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DUMAS

tmngors, ont ameni* onlro lui et M. Liebig les plus vives discussions. Ccpentlaut on fc plaît à rcconnallie que, bien que susceptible à l’excès, il a presque toujours mis de son crttiî la modi^ialion et les convenances, sinon l’originalilt’. Il y a moins de dix ans, il avait eu aussi maille à partir avec lîcrzclius, le savant de l’Europe le moins habitué à la censure et à la résistance.

M. Dumas, chef d’une C’cole déjeunes chimistes pleins de savoir et d’ardeur, Malj ; ré l’exagéialion de quelques-unes de SCS théories, n’en est pas muins l’un des cliiinistes les plus (îminents de l’époque. La plus grande partie de ses travaux sont consignés dans les Annales de Chimie et de Physique. Son Traité de Chimie appliquée aux Arts (6 vol., 182 « -1843) ; SCS Leçons sur la Philosophie chimique (Paris, 1837), et son Essai sur la Statique chimique des êtres organisés ( Paris, IS’il), ont été traduits en allemand et lus <lo toutes parts. On trouve en lui un habile (écrivain, abordant sans obscurité les vues générales et philosophiques, mais surtout un orateur agréable, auquel on souhaiterait seulement plus de hardiesse et surtout assez d’empire sur ses impressions pour dompter cette petite toux nerveuse (jui coupe çà et là ses discours, et qui fit le plus grand tort, en 1844, à sa défense officielle du projet de loi sur la refonte des monnaies de billon.

En 1849, M. Dumas fut envoyé h l’Assemblée législative par le département du Nord. 11 y défendit surtout l’industrie du sucre indigène. Deveni ministre de l’agriculture et du tommercele 31 octobre, il (piitta ce ministère le 9 janvier 1851, et attacha surtout Sun nom à la loi sur— les encouragements à donner aux lavoirs et aux bains publics. Au 2 décembre ISjl, il entra dans la commission consultative, et devint sénateur, puis membre du conseil supérieur de l’Instrnclion publique. Il dut alors quitter la place de doyen de la Faculté des Sciences. 11 est en outre membre de l’Académie de Médecine (1843), président de la Société d’Encouragement depuis 184â et membre de la commission municipale et départementale de la Seine depuis le 1" janvier 1854. La science perd sans doute à cette accumulation d’honneurs et de fonctions ; la politique y gagne-t-elle ?

DUMAS (Alexandre), auteur dramatique et romancier célèbre, un des écrivains les plus féconds de notre temps, est né le 24 juillet 1803, à Villers-Cotterets.

Des généalogistes flatteurs, connue il s’en trouve toujours quand un grand homme surgit, ont prétendu que sa famille, rameau de celle de Davy de la Pailleterie, était originaire des environs de Bolbec, au pays de Caux. À les en croire, elle y aurait tenu un rang distingué dans la noblesse et aurait été maintenue lors de la recherche de 1669. Charles Davy, seigneur de la Pailleterie, était gentilhomme ordinaire de la chambre du roi Henri IV. Son petit-fils, Anne-Pierre Davy, qualifié marquis de la Pailleterie, fit admettre, sur preuves de noblesse, une de ses filles à la maison royale de Saint-Cyr, en 1712, et son fils aîné parmi les pages de la petite écurie du roi. Alexandre-Antoine Davy de la Pailleterie, commissaire d’artillerie, né en 1710, fut aide de camp du duc de Richelieu, au siège de Philippsbourg, en 1734, et lui servit de second lorsqu’il tua en duel le prince de Luxembourg. On a raconté que ce marquis était allé à Saint-Domingue ; et que mêlant son noble sang à un sang moins pur, il avait eu à Jérémie, en 1762, d’une femme africaine, un fils aux cheveux crépus, lequel devint si fort qu’il étouffait un cheval entre ses jambes, rien qu’en les serrant sur les étriers. Ce rejeton de marquis vint à Bordeaux, et entra dans l’armée sous le nom de Dumas, qui était celui de sa mère. Son avancement fut rapide, tant la république était heureuse d’avoir à reconnaître le courage d’un homme qu’on pouvait prendre pour un homme de couleur. Après avoir fait sa première campagne sous Dumouriez, et s’être distingué au siège de Lille, il devint lieutenant-colonel des hussards du Midi, puis général de brigade, et enfin général de division, en l’espace de moins d’un an. Pont-à-Marque, Saint-Bernard, Mont-Cenis, Mantoue, Neumarck, Brixen, le Caire sont les brillants faits d’armes du général Thomas-Alexandre Dimas, mort en 1807, à Villers Cotterets. Mais à quoi bon rappeler tous ces titres ? Alexandre Dumas n’a pas besoin d’aieux ; son talent vaut bien une noblesse.

