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SYRACUSE — SYRIAQUE (LANGUE)

lieue méridionale coulait, parmi des terrains très marécageux, l’Anapos, qui recevait les eaux de la célèbre fontaine de Cyane ou d’Aréthuse. Strabon, VI, ii, 4 ; Pausanias, V, vii, 2-4. Au nord d’Ortygie était le « petit port », nommé Lakkios, assez profond pour recevoir les navires de guerre. Entre la pointe sud-est d’Ortygie et le cap Plammyrion, se trouvait le « grand port », appelé encore aujourd’hui Porto Maggiore. Il avait une superficie de 232 hectares et pouvait contenir toutes les flottes de l’ancien monde ; en temps de guerre, on en fermait l’accès avec d’énormes chaînes de fer. Strabon, loc. cit. Ortygie fut mise en communication avec les quartiers de l’ouest par une digue de pierre, puis par un pont. On a évalué la population de l’ancienne Syracuse à 500 000 habitants ; quelques auteurs ne reculent même pas devant le chiffre d’un million.

Histoire de Syracuse. — Cette grande cité avait eu des commencements très modestes. Elle ne fut d’abord qu’une petite colonie phénicienne ; en 734 avant J.-C., d’autres colons, venus de Corinthe, expulsèrent les premiers fondateurs. Strabon, VI, i, 12, et ii, 4. En

Fig. 428. — Monnaie de Syracuse
Fig. 428. — Monnaie de Syracuse
428. — Monnaie de Syracuse.
ΕΥΡΑΚΟΣΙΩΝ. Tête de Proserpine à gauche, couronnée d’épis.
— ℞. Torche dans une couronne de lauriers.

grandissant, elle changea son premier nom d’Ortygie en celui de Syracuse, qui provenait de la vallée marécageuse, nommée Syrako, dont il a été question plus haut. Elle fut pendant assez longtemps le théâtre de luttes intestines, qui renaissaient constamment entre une démocratie turbulente et le parti aristocratique. Les aristocrates possédèrent d’abord le pouvoir ; mais, renversés par la faction ennemie, ils appelèrent à leur secours Gélon, « tyran », c’est-à-dire prince de Géla, qui, après les avoir rétablis, travailla pour son propre compte et s’empara de l’autorité (485 avant J.-C.). Son administration fut avantageuse pour la cité, qu’il sut rendre très florissante, à tel point, que la plupart des villes siciliennes durent bientôt subir son influence. En 480, Gélon remporta une brillante victoire navale sur les Carthaginois, qui avaient déjà des visées sur la Sicile. À Gélon succédèrent ses frères Hiéron Ier (476-467) et Thrasybule ; mais celui-ci fut renversé l’année même où il entra au pouvoir, et la constitution redevint démocratique. En 415, plusieurs villes de Sicile qui dépendaient de Syracuse voulurent secouer son joug, et elles implorèrent le concours des Athéniens. Athènes envoya une flotte considérable, qui, après s’être emparée d’Épipolæ (414), fut ensuite totalement battue (413) : 7 000 Athéniens furent faits prisonniers, et périrent presque tous misérablement dans les « latomies » (carrières) où on les avait jetés. À la suite d’autres querelles intestines, les Syracusains confièrent le pouvoir au chef de l’armée, Denys Ier ; celui-ci se proclama « tyran » (405), et combattit avantageusement contre les Carthaginois, qui voulaient s’emparer de la partie occidentale de la Sicile (397). C’est à lui qu’est due la construction du mur d’enceinte. En 277, menacés de nouveau par Carthage, les Syracusains firent venir Pyrrhus, qui guerroyait alors en Italie ; il repartit en 276. L’année suivante, ils élurent comme général, et plus tard comme roi (369), Hiéron II, qui, durant les deux premières guerres puniques, se fit l’allié fidèle des Romains. Son fils et successeur Hiéronymos (216) prit au contraire le parti des Carthaginois (214) : décision funeste, qui amena la perte de Syracuse. En effet, attaquée, cernée et affamée par le général romain Marcellus, elle fut prise en 212, malgré la défense vigoureuse et habile que dirigeait l’illustre Archimède. Dès lors elle appartint à la province romaine de Sicile et déclina rapidement. Sous la domination romaine, elle fut la résidence du préteur, et, à ce titre, le siège de l’administration de la province entière. Elle était aussi le centre d’un conventus judiciaire. Elle conserva pendant assez longtemps de l’importance sous le rapport de la navigation. Les vaisseaux qui allaient d’Égypte à Rome, chargés de blé, y faisaient escale et renouvelaient leur provision d’eau à la fontaine d’Arétuse. Cicéron, In Verr., iv, 52-53, mentionne Syracuse comme une ville belle encore de son temps. Cf. Tusc., v, 10 ; De Republ., i, 21. Auguste y envoya une colonie militaire. Strabon, VI, ii, 4 ; Pline, H. N., iii, 14 ; Ptolémée, III, iv, 9. Caligula releva en partie ses murs et ses monuments. Suétone, Caius, xxi. Depuis cette époque, Syracuse partagea d’une manière générale les destinées de la Sicile.

