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DUFRENOY

dans le faubourg Poissonnière nn magnifique hfttel ; niais un incendie détiuisit en une nuit ce débris de sa fortune. « M°" Dufrénoy soutint ce revers avec fermeté, a dit Ml Jay ; elle avait un lils, né avec d’Iieureuscs dispositions, dont l’existence devait être assurée ; elle se livra sans Lésitation aux travaux les plus inconipatil)les avec ses habitudes et ses goûts ; mais la tendresse maternelle surmonta tous les obstacles. Cette femme élevée dans l’aisance, familiarisée avec les élégances de la vie, et dont la brillante imagination entretenait avec le monde idéal i :n commerce assidu, pas.sait les jours et les nuits à faire des copies pour les avocats, les avoués et les hommes d’affaires. Son lils fut placé dans une maison d’éducation ; elle soutint son mari, que menaçait une inlinnité redoutable , la perte entière de la vue. Rien de plus digne d’admiration que ce dévoûment de tous les jours , de toutes les heures , que cette lutte perpétuelle contre des besoins sans cesse renaissants ! M"" Dufrénoy en trouvait la récompense dans l’affection d’une mère et d’une sœur tendrement aimées, et dans l’estime de tous ceux qui connaissaient sa position, ainsi que la constance et le but de ses efforts. »

Pendant la période orageuse de la révolution et avant ses derniers désastres. M"" Dufrénoy, qui n’avait pas vu sans pitié, sans généreux effroi, les excès de la terreur, avait été obligée de s’abriter dans une retraite peu éloignée de Paris, à Sevran , près de Livry, où elle olfrait l’iiospitalité à quelques proscrits sérieusement compromis, l’ontanes, jeune poète élégant, homme aimable, hit reçu avec empressement, ainsi que l’abbé Sicard. Dans les longs loisirs de cette retraite menacée, la culture des lettres était un besoin et une diversion, et on peut croire que lorsqu’elle cessa, M"" Dufrénoy, dont le goût et le talent, déjà éclairés par les conseils de .M. Laya, s’étaient fortiliés sous les yeux d’un maiire habile, possédait tous les secrets de l’art délicat qui fera vivre la peinture des émotions de son ime. Sous le consulat, .M. Dufrénoy, dont la santé s’était cruellement affaiblie, obtint le greffe d’Alexandrie ; mais bientôt, frappé de cécité complète, il laissa à sa jeune femme les fonctions de son emploi, médiocrement poétique. L’imagination de M"" Dufrénoy ne périt pas dans ces travaux, qui devaient l’éteindre. A Alexandrie, comme à Paris , elle soutint courageusement des labeurs ingrats qui faisaient vivre ceux auxquels sa vie était dévouée ; mais il fallut quitter l’Italie , car cette suppléance ne pouvait pas être dclinitive. Les deux époux revinrent à Paris. .M"" Dufrénoy reprit son travail de copiste pour les avoc ;ils, car on plaidait toujours ; et comme en même tenqis on recouunençait à instruire les enfants, elle composa des livres d’iducalion qui enrichirent ses libraires, et ipii lui furent de quelque ressource. Ils servirent d’ailleurs à justifier les libéralités d’un gouvernement qui voulait faire revivre le goût des lettres en les encouiageant.

M’"" Dufrénoy obtint de l’empereur, sur la recommandation de M. Arnault et par le créilit de M. de Ségur, une pension qui mit lin au travaux que lui imposait la nécessiti’, mais où elle a laissé l’empreinte de son talent. Plusieurs de ces ouvrages sont encore lus et estimés. Ce (ut alors que parut le prenùer recueil de ses œuvres poétiques. Le succès fut tel qu’il étonna l’auteur même. M"’" Dulrénoy ne s’attendait pas à ce concert d’éloges ; moins encore espérait-elle désarmer lescritiques qui défendaient l’encre aux doigts de rose. Le talent de M""" Dufrénoy est incontestable ; mais ce talent niénic n’eût pas suffi, si ses poésies n’avaient pas été le cri de son àme. Dans l’ivresse du bonheur ou dans l’amertume des regrets , bien d’autres diront après Bcrangcr : Veille, ma lampe, veille encore.

Je lis les vers de Duficuov.

