le nombre et la gravité de leurs blessures , de renoncer au service aciif, ils obtinrent leur réforme. Ce repos forcé profila à leur pays natal : la fortune des jumeaux leur permit, eu 1794, d'opérer au loin des achats de céréales, qui détournèrent de La Réole le fléau de la famine, et leur influence, mise au service d'un grand nombre de proscrits, fit obtenir aux uns leur liberté, à d'autres la restitution de leurs biens. Le consulat vint : César reçut le litre de sous-préletde La Réole, Constantin celui de membre du conseil général du département. Tous deux donnèrent leur démission lors de l'avénemenl du premier consul à l'empire. L'invasion de 1814 les trouva dans la vie privée. Les royalistes de Bordeaux , voyant en eux des adversaires du gouvernement de Napoléon, leur firent quelques ouvertures

mais les deux frères répondirent qu'ils resteraient

étrangers à tout mouvement qui n'aurait pas pour but de combattre l'ennemi , etilsproposèrentauxautoritésimpérialesde se charger de la défense d'une partie de la rive di cite de la Garonne. Cette offre, qui ne fut cependant pas accueillie, rapprochée de leur réponse aux royalistes bordelais, valut aux deux frères, durant la première restauration, le renom de révolutionnaires et de bonapartistes incorrigibles. Leur attitude à l'époque des Cent-Juurs donna une nouvelle force à cette accusation. Non-seulement tous deux saluèrent avecjoie la journée du 20 mars, mais César, nommé membre de la Chambre des représentants, et Constantin, élu maire de La Réole , usèrent de toute leur influence pour diriger l'opinion de leurs conciloycns en faveur de l'empereur et d'une résistance àoutrauce à l'invasion. Leur intimité avec le général Clausel devint un nouveau crime aux yeux des royalistes bordelais. Le département de la Gironde ayant été mis en état de siège après la bataille de Waterloo , Constantin fut appelé au commandement des deux arrondissements de La Réole et de liazas. Mais à quelques jours de là le ministre Gouvion Saiiit-Cyr lui enjoignit de cesser ses fonctions et d'arborer le drapeau blanc. Constantin reçut cet ordre le 21 juillet; et le 29., au point du jour, en présence du lieutenant de gendarmerie, seule autorité militaire de La Réole, il fit enlever 'étendard tricolore et replacer le drapeau blanc. A ce moment un détachement du 40" de ligne , se rendant de Toulouse à Bordeaux, vint à traverser la ville : la vue des drapeaux blancs , arborés sur la sous-préfectnre et sur la mairie , irrite les soldats; ils abaltent les étendards royalistes, les déchirent, les livrent aux flammes, puis continuent leur route. Après leur départ , les drapeaux blancs .sont rétablis. Mais la nouvelledccetincidcntétaitpromptementarrivéeà Bordeaux, et l'exagération habituelle aux populations du midi donnait à cet acte de colère de quelques soldats en marche les [iroporlions d'une révolte. La Réole, soulevée, disait-on, par les généraux Faucher, refusait de reconnaître l'autorilé royale. Le surlendemain, 24 , une troupe nombreuse de volontaires bordelais accourut à La Réole, et se précipita dans les rues ! le sabre au poin!;,<'t au\ cris : A haslrs brigands Fnucher\ à bas les gintraux de La Iti'olr ! (7 fnitt les hier '. Ces courses et ces cris se|)rolongèrenl six jours, pendant lesquels les jumeaux, enfermés dans leur demeure avec leurs domestiques et quelques voisins, se tenaient prêts à repousser toute attaque de vive force. « Nous ne laisserons pas violer notre domicile, nous nous défendrons, > avaient-ils écrit au nouveau maire, qui approuva leur résolution dans une lettre dont lecture fut donnée plus tard devant le con.seil de guerre. Malheureusement ils écrivirent aussi au général Clausel pour le prévenir de leur séquestration volontaire ; et dans cette lettre, adressée à un ami, ils parlaient de leur maison comme d'une place de guerre. Le général Clausel transmit cette lettre au nouveau préfet, M. de Tournon ; celui-ci, prenant au sérieux les plaisanteries des jumeaux sur leurs préparatifs de défense, et considérant que de ce/te lettre résultait l'aveu que les sieurs Faucher avaient dans leur maison un amas d'armes et qu'ils y avaient réuni des individus armés , ordonna au commandant de la gendarmerie du département de se transporter à La Réole chez les deux frères, et de faire à leur domicile les plus sévères perquisitions. Ces recherches amenèrent la découverte de dix fusils de chasse, dont trois hors de service, d'un fusil de munition , de deux paires de pistolets d'arçon, de trois sabres de cavalerie légère, de deux sabres d'infanterie ,et d'autres armes hors de service. Quoique le procès-verbal n'offrît la preuve d'aucun délit , le procureur du roi n'en ordonna pas moins l'arrestation des deux frères , motivée sur le bruit public. De la prison de La Réole ils furent transférés à Bordeaux , où on les incarcéra au fort du Hâ, au milieu de forçats attendant la chaîne qui devait les emmener au bagne. Le 22 septembre ils comparurent devant le conseil de guerre. En vain ils invoquèrent l'appui du talent de leur parent et ami Ravez. Celui-ci, après avoir d'abord formellement promis de se charger de leur défense, eut la lâcheté, pour ne pas se compromettre avec le pouvoir, de leur refu.ser son ministère. Ils durent en conséquence comparaître seuls devant le conseil. Le réquisitoire du capitaine-rapporteur, remplis.sant les fonctions de procureur du roi, conclut contre eux à la peine de mort. Pendant les débats. César et Constantin firent preuve du plus grand calme et d'une rare fermeté. Leur défense ne fut ni moins ferme ni moins digne ; ils furent tous les deux éloquents, mais ils étaient condamnés d'avance, et la sentence fatale fut rendue à Vunanimité. Ils en appelèrent au conseil de révision, qui rendit une décision confirmativc, et l'exécution des condamnés fut fixée au lendemain 27. César et Constantin passèrent la nuit du 26 et la matinée du 27 à écrire; pas une de leurs lettres ne se ressentait de leur position : on y retrouve la facilité et la liberté d'esprit des temps les plus heureux de leur vie. Au momentdequilter leur cachot, tous deux s'embrassèrent ; puis , se prenant par la main, ils allèrent se placer au milieu du détachei'ient chargé de les conduire. On avait déployé le plus grand appareil militaire. Arrivés au lieu de l'exécution , ils refusèrent de se mettre à genoux et de se laisser bander les yeux ; ils se placèrent devant les soldats , debout et toujours unis par la main. César commanda le feu : tous deux tombèrent. César tué, Constantin seulement blessé au ventre; il .se dressa sur les poignets, et regarda son frère; un des soldats s'approcha , et, lui plaçant le canon de son fusil contre l'oreille, l'étendit roide mort. Achille DE Vaulabelle. FAUCHER ( Lr.OiN ), économiste distingué, d'origine juive, né à Limoges, eu IS04, entra, vers 1826, en qualité de précepteur dans la faïuille d'un riche industriel de Paris, dont le salon était le rendez-vous habituel de bon nombre d'hommes iulluents dans les lettres et la politique. C'était là pour un jeune homme qui avait son avenir i faire une situation des plus favorables, car elle lui créait des relations iililesà im Age oir on a rarement lieu d'en avoir. Aussi l'éducation particulière dont il s'était chargé fut à peine terminée, qu'un mariage avantageux vint assurer à M. Léon l'aiicher rindéiiendance de fortune qui est aujourd'hui la