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DUGUESCLIN

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traenuit contre 2 à 3,000 Anglais. Il enleva par surprise, en 135G , lo château de Fougerai , et se distingua peu après devant Rennes , (pj’assiégcaient les Anglais , par un trait d’éelat qui fut admiré , même de ces derniers. Il se présente au point du jour à l’entrée du camp ennemi, ayec 100 hommes choisis : tout ce qui s’oppose à sa marche est égorgé en quelques instants ; les tentes sont incendiées au milieu de la confusion , et il s’empare d’un convoi de 200 chariots, avec lequel il entre triomphant dans Rennes. Le célèbre duc de Lancastre, qui commandait le siège, voulut le Toir, et lui envoya un héraut. Pendant cette entrevue, un chevalier ani ;lais, nommé Bembro, réputé parmi les siens d’un» force de corps prodigieuse, vint l’accuser d’avoir tué an de ses parents, lors de la surprise de Fougerai , et demanda à faire contre lui trois coups d’épée : « Six et plus, si vous voulez, " répondit Duguesclin en lui serrant la main. Le combat eut lieu le lendemain , entre la ville et le camp, aux yeux des deux partis. Bembro tomba expirant d’un coup de lance, à ’a vue des Anglais consternés, qui pour se venger tentèrent un assaut. Duguesclin, dans une sortie, les défit sur trois points, et les contraignit à lever le siège. C’était au moment oii le prince de Galles, neveu de Lancastre , était aux prises avec les Français dans les champs de Poitiers. Charles de Blois, pour récompenser Duguesclin d’avoir fait lever le siège de Rennes, lui donna une belle terre nommée La Roche-Derrien. Un chevalier anglais, Thomas de Cantorbery, non moins fort que Bembro, et jaloux de Duguesclin , le provoqua en duel : le combat eut lieu dans Dinan , sous les yeux de Lancastre et de ses principaux officiers. Thomas , vaincu , fut chassé honteusement de son corps , et le siège de Dinan fut levé. Le roi Jean, prisonnier des .Anglais, revint vers ce temps en France sur parole, et , n’ayant pu compléter sa rançon, retourna à Londres, où il mourut dans les fers. Peu auparavant, Duguesclin était entré à son service. Quoiqu’il fût réputé le premier homme de guerre de son temps, la séparation de la Bretagne, sa patrie, d’avec la France, l’avait tenu presque constamment attaché, comme on l’a vu, au service de Charles de Blois , quand il ne guerroyait pas pour son propre compte. Il obtint de la France le gouvernement de Pontorson et une compagnie de 100 lances. Il débuta , pour premier exploit comme officier du gouvernement , par chasser les Anglais de la Normandie. Il se rendit peu après à Nantes, et y épousa Thiephaine Raguenel, riche héritière d’une illustre maison. Il eut plus tard une seconde femme, Jeanne de Laval, fille de Jean de Laval, seigneur de Chàtillon. La Xonnandie ayant été envahie de nouveau, à la rupture de la trêve par Charles de Blois , Duguesclin s’y porta en toute hâte , battit les Anglais dans plusieurs rencontres, et leur reprit la plupart des places fortes dont ils s’étaient emparés. Nommé commandant de l’armée bretonne par Charles de Blois , qui lui envoya en même temps un bâton d’argent, semé d’hermines, il assiégea Bécherel et défit Mon’fort, qui était venu l’attaquer dans ses lignes. Le sort de la Bretagne, disputée par Charles et Montfort, allait se décider dans une bataille , lorsque la souveraineté de cette province fut partagéeentre les deux prétendants, par l’entremise des évi’qucs. Duguesclin fut donné en otage à Montfort, qui à la ruplure de la trêve refusa de lui rendre la liberté. Le héros breton parvint à s’échapper, et se rendit à la cour de CharlesV, qui avait succédé au roi Jean, et qui lui lit le plus brillant accueil. Le roi de Navarre, Charles le Mauvais, avait envahi la Normandie, qui , autant par la proximité de la capitale que par la fertilité de son sol , servait de point de mire à toutes les bandes d’aventuriers armés qui se ruaient sur la France. Duguesclin fut nommé commandant en chef de toutes les troupes de CharlesV, avec mission de reconquérir cette nrovince : c’était la première bataille qu’il allait livrer depuis la mort du roi Jean, en 1364, tt il se servit de cette circonstance pour stimule ? fardeur de se» soMats : « Or avant, mes amis, s’écria-t-il sur le point de donner le signal de la charge, la journée est à nous. Pour Dieu, souviegne-vous que nous avons un nouveau roi en France, et que sa couronne soit étrennée par nous : « L’armée de Charles le Mauvais était commandée par le fameux captai de Buch, retranché sur l’Eure ! il fut complètement défait, et tomba lui-même au pouvoir de ses ennemis. Cette journée , connue sous le nom de bataille de Cocherel , valut à Duguesclin le titre de maréchal de Normandie, avec le don du comté de Longueville. La fortune lui avait constamment souri jusque là. Il allait bientôt éprouver son inconstance : il perdit la bataille d’Aurai, livrée le 29 septembre 1364, contre Montfort et les Anglais ligués. Olivier de Cl issu n se trouvait dans les rangs des soldats de la Grande-Bretagne , que commandait le redoutable C h a n d o s. L’épée de ces deux guerriers jonchait le champ de bataille de soldats français ; la massue de Duguesclin ne produisait pas moins de ravages dans les rangs anglais. Charles de Blois fut tué ;

