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PÉTRA


nous disent de Séla' : aussi est-ce d’une manière à peu prés unanime qu’on a identifié de tout temps les deux localités. Voir Eusèbe, Onomastica sacra, Gœttingue, 1870, p. 147, 286. L’ancien nom hébreu de Pétra semble avoir été conservé sous la forme Sal% que l'écrivain arabe Yalkoût emploie pour désigner une forteresse située précisément dans l’ouadi Mouça, sur l’emplacement de Pétra. Nôldeke, Der arabische Name von Petra, dans la ZeiCschrift der deutschen mprgenlândischen Gesellschaft, 1871, t. xxv, p. 259-260. Les ruines de Pétra sont situées dans la vallée que les Arabes appellent Ouadi Mouça, « Vallée de Moïse, s> et ils lui ont attribué ce nom parce qu’ils placent en ce lieu l’un des rochers qui, frappés par Moïse, fournirent aux Hébreux une eau miraculeuse durant leur marche à travers le désert. « Le fond de la cuvette où était autrefois la ville elle-même, est bossue, mamelonné ; l’ouadi Mouça la coupe sensiblement par le milieu en allant de l’est à l’ouest. Ce nom de Ouadi Mouça a été donné par les Arabes à l’ensemble de Pétra et à son débouché vers l’Arabah. » J. de Kergorlay, Pétra, dans la Revue des deux mondes, 15 avril 1907, p. 902. — Pétra a donné son nom à l’Arabie Pétrée ; en effet, l'épithète « Pétrée » n’a pas le sens de pierreuse, rocheuse ; il s’agit du district de l’Arabie dont Pétra était la capitale : i xaxà néxpoiv 'Apaêfa. Agathemerus, Géographie exposilio campendiara, vi, 21, dans C. Mûller, Geographi grxci minores, édit. Didot, t. ii, p. 499.

II. Situation géographique. — Pétra était située par 30° 19 de latitude N. et 35° 31 de longitude E., au cœur < ! es montagnes d'Édom, à peu près à mi-chemin entre l’extrémité sud de îa mer Morte et la pointe nord du golfe d’Akabah. Voir la carte, t. iii, col. 330. On compte cinq jours de marche pour la première partie, six pour la seconde ; environ 100 til. à partir de la pointe d’Akabah. Pétra se trouvait à 500 milles romains de Gaza, Pline, H. N., vt, 22, au pied du mont Hor, Josèphe, Ant. jud., IV, iv, 7, sur les contreforts orientaux de la longue et profonde vallée, nommée Arâbah, qui unit la mer Morte à la mer Rouge. Elle appartient maintenant à la province du Hedjaz. Elle était comme isolée du reste du monde par la ceinture de rochers gigantesques qui l’entourait. « À l’est, à l’ouest, se dressent des parois abruptes ; au nord, les hauteurs découpées par des ravins parallèles limitent l’horizon d’une arête continue ; au sud, les pentes sont plus douces, mais là aussi une muraille de grès forme le rebord du bassin. ». E. Reclus, Nouvelle géogr. universelle, t. ix, 1884, p. 797. Le cirque au milieu duquel s'étalaient les habitations et les monuments de Pétra n’est aisément abordable que de deux côtés. On peut y pénétrer par le sud-ouest, en suivant un sentier de montagne rude et escarpé. L’entrée la plus naturelle, comme aussi la plus pittoresque, est du coté de l’est ; elle consiste dans un long défilé, qui porte le nom arabe de Sîk. Rien n’est plus saisissant que cette gorge étroite et sinueuse, aux parois perpendiculaires, haute de 80, 100 et 200 mètres, qu’on suit pendant plus d’une heure, en longeant le cours d’eau principal de Pétra, auquel le Sîk sert de lit. Strabon, XVI, iv, 21, et Pline, H. N., vi, 32, mentionnent aussi cet étrange couloir, où parfois deux chameaux chargés ont de la peine à passer de front, et dont mainte portion est inaccessible au soleil. Les tombes et les temples taillés dans le roc y font leur apparition assez longtemps avant qu’on n’arrive à Pétra.