On l’a dit avant nous, « son recueil forme comme un poème continu, une sorte de petit roman, où se succèdent se fondent, en teintes harmonieuses, les degrés, les hicidents, les nuances variées de la même passion. Tout y est : l’exposition, le développement, les péripéties, la catastrophe. Tour i tour la joie, la tristesse, l’inquiétude, l’espoir, le dipit, les regrets, y éclatent en des tons divers, mais issus d’un même accent passionné. >• Ce recueil, qui attira sur .M’"" Dufrénoy les premiers rayons de la gloire, fut publié en 1807 ; mais il avait été précédé de quelques pièces fugitives insérées dans les journaux et goûtées au passage par les connaisseurs, qui n’attendent pas le bruit de la renommée pour donner leur estime. Les dernières années de l’empire furent heureuses pour .M"" Dufrénoy. L’Académie Française lui décernait, en 1814, le prix de poésie pour le poème des Derniers moments de Batjard. VÉpitre sur le bonheur de l’élude et le Dévouement des médecins français et des sœurs de Sainte-Camille , composés dans l’espéiancedu même succès, laissèrent la palme à de jeunes rivaux. La chute de Napoléon et plus encore l’abaissement de la France frappèrent au cœur AI"’ Dufrénoy, qui a devancé les Messéniennes de Casimir Delavigne, par les l’iaintes, si poétiques et si touchantes, d’une jeune Israélite.

Cependant, elle aurait trouvé quelque consolation au retour des Bourbons, pour lesquels elle conservait un secret attachement, si ceux-ci, profitant des leçons de l’exil, avaient apporté la liberté pour racheter nos revers. Mais les fautes de la famille restaurée, mais les rigueurs de la réaction qui suivit les cent-jours, la placèrent dans l’opposition libérale qui tint en échec l’aristocratie et le clergé, au nom des droits du pays et des franchises de la pensée humaine. Son salon, fréquenté par les hommes les plus distingués du parti libéral, était un foyer d’opposition modérée, une fronderie spirituelle, où elle régnait par le charme de son esprit et la grâce de ses manières. ."MM. Benjamin Constant, de Ségur, Béranger, Jay, Viennet, Tissot, de Pongerville, bien d’autres encore , tous lettrés et opposants , offraient autour d’elle l’image de ces cercles animés de la lin du dixhuitième siècle, où sous les yeux d’une femme d’esprit les philosophes ruinaient à coups d’épigrannnes la vieille monarchie. N’oubfions pas un événement qui combla de joie M’"" Dufrénoy ; son lils, en se mariant , lui donna pour bru une jeune fournie d’un esprit supérieur, pleine de grâces et de naturel , la fille de Jay ; ce fut pour elle une nouvelle amitié, dont la vivacité la rajeunissait. Elle était heureuse, heureuse avec sécurité ; ce fut alors qu’il lui fallut mourir. Sa mort fut presque instantanée. Elle expira le 7 mars 1S25. DUFRÉNOY (PiERi.E- Armand), membre de l’.Académie des Sciences, directeur de l’École des Mines, inspecteur général des mines de première classe, commandeur de la Légion d’Honneur, fils de la précédente, naquit à Sevran (Seiueet-Oise ),vers la fin du siècle dernier. Elevé au Lycée Impérial , où il obtint de brillants succès dans les classes de matbéniatiques et de physique, .M. Dulrénoy fut admis, en 1811, à l’École Polytechnique ,dont il fut un des quatre majors. Il en sortit en 1813, pour entrer, à l’âge de vingt et un ans , dans le corps impérial des mines. La facilité de travail de M. Dufrénoy lui permit de se livrer avec ardeur à ses goûts scientifiques, sans négliger ses fonctions administratives De 1819 à 183S, il fit paraître une série de miinoires qui, réunis à ceux de M. Élie de Beaumont, ont donné des bases nouvelles à la gi’ologie. Ces mémoires sont trop nombreux pour qu’il soit possible de les citer ici ; nous indiquerons seulement, pour donner une idée de ses travaux : 1° Considérations générales sur le plateau central delà France, et particulièrement sur les terrains secondaires gui recouvrent les pentes méridionales du massif primiti/gui les compose ; 2" De la relation des terrains tertiaires et des terrains tolcanigties en Auvergne, mémoire qui donne la solution liu problème de l’alternance des terrain.s volcaniques en Auveigne avec les terrams ter» I