Le général Dumas ne laissa à son fils Alexandre, de qui nous avons surtout à nous occuper ici, d’autre fortune que son nom. M. Dumas a lui-même raconté en plusieurs endroits comment, à l’âge de vingt ans, il vint à Paris avec cinquante francs, prélevés par sa mère sur la petite somme qui lui restait entre les mains. Il alla voir d’abord d’anciens amis de son père, les maréchaux Victor et Jourdan, le général Sébastiani, dont le froid accueil le découragea. Cependant, le général Foy, pour lequel il avait une recommandation, parvint à le faire entrer comme surnuméraire dans le secrétariat du duc d’Orléans, avec 1,200 francs d’appointements. Le jeune homme se sentit très-mortifié, il l’avoue de bonne grâce, lorsqu’il apprit que sa belle écriture était le seul mérite qui lui eût valu cette place, par laquelle il était pour le moment à l’abri du besoin. Mais, malgré cette blessure faite à son amour-propre, il ne tarda pas à reconnaître qu’en effet son éducation avait été fort négligée, qu’il avait tout à apprendre, et il se remit avec courage à refaire son éducation. Le temps que lui laissaient ses occupations de bureau, il l’employa à des études qu’il sentait lui être indispensables, et, grâce à la vigueur de son tempérament, il put même y consacrer une partie de ses nuits. Bien que ses travaux n’eussent pas encore de direction certaine, il parait que déjà une vague inquiétude tourmentait son imagination, et il se mit à écrire quelques nouvelles, qui parurent en un petit volume in-12, dans l’année 1826. Comme M. Alexandre Dumas n’a pas avoué ces premiers-nés de sa verve, et qu’il ne les a pas compris dans ses œuvres complètes, nous nous bornerons à en faire ici cette simple mention.

Un événement littéraire qui fit alors quelque sensation. l’apparition des acteurs anglais à Paris, au mois de septembre 1827, fut l’étincelle qui devait éveiller l’inspiration encore assoupie dans l’âme du jeune poète. La représentation de l'Hamlet de Shakspeare, à laquelle il avait assisté, excita en lui des émotions toutes nouvelles, et lui donna la curiosité de lire les ouvrages du grand tragique anglais, dont il ne connaissait jusque alors aucune pièce. De là il en vint aux autres théâtres étrangers, et passa tour à tour en revue les œuvres de Schiller, de Goethe, de Calderon. Ses premiers essais furent une imitation du Fiesque de Schiller, et une tragédie des Gracques, que l’auteur condamna lui-même à l’oubli. Enfin, la mort de Monaldeschi, assassiné à Fontainebleau par l’ordre de Christine, lui parut un sujet dramatique. Il se mit à le traiter, et, plus satisfait cette fois, il voulut présenter sa pièce au Théâtre-Français. Charles Nodier l’ayant mis en rapport avec M. Taylor, alors commissaire royal près la Comédie-Française, il obtint une lecture, et son ouvrage fut assez favorablement accueilli. Mais il aurait pu attendre longtemps son tour pour la représentation, lorsque le jeune auteur, ayant composé en quelque mois le drame de Henri III, le présenta aux sociétaires, qui le reçurent et le mirent aussitôt en répétition. Cette pièce fut représentée le 10 février 1829.

Pour bien se rendre compte du succès retentissant qui accueillit cet ouvrage, il faut se rappeler la crise littéraire au milieu de laquelle il apparut. On n’a pas oublié la satiété du public, auquel s’adressaient les copies de plus en plus pâles de la vieille tragédie française. Cette lassitude commença à se révéler peu après les premières années de la Restauration. Notre littérature décrépite cherchait une fontaine de Jouvence ; mais où creuser pour faire jaillir la source désirée ? Le succès mérité d’une nouvelle école d’historiens, coincidant avec la vogue du grand romancier écos-