! cet incident abattit le courage des siens. Duguesclin , resté 

I avec cinq ou six chevaliers seulement , qui ne l’avaient pas I quitté, combattait encore avec une sorte de fureur : a Rendez-vous, messire Bertrand , lui dit Chandos, cette journée n’est pas vôtre. » La massue du guerrier breton avait fini par se briser entre ses mains , par suite de tant de chocs redoublés sur les hommes de fer qui le pressaient. Il n’était plus armé que de ses gantelets : force lui fut d’accepter la proposition de Chandos. Cette journée, par suite de la mort de Charles de Blois, amena la paix entre la France et l’Angleterre

Mais à peine eut-elle été signée, que les seigneurs français, bretons, anglais, se réunirent avec la résolution de faire la guerre pour leur propre compte. Bon nombre de soldats, que la paix laissait aussi sans ressource , se réunirent à eux, et cette masse, d’environ ; 30,ooo hommes, ,s’étant organisée, tant bien que mal, sous le nom de grandes compagnies, se répandit dans les provinces, où elle porta la désolation et l’épouvante. Les peuples se plaignirent en vain ; le roi fut contraint de laisser subsister un désordre qu’il n’était pas assez fort pour réprimer. Sur ces entrefaites, Duguesclin revint à la cour de France, ses amis s’étant cotisés pour payer sa rançon, qui fut de 100,000 fr. Charles V le reçut plein de joie, et mit à sa disposition ses trésors et son armée pour en finir avec les grandes compagnies, par la paix ou par la guerre , comme il le jugerait le plus convenable. Elles étaient alors rassemblées dans les plaines de Châlons. Duguesclin alla les trouver, accompagna de 200 cavaliers. Il fut reçu avec enthousiasme ; on lui offrit aussitôt le commandement en chef, et il répondit : n La plupart de vous ont été mes compagnons d’armes , et vous êtes tous mes amis. Vous devez secourir et conserver les provinces, au lieu de les ravager, et je vous en apporte les moyens. L’Espagne gémit dans les fers des Sarrasins. Pour vous aider à faire la route, le roi vous donne 200,000 florins d’or. Nous trouverons peut-être en chemin quelqu’un qui nous en donnera autant : je serai du voyage. » Ce discours est accueilli par des acclamations unanimes. On jure de suivre Duguesclin , nommé général en chef. L’élite de la noblesse accourt sous ses drapeaux. On part, et l’on arrive aux portes d’.Vvignon , où siégeait alors la cour de Rome : c’était sur elle que Duguesclin avait compté pour 200,000 nouveaux florins d’or. La demande en fut faite, ainsi que celle de lever une excommunication que le pape avait lancée sur les grandes compagnies ; l’absolution fut accordée aussitôt et de bon cœur : c’était le moins que put faire le saintpère pour des champions qui allaient guerroyer les infidèles Sarrasins ; l’argent fut refusé net. Les soldats s’emportèrent ; le pape, pour les maintenir en respect , menaça de refuser l’absolution, ce qui ne produisit aucun effet. Alors ils se livrèrent dan» les campagnes aux plus grands désor-