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DUMONCEAU — DUMONT

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éclata de nouveau avec la Prusse, il revint prendre sa place dans les rangs de l’armée hollandaise. Après s’être emparé de Haraeln , il marcha sur Brème , et fut nommé en 1S07 maréchal de Hollande. A la suite de la campagne de Poméranie, il fut appelé à faire partie du conseil d’État, et comme récompense de la décision avec laquelle il avait débusqué les anglais de l’ile Walclieren, en 1809, il fut créé l’année suivante comte de Bcrgendael. Quoiqu’il eût combattu la réunion de la Hollande à la France, Napoléon ne l’en créa pas moins, en 1811, comte de l’empire, en même temps qu’il lui conQait le commandement de la seconde division militaire. Dans la campagne de 1813, Dumonceau rendit d’importants services à l’empereur. A la bataille de Dresde, le 26 août, ce fut lui qui délogea les Russes des crêtes de Pirna ; et après la malheureuse affaire de Kulm il réussit à traverser en bon ordre avec son corps les forces prussiennes et autrichiennes. Fait prisonnier lors de la capitulation de Dresde, il ne rentra en France qu’en 1814. Louis XVIII le confirma dans ses titres et dignités, et le nomma au commandement de son ancienne division militaire, dont le chef-lieu était .Mézières. Il le conserva aussi après le retour de Napoléon de l’île d’Elbe. La seconde restauration le ramena dans sa patrie, où l’objet du respect général , il fut élu membre de la seconde chambre par le Brabant méridional. 11 mourut à Bruxelles, le 29 décembre 1321.

DUMONIiV ( Jean-Édodard), poète français du seizième siècle, prodige d’érudition et de verve désordonnée, naquit à Gy ( Haute-Saône) en 1557. A seize ans il s’était déjà fait une brillante réputation , grâce à la facilité avec laquelle il composait des vers grecs et latins. L’italien, l’espagnol, l’hébreu, le syriaque, lui devinrent promptement familiers. Sou ardeur de tout connaître lui fit faire de larges excursions dans les domaines de la théologie , de la philosophie, de la médecine, des mathématiques. Mais la méthode, l’esprit d’ordre et decritique manquaient à ce savoir encyclopédique, et dans ce bouillonnement d’étude opiniâtre et d’épanchement polyglotte , il n’y avait ni discrétion ni mesure. Peutêtre, revenu des premières ardeurs de la jeunesse, eût-il conquis une place brillante, soit comme poète, soit comme érudit et penseur ; mais il n’en eut pas le temps : en 1 585, à l’âge de vingt-huit ans , il tomba sous le poignard d’un assassin à la porte du collège de Bourgogne, qu’il habitait. Ses écrits sont assez nombreux ; mais on !es consulte peu, car il n’existe guère d’écrivain moins facile à comprendre que lui ; il semble n’avoir rien épargné pour être aussi obscur, aussi inintelligible que possible. Dans son poëme du Phénix, dans son Qiiaréme divisé en trois parties, dans toutes ses compositions poétiques, il se plaît à cacher un système nébuleux de métaphysique hasardeuse sous un amas d’expressions embrouillées. Pour rester constamment énigmatique, il déploie toutes les ressources d’une immense lecture et de la mémoire la plus tenace Son système constant est d’employer les composés les plus étranges, les mots les plus rares, les plus inouïs, les locutions les plus éloignées de la langue vulgaire, écrite ou parlée.

