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DUBOIS

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duit à Vincenne ?, puis transféré à la Bastille, il fut traduit au parlement, qui lui fit appliquer la question. Notre aventurier avoua tout ; mais le cardinal était trop furieux d’avoir été joué si publiquement, pour ne pas exiger que le parlement punit sévèrement l’ex-président des trésoreries de France. 11 fut donc condamné à être pendu , et l’arrêt reçut son exécution de 25 juin 1637.

DUBOIS ( Glilucme ) , l’abbc Dubois , ou le cardinal Dubois , un des noms les plus flétris par l’Iiistoire. Que faire ? une biographie ? Elle est partout. Une diatribe ? Elle est inutile. Une apologie ? Elle est impossible. Cependant, il ne faut pas croire qu’il n’y ait rien de nouveau à dire sur cet homme extraordinaire. Une chose nouvelle assurément, ce serait de dire qu’il a été calomnié. L’abbé Dubois calomnié !

qui le croira ? Mais ne peut-on ceiomnicr le vice 

même et l’infamie ? L’abbé Dubois s’est trouvé en butte à la fois aux grands seigneurs et aux philosophes : aux grands seigneurs , parce que c’était un homme nouveau, un homme de rien , un fils d’apothicaire ; aux philosophes , parce qu’il portait l’habit de prêtre : il est vrai qu’il le déshonorait, mais ce n’était pas leur souci. Aussi est-ce merveille de voir l’ensemble et le bon accord d’injures méprisantes qui se trouve entre Saint -Siinim, le type de la fierté ducale, etDuclos,le copiste plébéien de son âpreté et de sa morgue. Ce qu’il y a de remarquable, c’est que les mémoires les plus scandaleux du temps ne renferment point de détails précis sur les ignominies de Dubois. De nos jours, un écrivain d’une plume acre et mortelle, Lemontey, a ressaisi celte mémoire souillée, et la plongée dans un opprobre tout nouveau ; et cependant, il n’a pas, plus que les contemporains, cité de CCS faits formels, des souvenirs circonstanciés, de ces récits anecdotiques, qui clouent un nom propre à un poteau étemel d’infamie. On dirait que Dubois a pu soustraire les particularités de sa vie, mais non point .sa vie même, aux flétrissures de l’histoire. Cela tient peut-être à l’extrême activité avec laquelle il sut lî remplir, de telle sorte qu’il fut aisé de voir le cynisme effronté de ses habitudes , mais qu’il ne le fut pas autant de prendre sur le fait chacun de cts scandales. Il naquit à Brives-la-Gaillarde, le 6 septembre 16ip6. Quelques mémoires racontent qu’il fut envoyé à Paris à l’âge de douze ans, avec l’espérance d’une bourse, qu’il n’obtint pas, et qu’il fit ses études au collège de Pompadour, tout en servant de domestique au prindpal de cette maison. Puis il fut précepteur, d’abord chez un marchand nommé Marroy, ensuite chez le président de Gourgues, enfin chez le marquis de Pleuvant , maître de la garde-robe de Monsieur. Ce fut l’origine de sa fortune dans la maison d’Orléans ; car par-là il connut M. de Saint-Laurent , qui faisait l’oflice de précepteur du duc de Chartres. Celui ci, fatigué des incertitudes qui troublaient celte éducation, appela à son aide l’abbé Dubois, qui d’abord ne fut chargé que de la préparation des devoirs du jeune prince. « On l’habilla convenablement pour lui donner la vraie figure d’un abbé, relever un peu son extérieur piètre et bas, et le rendre présentable, " .insi s’exprime Duclos. On dirait une imitation de Saint-Simon, qui reproche à Dubois d’être un petit homme maigre, effilé, ckaffoin, à perruque blonde, et à mine de fouine. Le duc de Chartres avait vu passer autour de lui plusieurs gouverneurs. La mort les lui ravissait tous. Saint-Laurent mourut de même, el l’abbé Dubois, qui avait su par sa souplesse se rendre utile dans son olfice subalterne, fit croire aisément qu’il le serait davantage dans un office plus élevé. On lui laissa achever une œuvre déjà gâtée par beaucoup d’autres, et c’est ici que commence une première accusation contre sa renommée. Ce fut, disent les mémoires, par la corruption de son disciple que l’abbé Dubois acquit de l’autorité. Il faut ajouter que la corruption venait de toutes parts au duc de Chartres ; et si l’abbé Dubois neprostitua pas son innocence, du moins il ne la défendit pas contre ses empoisonneurs. La maison d’Orléans était déjà un centre de scandale, où aboutissaient, sous un semblant d’indépendance politique, les vices mécontents de la dignité que Louis XJV unposait à la débauche. La Palatine, au milieu decettecour, faisait contraste par sa vertu singulière, mélange de liberté cynique et de sévérité rieuse ; et l’abbé Dubois s’accommodait à toutes ces mœurs par la flexibilité de ses vices. Lorsque le duc de Chartres se fut élevé à de tels exemples, Louis XIV, qui sentait un vague besoin d’agrandir ses anciennes faiblesses comme pour les faire excuser, chercha à le marier à une de ses filles légitimées , mademoiselle de Blois. La fierté allemande de la Palatine était un obstacle par son ascendant sur son fils. L’abbé Dubois servit à le vaincre ea disposant le jeune prince à se soumettre à la volonté du roi. Delà une iortune nouvelle. Déjà il avait obtenu en IGbO lia canonicat à l’église Saint-Honoré , et l’abbaye d’Airvan, sans être dans les ordres. Le roi y ajouta l’abbaye de Saint-Just. Étonnante manière d’honorer des services qui ressemblaient à de la dégradatiou ! Dés ce moment l’abbé Dubois marche vite dans la prospérité. La dextérité de son esprit et la souplesse de son caractère lui étaient en aide. Tous les rôles lui allaient. Habile aux négociations délicates, comme aux entremises ignominieuses, il parut même avec éclat dans les camps. Il avait demandé à suivre le duc de Chartres lorsque celui-ci s’en alla faire ses premières armes sous le maréchal de Luxembourg. .K Steinkerque , il parut dans tous les dangers de la mêlée. « Il va au feu comme un grenadier, disait le maréchal. » Il inspira à son disciple une action d’humanité au milieu de la bataiUe. Le prince élait ému des gémissements des blessés : •> Envoyez, lui dit Dubois, vos équipages enlever ces malheureux. « Ce fut lui qui fit le récit de cette journée, et Loms XIY en fut satisfait. Peu de temps après, le roi l’envoya à Londres, au secours de M. de Tallard , ambassadeur de France. Là commencèrent ses premières relations politiques. Mais son activité effaroucha l’ambassadeur, qui craignit de n’être pas maître des négociations à côté d’un tel auxiliaire. On le rappela, et Louis XIV lui dit cette parole délicate : «■ Voilà ce que c’est que d’avoir tant d’esprit ! On ne saurait aller par le moude avec le mérile que vous avez sans se faire des affaires. »

