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SEPTANTE (VERSION DES)


on dit depuis), ou bien de grec biblique, différencié par quelques-uns en grec des Septante et en grec du Nouveau Testament, et étendu par d’autres jusqu’au grec chrétien ou même ecclésiastique. Le grec des Septante est pour M. Viteau, t. iii, col. 316, « le grec hébraïsant tel qu’on le parlait à Alexandrie au sein de la communauté juive ; » c’est le grec vulgaire d’Alexandrie avec « un énorme mélange d’hébraïsmes. » Pour M. Swete, An Introduction lo the Old Testament in greek, p. 9, c’est le patois des rues et des marchés d’Alexandrie, coloré de sémitismes et d’hébraïsmes sur les lèvres de la colonie juive. M. Deissmann rejette à bon droit toutes ces qualifications et il ne retient que celle de grec hellénistique. Realencyclopâdie fûrprotestantische Théologie und Kirche, 3e édit., t. vii, p. 627-639. Le grec des Septante n’est, à ses yeux, que le grec vulgaire avec ses particularités propres, à peu près sans hébraïsmes. Son argument est la ressemblance parfaite de la langue de cette version avec celle des papyrus et des inscriptions de la même époque au double point de vue phonétique et morphologique. C’est la xoivï| toute pure du temps. Des mots, qui passaient pour uniquement bibliques, ont été retrouvés dans les papyrus ou les ostraka. Cf. Deissmann, Bibelstudien, p. 76-168 ; Neue Bibelstudien, Marbourg, 1897, p. 22-95 ; Licht vont Osten, Tubingue, 1908, p. 45-95. Voir t. iv, col. 2092-2093. La syntaxe des Septante, qui n’a pas son équivalent dans les papyrus, semblerait justifier, de prime abord, l’existence d’une langue spéciale, du grec hébraïsant. Deissmann remarque que cette particularité de syntaxe provient de ce que les Septante sont une version et que leur langue est un grec de traduction de livres hébraïques. Le IVe livre des Machabées, les Épîtres de saint Paul, la Lettre d’Aristée, les écrits de Philon, toutes œuvres d’écrivains juifs, sont écrits dans le grec vulgaire, et non dans le prétendu grec hébraïsant. Le prologue de l’Ecclésiastique et celui du troisième Évangile sont en grec vulgaire sans sémitismes. Si les livres, dont ils sont la préface, ont des hébraïsmes, c’est que l’un est une traduction d’un ouvrage hébreu et que l’autre repose sur des sources hébraïques ou araméennes. Les hébraïsmes de la version des Septante ne sont pas des hébraïsmes usités dans la langue, mais des hébraïsmes exceptionnels provenant de la traduction plus ou moins littérale d’un texte hébraïque. On a donc écarté un grand nombre de sémitismes qu’on croyait retrouver dans les Septante, ce ne sont que des vulgarismes, et on conclut que cette version est un excellent monument littéraire de la xoivï] SiâXsxToç. Deissmann et Moulton sont portés à réduire au minimum le nombre des hébraïsmes ; ils ne veulent voir partout que des vulgarismes. Deissmann, Bibelstudien, p. 61-76. Cette tendance, peut-être trop rigoureuse, a été combattue de divers côtés etpour des raisons différentes. Les uns pensent que les Juifs fort nombreux en Egypte ont exercé une forte inlluence sur le grec parlé et y ont introduit de véritables hébraïsmes, qui sont entrés dans la langue vivante et littéraire. Les autres croient que, dans l’œuvre même de traduction, il s’est introduit des hébraïsmes, provenant non pas de la traduction d’un original hébraïque, mais faisant réellement partie de la langue des traducteurs. Il faudrait donc reconnaître de réels hébraïsmes dans la version des Septante, qui ne serait pas un monument de la xocvtj £[â).ey.toc aussi pur que le grec des papyrus. Cf. Jacquier, Histoire des livres du Nouveau Testament, Paris, 1908, p. 321-334 ; J. Psichari, Essai sur le grec de la Septante, dans la Bévue des études juives, avril 1908, p. 161-208. Cependant, G. Schmidt, De Flavii Josephi elocutione observationes criticse, dans Fleck, Jahrbùcher Suppl., t. xx (1894), p. 514 sq., n’a trouvé en Josèphe, qui a traduit ses œuvres de l’hébreu en grec,

qu’un unique hébraïsme, l’emploi de nposTÉŒrfai pour rendre)d>. Quoi qu’il en soit, le nombre de ce qu’on croyait être des hébraïsmes dans la Bible grecque, doit être beaucoup réduit.

