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PÊCHE — PÉCHÉ

Apôtres de jeter le filet. Ceux-ci, qui n’ont rien pris la nuit précédente, obéissent et, d’un coup de filet, prennent cent cinquante-trois grands poissons. Joa., xxi, 6-11. Une parabole évangélique fait allusion, Matth., xiii, 47-48, à un genre de pêche qu’on voit encore fréquemment pratiquer sur la côte de Syrie. Les pêcheurs, reproduits dans la figure 3, tirent le filet (sagena) qu’avec un bateau on a étendu à une assez courte distance dans la mer, et lorsqu’il arrive sur le rivage, les pêcheurs rejettent dans l’eau le mauvais poisson. — La pêche maritime n’était pas pratiquée par les Israélites, qui n’ont jamais été marins. Les Phéniciens au contraire s’y livraient avec activité ; l’une de leurs principales villes porte le nom de Sidon, c’est-à-dire « pêcherie ». Voir Sidon.


PÉCHÉ (hébreu : ḥêteʾ, ḥâtâʾâh, ḥattâʾâh, ḥattâʾṭ, maʿal, ʿâvôn, peṡa, ṡêt, ṡegîʾâh, ṭahâlâh ; chaldéen : ḥâtây, ʿivyâʾ, ʿavyâʾ; Septante : ἀμαρτία, ἀνομία, ἀνομημα, παραπτώμα ; Vulgate : peccatum, culpa, iniquitas, offensa, offensio, delictum, scelus), transgression volontaire de la loi divine, naturelle ou positive.

Sa genèse.

1. Le péché apparaît pour la première fois au paradis terrestre, sous la forme d’un acte de volonté humaine en opposition avec la volonté souveraine du Créateur. Dieu défend un acte sous peine de mort. Ce qui a été dit de l’homme créé à l’image de Dieu, Gen., i, 26, 27, la notion d’un Dieu puissant, sage et juste, qui ressort des premiers récits du Livre sacré, et la défense imposée à l’homme par ce Dieu souverainement bon et parfait, supposent nécessairement que l’homme jouit d’une volonté libre, intelligente et par conséquent responsable. Malgré la défense divine, un acte extérieur est accompli. Bien que le récit sacré ne raconte que ce qui se voit, dans cet acte et ses conséquences, il va de soi qu’il faut aller ici au delà de la lettre. Le mal n’est pas dans l’acte extérieur, mais dans la volonté qui désobéit ; le coupable n’est pas la main qui exécute, mais l’âme libre qui commande aux organes. Cette conclusion ressort clairement du châtiment imposé au coupable. Pour encourir un pareil châtiment de la part d’un Dieu juste, il a fallu qu’il y eût dans le péché, non seulement un acte extérieur, mais encore et surtout un acte intérieur, celui d’une volonté consciemment et librement en opposition avec la volonté du Maître tout-puissant. Il est vrai qu’un autre être intervient pour incliner dans le sens de la désobéissance la volonté de la femme et, par elle, celle de l’homme. Mais cette influence, si perverse et si forte qu’elle soit, n’a d’action sur la volonté libre qu’autant que celle-ci le veut bien. Elle peut diminuer sa responsabilité, elle ne la supprime pas, parce que la volonté de l’homme est restée suffisamment maîtresse d’elle-même. C’est ce qu’il faut encore conclure de la sentence de condamnation, mitigée et laissant la porte ouverte à l’espérance du pardon, mais cependant sévère et supposant une culpabilité grave chez les deux coupables. Gen., iii, 119.

2. Après avoir ainsi fait son apparition dans l’humanité, le péché s’y perpétue, par des actes volontaires, à travers toutes les générations. Le meurtre d’Abel par Caïn a sans doute été précédé par bien d’autres fautes moins graves. Toujours est-il qu’avant son crime le meurtrier reçoit un avertissement qui marque l’attitude que doit avoir l’homme en face du bien et du mal, quelles que soient la fureur de ses passions et les sollicitations de la tentation : « Si tu fais bien, ne seras-tu pas agréé ? Et si tu ne fais pas bien, le péché ne se tient-il pas à ta porte ? Son désir se tourne vers toi ; mais toi, tu dois dominer sur lui. » Gen., iv, 7. Le premier phénomène se passe dans la conscience de l’homme, quand il a cessé de faire le bien, c’est-à-dire de conformer sa volonté à celle de Dieu. Il sent qu’il n’est plus agréable à son Créateur, qu’il ne peut plus lever la tête vers lui avec assurance. Déjà le péché est à la porte, comme une bête fauve qui cherche à forcer l’entrée ; il veut contracter une sorte d’union avec l’homme ; mais celui-ci reste le maître, il peut et doit dominer. Sa liberté reste suffisante, sa volonté demeure assez armée pour se défendre et triompher. Caïn ne sut pas faire triompher sa volonté.

