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PEUPLIER — PEVERELLI

PEUPLIER (hébreu : libnéh ; Septante : ῥάϐδος στυρακίνη, Gen., xxx, 37 ; λεύκη, Ose., IV, 13 ; Vulgate : populea, populus), un des grands arbres de la Palestine.

I. Description. — Les Peupliers composent avec les Saules toute la famille des Salicinées, arbres et arbrisseaux caractérisés par les fleurs disposées en chatons dioïques. Les graines, à la maturité, s'échappent en grand nombre d’une capsule bivalve, emportées par le vent sous la forme de flocons blancs grâce aux poils soyeux dont elles sont revêtues. Les Peupliers se distinguent par leur taille franchement arborescente, leurs feuilles à limbe élargi et porté sur un pétiole comprimé suivant le plan médian, leurs étamines enfin plus nombreuses dans chaque fleur.

Dans aucun autre genre, peut-être, le dimorphisme sexuel n’est plus accentué, au point que le vulgaire donne souvent des noms différents aux pieds mâles et femelles de la même espèce. Les premiers sont aussi préférés et presque exclusivement propagés par a culture à cause de leur croissance rapide, de leur tige plus élevée, de leur végétation de tout point plus vigoureu se
34. — Populus alba.
Rameau, fleurs et chatons dioïques ; graines.
les feuilles paraissant plus vite au printemps, et tombant plus tard en automne. En outre, ils n’ont pas l’inconvénient passager mais très réel des plantes fructifères au moment où se dispersent les semences cotonneuses.

Les espèces de Palestine se répartissent en trois séries distinctes. 1° La plus commune au bord des eaux dans toute la plaine littorale de Syrie, l’Ypreau, Populus alba de Linnée (flg. 34), est facile à reconnaître au feutre couleur blanc de neige qui revêt les jeunes rameaux et le dessous des feuilles. Dans la région montagneuse du Nord on trouve aussi le Tremble, Populus tremula, de la même section des Peupliers blancs, pour les squames ciliées de ses chatons, mais à feuilles vertes sur les deux faces, et, en plus, une race intermédiaire entre les deux précédentes, dont elle est probablement un produit hybride, le P. canescens ou Grisaille, à bois tenace, tronc élancé, et feuillage cendré. 2° Le curieux Peuplier de l’Euphrate, si remarquable par le polymorphisme de ses feuilles, tantôt larges et deltoïdes, tantôt étroites au point de simuler un Saule, est un arbre de la région désertique à rameaux étalés avec une cime glauque, disséminé depuis l’Afrique septentrionale jusqu'à l’Himalaya, mais surtout abondant dans la dépression du Jourdain et en Mésopotamie. Il ressemble aux Peupliers blancs par ses bourgeons velus et ses squames lanciniées, mais possède les étamines indéfinies de la section suivante. 3° Dans les vallées du Liban le Peuplier noir est aussi répandu, surtout sous la forme pyramidale, que dans l’Europe moyenne, quoique de spontanéité douteuse. Les jeunes rameaux et les feuilles sont glabres, comme chez toutes les espèces de la section Aigirus, avec les bourgeons visqueux et les étamines au nombre de 12 à 30.

F. Hy.

II. Exégèse. — Les anciens et les modernes sont également partagés sur le sens du mot libnéh : les uns y voient le styrax officinalis, l’aliboufier ; les autres le peuplier blanc. L'étymologie ne saurait trancher le différend. Libnéh vient de la racine lâban, « être blanc. » Ce nom peut s’appliquer au styrax comme au peuplier. L’aliboufier donne une sorte de lait blanchâtre qui se coagule et forme la gomme ou résine de styrax. Cette résine blanche aurait pu donner son nom à l’arbre lui-même, comme en arabe où [texte arabe], lobna, désigne l’aliboufier et son produit. Le nom de libnéh convient aussi et mieux encore au peuplier, à cause de la blancheur de ses jeunes rameaux et du dessous de ses feuilles. Parmi les traductions anciennes on trouve une grande divergence d'interprétation. Si pour Gen., xxx, 37, les Septante, suivis par l’arabe de Saadias et par l’éthiopien, traduisent par ῥάϐδος στυρακίνη branche d’aliboufier ; dans Ose., iv, 13, ils rendent libnéh par λεύκη, le peuplier. La Vulgate traduit dans les deux endroits par populus, populea, peuplier. Les exégètes modernes comme Gesenius, Thesaurus, p. 740 ; Michaëlis, Supplément. ad Lexica hebraica, t. ii, p. 1404 ; E. Fr. C. Rosenmüller, Handbuch der biblischen Alterthumskunde, in-8°, Leipzig, 1830, t. iv, p. 261, préfèrent la traduction styrax, à cause du rapprochement de l’hébreu libnéh avec l’arabe lobna. D’autre part O. Celsius, Hierobotanicon, in-8°, Amsterdam, 1748, t. i, p. 292 ; H. B. Tristram, The natural History of the Bible, in-12, Londres, 1889, p. 389, préfèrent la traduction peuplier blanc. Le contexte est plutôt en faveur de ce dernier sentiment. Dans Gen., xxx, 37, « Jacob prit des baguettes vertes de libnéh, d’amandier et de platane. Il y pela des bandes blanches, en mettant à nu le blanc des baguettes ; puis il plaça les baguettes ainsi pelées en face des brebis dans les rigoles. » Sans doute des rameaux d’aliboufier pouvaient servir aussi bien que des branches de peuplier à cet usage. Mais près des deux grands arbres mentionnés, l’amandier et le platane, un grand arbre comme le peuplier blanc semble plus naturellement placé qu’un arbuste comme le styrax officinalis. Le second passage, Ose., iv, 13, est plus décisif encore. Il s’agit de l’idolâtrie d’Israël. « Ils offrent, dit le prophète, des sacrifices sur les sommets des montagnes ; ils brûlent de l’encens sur les collines sous le chêne, le libnéh, et le térébinthe, parce que l’ombrage en est bon. » Le chêne et le térébinthe sont de grands arbres à l’ombrage épais, près desquels on serait étonné de trouver mentionné un arbuste comme l’aliboufier, tandis que le beau et large peuplier blanc trouve une place naturelle. Peut-être que les exégètes qui ont préféré traduire libnéh par l’aliboufier, en rejetant le peuplier, ont-ils pensé surtout au port élancé et peu touffu du peuplier pyramidal. Mais le peuplier blanc a tout un autre port et n’est pas déplacé près du chêne et du térébinthe aux frais ombrages. Aussi préférons-nous traduire libnéh par peuplier blanc. Voir Styrax.

PEUR. Voir Frayeur, t. ii, col. 2399.

PEVERELLI Barthélemi, exégète italien, né à Vérone en 1695, mort à Modène le 22 octobre 1766, entra au noviciat de la Compagnie de Jésus, le 29 octobre 1713, enseigna d’abord les humanités puis l'Écriture Sainte à Modène. Ses leçons sur les Actes des Apôtres : Lezioni sacre e morali sopra il santo lïbro de gli Atti Apostolia, Vérone, 1766-1777, 2 in-4°, sont tout à la fois une œuvre de science et une œuvre de piété ; elles s’adressent à l’intelligence et au cœur.

P. Bliard.