VI. Histoire du texte. — 1° Diffusion chez les Juifset les chrétiens. — Bien que la traduction grecque de chacun des livres de la Bible hébraïque, sauf peut-être celle du Pentateuque, ait été une entreprise privée, comme cela est évident pour l’Ecclésiastique, cependant les différents livres, traduits en grec, ne tardèrent pas à être groupés et à prendre un caractère officiel parmi les Juifs de langue grecque. Il y eut donc bientôt une-Bible grecque à l’usage des Juifs hellénistes. Philon, rapportant l’origine légendaire de la version du Pentateuque, insiste beaucoup sur sa conformité avec le texte hébreu. « Lorsque des Hébreux qui ont appris le grée ou des Grecs qui ont appris l’hébreu lisent les deux textes, dit-il, De vita Mosis, II, Paris, 1640, p. 658 sq., ilsadmirentces deux éditions et les vénèrent comme deux sœurs, ou plutôt comme une seule personne. » Il ajoute que, chaque année, les Juifs faisaient une fête joyeusedans l’île de Pharos en commémoration de la traduction du Pentateuque par les Septante. Il s’est servi lui-même, nous l’avons déjà dit, non seulement de la version grecque des cinq livres de Moïse, mais aussi de celle de la plupart des autres livres de l’Ancien Testarnent. Tous les Juifs hellénistes s’en servaient pareillement, et nous avons cité les écrivains qui ont utilisé le texte grec de différents livres.

Cette version a été aussi connue et employée par des Juifs palestiniens. Les écrivains inspirés du Nouveau Testament, qui étaient des Juifs de Palestine, l’ont citée, en écrivant dans le monde gréco-romain. Plus tard, Josèphe, qui est un palestinien, croit au récit d’Aristée, sur l’origine du Pentateuque grec, et se sert de toute la Bible grecque. Mais Josèphe a hellénisé, et l’usage qu’il fait de la version grecque ne prouve pas absolument un usage semblable de la part des Juifs de Palestine. On a prétendu que le texte grec avait été lu officiellement dans les synagogues de ce pays : On s’est appuyé sur un passage du Talmud de Jérusalem, traité Sola, vii,

I, trad. Schwab, Paris, 1885, t. vii, p. 297, mais il ne s’agil que de la récitation du Schéma, faite en grec, àX>i)vi(rc, à la synagogue de Césarée. D’ailleurs, on y rappelle qu’à la fête de Purim il est permis aux seuls particuliers qui ne savent pas l’hébreu, de lire le livre d’Esther en toute langue étrangère. Cf. traité Meghilla,

II, 1, t. vi, p. 228. L’Épitre aux Hébreux, qui est adressée à l’Église de Jérusalem et qui cite l’Ancien Testament grec, montre que la version des Septante était reconnue en Palestine, au moins parmi les Juifs palestiniens qui parlaient grec. La légende d’Aristée a été reçue en Palestine, et les rabbins ont reconnu plustard que les Livres Saints pouvaient être traduits en grec. Les Juifs palestiniens n’avaient pas de motif de rejeter la version des Septante, tant qu’elle ne fut pasemployée par l’Église chrétienne. Ils la tenaient doncen estime, bien qu’elle n’eût chez eux aucun caractère officiel.

En tous cas, il est certain que les Juifs hellénistes lisaient partout la traduction grecque des Livres Saints. L’exemple de saint Paul suffirait à le montrer. Kautzsch, De V. T. locis a Paulo apostolo allegatis r Leipzig, 1869 ; Monnet, Les cilations de l’A. T. dan » les Épîtres de S. Paul, Lausanne, 1874 ; Vollmer, Die altlest. Cilate bei Paulus, Fribourg-en-Brisgau, 1895 ; F. Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, p. 35-44. Saint Justin affirme cet emploi même dans les synagogues, Apol., i, 31 ; Dial. cum Tryphone, 72, t. vi, col. 376, 645, aussi bien que l’auteur de la Cohortalio ad Grsecos, 13, ibid., col. 268, et que Tertullien, Apologet., 18, t. i, col. 381 : Judsei, dit ce dernier, palam lectilant. Des mains des Juifs hellénistes, la