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348 ALLEGHANYS surtout au nord ; leur eau est salée ou saumàtre , et monte ou descend avec la marée ; leurs rives sont plates , et les eaux y ont peu ou point d'écoulement. C'est un to sablon- neux , très-peu fertile , excepté sur le littoral immédiat des ruisseaux et des fleuves , et parsemé de flaques d'eaux sta- gnantes , d'où s'exhalent pendant l'été des miasmes fiévreux. Cette première zone malsaine , inculte , couverte de forêts do pins, presque inhabitable et inhabitée, est étroite au nord de la Chesapeake, au-dessus du 37<= degré de latitude; mais elle occupe un grand espace au sud, en Virginie, dans les Caro- lines et en Géorgie. Entre Charleslon ( Caroline du Sud ) et Augusta (Géorgie) , villes situées sur une ligne à peu près perpendiculaire au littoral , elle n'a pas moins de deux cents kilomètres de largeur. Au-dessus de la ligne des cataractes, h scène change : les rivières ne ressentent plus l'action de fa marée ; elles ont beaucoup plus de pente ; elles en ont même trop , car elles sont d'une navigation mauvaise , cl praticables seulement pour de courts espaces séparés par des rapides , des rochers ou des bancs de sable. Elles offrent à l'industrie une force motrice qui semble inépuisable. Le pays est ondulé ou même montagneux , salubre , cultivé dans tous les fonds , richement boisé sur les croupes et les cimes, couvert de villes et de v illages. 11 y a ainsi , inmiédiateraent au-dessus de la ligne des cataractes, une admirable zone qui contourne les Alleghanys, depuis l'embouchure du Saint- Laurent jusqu'à celle du MissLssipi , de Québec à la Nou- velle-Orléans , et qui , ayant derrière elle , au delà des Al- leghanys , le vaste et fertile tenitohe de l'Ouest, est sans contredit l'un des champs les plus remarquables et les mieux situés pour le commerce maritime que la civilisation ait envahis. La limite de ces deux zones. Tune privilégiée, l'autre mau- dite , était la place indiquée par la nature pour recevoir les centres commerciaux du pays. C'est là en effet que sont posées les grandes villes des États de l'Atlantique. Plus bas elles eussent été plongées dans un air malsain , éloignées des terres cultivées , difficiles à approvisionner et hors de la portée des habitants de l'intérieur ; plus haut , elles n'eus- sent pas eu de ports. Les fleuves , qui en amont de la ligne des cataractes sont pendant uue bomie partie de l'année médiocrement pourv-us d'eau , à cause du peu d'étendue et de la pente de leur cours , forment en aval de la même li- "ne des baies ou au moins des rades spacieuses et d'une entrée commode , généralement allongées , que les plus forts navires du commerce remontent et descendent avec facilité par l'effet des vents ou de la marée , ou à l'aide des remor- queurs à vapeur. Presque toutes les métropoles sont placées au sommet de ces baies ou de ces bassins : Boston est sur les bords de la mer, au fond d'une belle rade ; Ncw-Ledford , Portland et les villes les plus considérables du Massa- chuscts , du New - Hampshire et du Maine , sont prcs- ({ue toutes situées de même , parce que dans cette partie de la côte la ligne des cataractes se confond à peu près avec le rivage. Providence est en tête de la baie de Nar- ragansett. New-York est sur la ligne idéale des cataractes, fort voisin de la mer cependant, et à l'extrémité d'une im- mense rade. Philadelphie et Baltimore sont, l'une à la pointe de la baie de Delawaro , l'autre en tête de la Chesapeake. Les points de Richemond sur le James-River et de Peters- bourg sur l'Appomatox sont littéralement au pied des ca- taractes, qui sur l'un et l'autre fleuve, et particulière- ment sur le second, sont grandioses. Lorsqu'on s'avance plus au sud , on retrouve au voisinage des chutes de chaque rivière lUie ville assez importante, niais ce ne sont plus des ports. La zone stérile s'étant singulièrement élargie, les baies qui offrent aux bâtiments maritimes une profondeur suffisante pour leur tirant d'eau s'arrêtent avant d'avoir at- teint la zone de la culture. Les ports, beaucoup m.oins pros- pères que ceux du nord , sont alors à une assez grande dis- tance des terres en produit ; et pour se niellre en rapport — ALLEGORIE avec les planteurs de coton et de riz , ils sont dans !