En sortant du Sîk, on se trouve dans le bassin où était bâtie la ville. Sa forme est à peu près quadrangnlaire. D’après Pline, H. N., vi, 32, : sa largeur était de deux milles romains ; ce qui correspond assez exactement aux mesures indiquées par les voyageurs les plus récents. : de 1500 à 1800 m. du S. au N. ; de 1000 à 1200 de l’E. à l’O. La nature est déchirée, tour mentée ; les moindres ravins sont des précipices. Les rochers nus qu’on voit de toutes parts consistent parfois en calcaire ; mais le plus habituellement en grés, et ces grès ont des colorations merveilleuses, dont les visiteurs parlent avec enthousiasme : le rouge et le jaune dominent ; mais on rencontre toutes les nuances, depuis le rouge presque noir jusqu’au rose tendre, et depuis le jaune foncé jusqu’au jaune citron ; au lever et au coucher du soleil ces teintes sont très agréables à contempler. Autrefois, la vallée était cultivée avec soin ; elle est maintenaut sans culture aucune, quoique l’eau y soit abondante. Sur les pentes, les restes de murs de soutènement prouvent qu’on avait des jardins en terrasses.

Le grès est très friable de sa nature ; aussi les montagnes de Pétra n’ont-elles pas échappé à l'érosion du temps, et elles continuent de se désagréger chaque jour ; en s’effritant ainsi, elles prennent les formes les plus variées, les plus bizarres. Lorsque d’en haut on jette un coup d'œil sur le sommet des rochers, on dirait une mer étrange, dont les vagues se seraient figées. Emplacement singulier, sans doute, pour y insta’ler une ville importante. L’histoire de Pétra va nous faire comprendre pourquoi il fut choisi.

III. Histoire de la ville. — Un profond mystère enveloppe la fondation de Séla', qui se perd dans les temps les plus reculés. À l’origine, les habitants de la contrée étaient les Horréens (voir Horréens, t. iii, col. 757-758), c’est-à-dire des Troglodytes, lis sont mentionnés Gen., xiv, 6, à l'époque d’Abraham etde Chodor^ lahomor. C’est par eux que doivent avoir été creusées les premières grottes de Pétra, qui n'étaient encore que de grossières cavités. Plus tard, les Horrhéens furent supplantés par les Édomites, qui descendaient d'Ésaù, Deut. ii, 12, 22. Grâce à ceux-ci, Séla' acquit alors une importance nouvelle, bien qu’elle ne fût pas leur capi' taie ; cet honneur appartenait à Bosra. Voir Bosra 1, 1. 1, col. 1859. Vers la fin du ixe siècle avant notre ère, elle fut conquise par Amasias de Juda, qui la détruisit en partie et lui donna le nomdeJectéhel. VoirjECTÉHEL, t. iii, col. 1216. Aussi n’est-il plus question d’elle pendant quelque temps dans les saints Livres. Amos, i, 12, ne mentionne pas Séla' parmi les villes du pays d'Édom. Toutefois, elle était trop bien située, pour ne pas redevenir une ville très importante.

C’est aux Nabuthéens qu’elle dut la période la plus florissante de son histoire. Ce petit peuple d’origine sémitique, voir Nabuthéens, t. iv, col. 1444, venu d’Orient on ne sait pas au juste à quelle époque, était beaucoup plus trafiquant que guerrier. Il possédait des richesses énormes, et il avait besoin, sur l’un des chemins fréquentés par les caravanes, d’un endroit sûr, difficilement accessible, à l’abri d’un coup de main des maraudeurs arabes, qui pût servir d’entrepôt à ses marchandises, et de résidence aux vieillards, aux femmes et aux enfants, durant ses déplacements commerciaux. Pétra convenait admirablement pour ce but. D’un côté, par sa situation même, elle était facile à défendre contre une invasion ; de l’autre, elle se trouvait au centre des routes les plus fréquentées d’alors par le commerce : route d’Egypte à Damas, route de Gaza, route d’Akabah, route du golfe Persique, etc. Pline, H. N., vi, 32. De nombreux marchands romains et étrangers s’y étaient installés à l'époque de Strabon, loc. cit., et Diodore de Sicile, xix, 98, compare à des armées les caravanes qui traversaient ces parages. Vers l’an 300 av. J.-C, et même un peu plus tôt, Pétra nous apparaît donc tout à coup comme la capitale des Nabuthéens, qui s’en étaient emparés à leur tour, peut-être au Ve ou au IVe siècle. À deux reprises au moins, les Séleucides, qui gouvernaient alors la Syrie, essayèrent de la réduire, car ses richesses les tentaient ; mais ils furent repoussés vigoureusement. Diodore de Sicile, xix, 95. Josèphe