L’abbé Dubois revint auprès du duc de Chartres , devenu bientôt duc d’O rléan s par la mort de son père. Les intrigues et les iufaiûies ail lient grossissant dans cette maison , troublée à la fois par la débauche , l’ambition , et je ne sais quel ignoble goût pour les sortilèges. Le duc d’Orléans s’était révâé à Louis XIY avec sa nature cynique et son indifférence effrontée pour les jugements publics. Apparemment l’abbé Dubois sut alors déguiser la part qu’il prenait à ces corruptions. Le duc d’Orléans semblait se venger de son mariage par un excès de hardiesse dans ses vices. Sa mère se complaisait de son côté à ce spectacle de désordres, comme à une humiliation du roi ; et ainsi rien ne modérait cette précipitation du duc d’Orléans et de sa cour dans les fureurs des dissentiments domestiques et dans le délire des orgies. Il y eut seulement un moment de calme à la naissance de son premier fils. Le roi espéra de meilleurs exemples. Il fut parrain du jeune prince, et il lui donna la pension de premier prince du sang. Puis, les événements politiques semblaient faire oublier les scandales. Louis XIV avait engagé sa vieillesse dans ime guerre pleine de grandeur ; il avait envoyé son petit-fils, le duc d’.Anjou, prendre possession du trône d’Espagne. Toute l’Europe s’était émue et soulevée. Le roi , frappé par d’affreux revers , soutenait ses malheurs avec gloire. U voulut que le duc d’Orléans piît sa part de la défense de la monarchie, de toutes parts fléchissant sous le poids des armes. Le duc d’Orléans avait de son côté pensé à son intérêt, et , dans l’incertitude des succès du duc d’Anjou , il avait fait réserver son droit au coEseil de CastiUe, et l’abbé Dubois avait servi d’iiistrument