Parfois, il voulut faire des vers galants : il célébra la beauté d’une demoiselle d’Orléans, dont Vœil lui avait dardé des chaînes, et travailla aussi pour le théâtre ; mais on doute fort que les deux tragédies qui nous restent de lui aient été représentées. La première a pour titre : la Peste de la peste. Ce mal qui répand la terreur y joue en effet un rôle fort important, mais à la fin du dernier acte on lui tranche la tête. La seconde tragédie, intitulée : Orbec Oronte, est un amas d’atrocités, de festins qui rappellent ceux d’.trée et de Thyeste, d’homicides, de suicides ; mais le tout est imprégné d’une horreur tragique qu’Eschyle n’eût pas désavouée, et qui ferait impression si le style de l’auteur ne devenait pas à chaque instant d’une affectation ridicule. Tout eela fut fort admiré en son temps ; et un demi-siècle après la mort de Diunonin , le judicieux et savant Gabriel Naudé se laissait aller à le ranger parmi les personnages qui ont le plus approché de Pic de la Mirandole. G. Brunet. DUMONT (Henri), organiste de l’église Saint-Paul, à Paris, né à Liège, en 1610, mort à Paris, en 1684. Vers 1640 il (ut nommé maître de musique de la chapelle de Louis XÏV. Le nom de Dumont est très-connu , à cause des messes en plain-chant qu’il a composées ; on a de lui cinq grand’messes, que l’on appelait messes royales, et que l’on chantait encore dins plusieurs églises à la fin du dix-huitième siècle. Dumont, sollicité par Louis XIV de faire exécuter des motets avec accompagnement d’orchestre, aima mieux se retirer du poste honorable qu’il occupait que de consentir à une innovation qu’il considérait comme opposée au caractère de la musique religieuse. Dumont est le dernier défenseur de l’ancien chant ecclésiastique , qui devint dans les deux derniers siècles un objet de mépris pour les artistes et les gens du monde. Ce changement du goût pour la musique co’incidait avec l’abandon du style ogival ou gothique dans la construction des monuments religieux. Aujourd’hui, Dumont trouverait beaucoup de partisans de ses doctrines, car les beaut<’s du plain-chant commencent à être appréciées généralement. F. Danjou.

DUMONT (Pierke-Étienne-Lobis), l’un des plus zélés propagateurs des doctrines de la philosophie utilitaire de Bentham, né de parents pauvres, le 18 juillet 1759, à Genève, partit en 1783, après avoir terminé ses études théologiques, pour Saint-Pétersbourg à l’effet d’y rempUr les fonctions du ministère sacré. Jlalgré les succès qu’il obtint dans cette capitale comme prédicateur, il quitta la Russie dès 1785, pour se rendre à Londres, où il se chargea de l’éducation des enfants de lord Shelburne, devenu plus tard marquis de Lansdown. Ses talents et ses vertus lui firent I bientôt un ami de ce ministre, dont la protection lui valut une fructueuse sinécure. C’est à cette époque qu’il se lia avec la plupart des hoinmes d’État anglais, notamment avec Sheridan, Fox, lord HoUand et sir Samuel Romilly. L’enthousiasme qu’excitait la révolution françciise l’amena à Paris en 1789, avec son ami Romilly ; il y séjourna pendant les années 1790 et 1791, et les relations qu’il eut avec la plupart des hommes importants de cette époque lui permirent de rendre plus d’un service à sa patrie, dont l’indépendance était dès lors menacée par des projets d’incorporation à la France.

On peut lire dans ses Souvenirs sur Mirabeau et sur les deux premières Assemblées législatives (Paris, 1832) des détails du plus haut intérêt sur ses rapports avec tout ce que le parti de la liberté comptait en France d’hommes de tilent, et notamment avec Mirabeau , dont il lui fut donné de pouvoir étudier de près le génie , le caractère et la conduite publique, car il fut du petit nombre de ceux que cet homme étonnant admit dans son intimité. Il passe même généralement pour avoir pris une part importante à quelques-uns des travaux de Mirabeau et de lui avoir plus d’une fois fourni des idées et des inspirations. Ils entreprirent de concert la publication du Courrier de Provence, feuille destinée à vulgariser et à propager les doctrines de la révolution ; mais ce fut à Dumont qu’échut la plus forte part de la tâche commune. En 1792 Dumont retourna en Angleterre. C’est vers celte époque qu’il commença à mettre en ordre les travaux manuscrits de son ami Jérémie Bentham, à les traduire et à les commenter. Il estimait avec raison que les manuscrits de J. Bentham ne seraie.it jamais publiés, ou que s’ils l’étaient dans leur forme originelle, ils ne produiraient aucune sensation. On connaît en elfet l’obscurité et le néologisme du philosophe anglais ; ses plaisanteries grotesques , ces notions triviales que ses compatriotes appellent truism , la niaiserie de ses énumérations, etc. Sans Dumont, ont dit les anglais eux -mêmes, jamais Bentham n’eût eu l’honneur de donner son nom à une secte philosopbiqiie. M.