Syracuse dans la Bible. — Il n’est question de Syracuse qu’au livre des Actes, xxviii, 12, à l’occasion du premier voyage de saint Paul à Rome. Le navire qui transportait l’apôtre de l’île de Malte à Pouzzoles, y toucha et y demeura trois jours à l’ancre, attendant sans doute un vent favorable pour se diriger vers Rhégium. Une église qui est dédiée à saint Paul conserve le souvenir de son passage. — Voir Bonanni, Le antiche Siracuse, 2 in-fo, Palerme, 1717 ; J. G. Seume, Spaziergang nach Syrakus, in-8o, Brunswick, 1802 ; 2e éd. en 1805 ; Göller, De situ et origine Syracusarum, in-8o, Leipzig, 1818 ; Privitella, Storia di Siracusa antica e moderna, 2 in-8o, Naples, 1870 ; la Römische Quartal schrift für christliches Altertum, Rome, 1896, p. 1-59 V. Strazzulla, Museum epigraphicum, seu inscriptionum christianarum quæ in Syracusanis catacumbis repertæ sunt corpusculum, in-4o, Palerme, 1897.

L. Fillion.

SYRIAQUE (LANGUE). Les Septante et la Vulgate identifient avec raison les langues araméenne et syriaque : ils traduisent « Parle en araméen », IV Reg., xviii, 26 ; Is., xxxvi, 11, par : « Parle en syriaque ». Il en est de même dans I Esdras, iv, 7, et Daniel, ii, 4. La « langue de Syrie » mentionnée II Mach., xv, 37, dans laquelle Adar est le douzième mois (voir le grec), est encore la langue araméenne, car les Syriens comptaient déjà l’année à partir d’octobre, et Adar était pour eux le sixième mois. L’araméen semble en effet avoir supplanté tous les autres idiomes en Syrie et en Mésopotamie, longtemps avant la captivité. Après la captivité, il envahit même la Palestine. Le Christ et les Apôtres en ont parlé un dialecte, le latin n’a eu aucune influence sur lui, le grec l’a influencé, mais l’arabe seul l’a supplanté. Excepté dans quelques cantons de la Perse et de l’est de la Turquie et dans quelques villages du Liban ou du Malabar (néo-syriaque) et de la Palestine (samaritain), l’araméen n’est plus qu’une langue morte. Au sens large, le mot syriaque peut donc être pris comme synonyme d’araméen, au sens strict, il désigne les dialectes araméens, parlés par les chrétiens orientaux. Nous allons donc dire quelques mots seulement de l’araméen judaïque et de l’araméen païen pour nous arrêter à l’araméen chrétien ou syriaque.

I. Araméen judaïque. — Il nous est connu d’abord par des fragments de Daniel et d’Esdras (chaldéen biblique) et par quelques inscriptions et papyrus ; il évolue ensuite dans les Targums et dans le Samaritain.

La Palestine était enserrée au milieu de peuplades qui parlaient araméen, car l’inscription syrienne de Bar-Hadad (viiie siècle avant notre ère) est écrite en cette langue, que parlait aussi la majorité de la popu-