â nf. cessité d'envoyer au loin des bateaux à vapeur, quand il y a pour porter ceux-ci des rivières comme la Savannah et l'Alatamaha, ou de jeter au travers du désert des chemins de fer, comme ceux de Charleston à Augusta et de Savan- nah à MAcon. Michel Chevalier. ALLÉGORIE ( du grec â).),o;, autre ; àyopsya) , je dis ). L'allégorie, comme l'indique l'ctymologie, est la substitution du langage figuré à l'expression propre, d'un discours dé- tourné au discours direct. Considérée comme une simple figure de rhétorique , ce n'est donc qu'une métaphore sou- tenue et continuée , d'un fort bel effet lorsque le sens en est parfaitement clair, et que les rapports, comme l'a dit La Harpe après Quintilien, ne sont ni trop multipliés ni pris de trop loin. On donne un sens plus étendu à l'allégorie, quand on appelle de ce nom une fiction poétique où des êtres moraux sont personnifiés. Dans l'un et dans l'autre cas, le voile de l'allégorie doit être artistement tissu, mais transparent, et, comme l'a fort bien dit Lemierre, dans son poème sur la pemture , en personnifiant lui-mî-me cet être de raison : L'Allégorie habite un palais diaphane. L'allégorie est aussi ancienne que le monde, et, comme le rappelle M. Tissot, « l'allégorie est la figure universelle par laquelle le genre humain tout entier entra dans l'ordre intellectuel et moral n . Les sens matériels chez l'homme étant frappés avant le sens intellectuel , c'est par les objets exté- rieurs que ses idées sont éveillées. Il eut la connaissance des premiers avant d'avoir la conscience des autres; le besoin fit bientôt naître les termes nécessaires pour nommer les objets de la vie usuelle ; et quand ce vint aux choses de l'esprit, aux abstractions, aux produits de sa pensée, ne trouvant point de mots pour les exprimer, il les revêtit des formes vivantes , et du nom des objets avec lesquels il était déjà familier, ou dont la vue provoquait en lui ces mouvements intérieurs de son organisation intellectuelle et morale. Le langage primitif de l'homme se trouva donc ainsi composé d'images , et dans l'enfancç des sociétés l'allégo- rie, au Ueu d'être un voile, comme chez les modernes, fut, au contraire, une clef et un flambeau destinés à éclairer, à expliquer, à rendre sensible enfin ce que le discours ne pouvait encore interpréter d'une manière claire et précise; ce fut , en un mot , une traduction des idées de l'homme par le secours des objets matériels de la nature. De là l'usage constant chez toutes les nations de représenter les abs- tractions par les images des objets corporels; de là les formes symboliques du langage chez les anciens peui)les, principalement chez les Égyptiens, de qui Pythagore et d'autres philosophes grecs les empruntèrent pour les adapter à la langue et aux mœurs de leur pays. Mais bientôt l'allégorie disparut du langage habituel pour former une langue à part et devenir le partage de ([uelques privilégiés ; elle tomba dans le domaine de la re- ligion, qui s'en servit comme d'un mystère de plus. Les al- légories antiques parvenues jusqu'à nous n'ont pas encore trouvé leurs égales dans les littératmes modernes : « Ja- mais les modernes, dit Voltaire, ne trouveront d'allégo- ries plus vraies, plus agréables, plus ingénieuses que celles des neuf Muses , de Vénus, des Grâces , de l'Amour, etc., qui seront les délices et l'instruction de tous les siècles. • Ce n'est pas seulement par rapport à leur grand éloigne- ment que les anciens hiéroglyphes, ou plutôt les allégories des Égyptiens , des Scythes et de quelqiies autres peuples de l'Asie , nous semblent inférieures à celles de leurs suc- cesseurs; c'est surtout par le défaut de relation exacte, et , par conséquent, de clarté, dont elles sont quelquefois entacliées. La Harpe, dans son Cours de Littérature , en cite un exemple qui paraîtra sans doute concluant, et que nous allons rapporter. Darius , roi des Perses , dans son