3. Saint Jacques, i, 13-15, analyse l’acte ordinaire du péché, tel qu’il se produit dans l’homme. « Que nul, lorsqu’il est tenté, ne dise : C’est Dieu qui me tente. Car Dieu ne saurait être tenté de mal et lui-même ne tente personne. » On sait qu’Adam avait essayé de faire remonter jusqu’à Dieu la responsabilité de son péché, en disant : « La femme que vous m’avez donnée pour compagne m’a présenté le fruit de l’arbre. » Gen., iii, 12. L’excuse est vaine et injurieuse à Dieu. L’apôtre ajoute : « Chacun est tenté par sa propre convoitise, qui l’amorce et l’entraîne. Ensuite la convoitise lorsqu’elle a conçu, enfante le péché, et le péché, lorsqu’il est consommé, engendre la mort. » Ainsi, il y a tout d’abord, issu du fond même de la nature humaine, un désir immodéré et désordonné, qui se porte vers une apparence de bien créé. Ce désir prend peu à peu une forme précise et consentie, bien que reconnue répréhensible par la conscience ; la volonté s’ébranle et veut positivement ce bien apparent, qui est un mal réel. Dès cet instant, il y a péché et l’âme est frappée à mort. La tentation peut se produire, provenant des êtres extérieurs ; le péché n’est possible que si la convoitise intérieure entre en ligne et décide la volonté. C’est ce qui permet à saint Augustin, De Gen. ad lit., xi, 30, t. xxxiv, col. 445, et à saint Thomas, Sum. theol., i, q. xliv, a. 4, ad 1um ii, de dire que la tentation n’aurait pas eu de prise sur Ève si celle-ci n’avait péché au préalable par un amour coupable de sa propre excellence.

4. Le récit de la Genèse, iii, 5, montre que cette pensée de complaisance personnelle fut d’ailleurs aidée par l’habile tentateur : « Vous serez comme Dieu ! » De là, à la source de tout péché, l’orgueil, la pensée de l’indépendance, l’idée que la créature peut se suffire à elle-même et entend mieux son bien propre que le Créateur.

L’orgueil commence quand l’homme se sépare du Seigneur,
Et quand le cœur s’éloigne de celui qui l’a fait : Car le commencement de l’orgueil, c’est le péché,

ou, d’après la Vulgate :

Le commencement de tout péché, c’est l’orgueil…
Le malheur de l’orgueilleux est sans remède,
Car la plante du péché a jeté en lui ses racines.

Eccli., x, -15 ; iii, 30.

En réalité, orgueil et péché sont corrélatifs et s’appellent l’un l’autre. Cf. Is., xiii, 14.

5. Cet orgueil lui-même, qui est le premier instigateur de la convoitise et du péché, a sa cause dans la nature de l’être créé, alors même qu’il n’est pas encore déchu. La Sainte Écriture ne le dit pas formellement ; mais, avant de raconter la chute, elle commence par montrer que l’homme est un être créé. Or, plus un être créé a reçu de dons de la munificence du Créateur, plus il a de motifs pour se complaire en ce qu’il est et en ce qu’il a, si sa volonté vient à dévier de la rectitude parfaite. Ainsi a pu se produire le péché des anges et ensuite celui de l’homme. Voir Mal, t. iv, col. 598-600.

Sa nature.

1. Le péché consiste essentiellement dans l’opposition de la volonté de l’homme à la volonté de Dieu. C’est ce que montrent les textes précédents. Le péché n’est donc pas dans l’acte extérieur, tel que le voient les hommes ; il est dans l’âme, telle qu’elle apparaît aux yeux de Dieu. I Reg., xvi, 7. Par conséquent, les sentiments et les pensées peuvent être coupables.