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SANCTUAIRE


    1. SANCTUAIRE##

SANCTUAIRE (hébreu : qôdèS ; Seplante : s’a àyiov ; Vulgate : sanctuarium), lieu où l’on célébrait le culte de Jéhovah.

I. La législation. — D’après une loi consignée dans l’Exode, xx, 21-25, à la suite du Décalogue, il est expressément défendu de fabriquer des idoles pour en joindre le culte à celui de Jéhovah, mais on élèvera un autel de terre ou de pierres non taillées pour y offrir des sacrifices. Dieu promet sa bénédiction à ceux qui lui rendront aiusi un culte. L’autel peut être érigé en tout lieu où, dit le Seigneur, ’azkîr Vf Semî, ÈTrovofiâiro) t’o ovojià (iou, « je rappellerai mon nom » par une manifestation particulière. L’érection d’un autel n’était donc possible qu’en certains lieux désignés par le Seigneur lui-même. Toutefois, plusieurs versions, le Syriaque, le Targum, ont lu (azkîr, « tu rappelleras », au lieu de’azkîr, ce qui suppose le choix du lieu sacré fait par l’homme lui-même. La Vulgate traduit : « En tout lieu où il sera fait mémoire de mon nom. » En quelque sens qu’on l’entende, le texte n’exclut donc pas la pluralité d’autels et de lieux sacrés. — Dans le Lévitique, xvii, 3-9, la loi devient plus exclusive. Il n’est plus permis d’immoler des animaux en tout lieu. Même ceux que l’on tue en vue de l’alimentation ne peuvent plus être égorgés qu’à l’entrée du Tabernacle, pour que le sang soit répandu sur l’autel et la graisse brûlée devant Jéhovah. Tout holocauste ou sacrifice offert ailleurs entraînera pour ses auteurs la peine du retranchement. Cette loi, portée peu de temps après la précédente, semble en contradiction avec elle. Au lieu de pouvoir élever des autels en différents endroits, on est obligé d’apporter toutes les victimes au seul autel du Tabernacle. Mais il faut observer qu’entre les deux lois intervient la prévarication du veau d’or. Ce crime a mis en lumière la facilité avec laquelle les Israélites se laisseront entraîner à des rites idolâtriques. Il devient donc nécessaire de surveiller de près tous les sacrifices, et la surveillance ne sera efficace que si elle s’exerce dans un même lieu par des hommes ayant autorité. « Ils n’offriront plus leurs sacrifices aux velus, » c’est-à-dire aux boucs (Vulgate : aux démons), avec lesquels ils se prostituent. Ce sera pour eux une loi perpétuelle de génération en génération. » Les Israélites avaient contracté en Egypte l’habitude de sacrifier à des sortes de divinités agrestes ; peut-être même quelques-uns avaient-ils tenté de le faire au désert. En tout cas, le culte rendu au veau d’or commandait toutes les précautions. La gêne qui en résulta ne fut pas considérable ; car, au désert, l’accès du Tabernacle était aisé et les Israélites ne devaient pas faire entrer fréquemment dans l’alimentation la chair de leurs animaux. Il faut d’ailleurs observer que « la loi perpétuelle » peut viser beaucoup moins la présentation des animaux devant le Tabernacle que l’abstention totale des sacrifices idolâtriques. — Une autre loi, consignée dans le Deutéronome, xii, 4-11, régla ce qui devait être observé dans le pays de Chanaan, où il n’était plus possible d’amener devant le Tabernacle tous les animaux qu’on immolait. Après avoir détruit tous les sanctuaires idolâtriques, les Israélites offriront leurs sacrifices au lieu que Jéhovah choisira parmi toutes les tribus. Là auront lieu toutes les manifestations du culte. « Vous ne ferez pas, comme nous le faisons maintenant ici, chacun ce que bon lui semble… Dans le lieu que Jéhovah, votre Dieu, choisira pour y faire habiter son nom, là vous présenterez tout ce que je vous commande, vos holocaustes et vos sacrifices. » Deut., xii, 8, 11. En même temps est abrogée la prescription concernant l’immolation des animaux devant le Tabernacle. « Tu pourras, tant que tu le désireras, tuer et manger de la viande dans toutes tes portes, » c’est-à-dire dans toutes les villes et villages, « mais vous ne mangerez pas le sang, tu le répandras à terre,

comme de l’eau. » Deut., xir, 15-16. Le législateur suppose une situation anarchique, au point de vue du culte divin, ce qui donne à penser que, même au désert, la loi du Lévitique n’a pas été observée à la rigueur. Beaucoup ont offert des sacrifices ou immolé des animaux sans se présenter devant le Tabernacle. En Chanaan, il n’en sera plus de même. Sans doute, il ne sera plus requis de se rendre en un même lieu pour tuer le bétail destiné à être mangé, ce qui serait impraticable dans un pays étendu ; mais les sacrifices ne pourront être offerts que dans le lieu choisi par Dieu, c’est-à-dire là où l’Arche résidera. Comme la résidence de l’Arche changera suivant les circonstances, il y aura des sanctuaires multiples, dans lesquels on offrira successivement les sacrifices prescrits. La formule du Deutéronome exclut absolument tous les sacrifices idolâtriques et prescrit l’offrande de sacrifices rituels dans le sanctuaire de l’Arche. Prohibe-t-elle d’autres sacrifices offerts à Jéhovah ailleurs que dans le sanctuaire officiel ? On ne saurait le conclure formellement du texte sacré et Ton croit communément qu’il demeurait légitime de sacrifier sur d’autres autels, surtout avant la construction du Temple. Voir Pentateuque, col. 101 ; cf. de Hummelauer, InDeuteron., Paris, 1901, p. 302. La pratique des Israélites est là pour nous renseigner sur la manière dont ils interprétaient la loi.

II. La pratique des Israélites. — 1° Avant l’érection du Temple. — Sous Josué, un premier autel fut installé à Galgala et l’on y célébra la Pâque. Jos., iv, 10, 11. Puis le Tabernacle fut transporté à Silo. Jos., xviii, 1. Mais ensuite, les tribus de Ruben et de Gad et la demi-tribu de Manassé bâtirent un autel sur les bords du Jourdain. Cet acte fut considéré par les autres Israélites comme une infidélité à l’égard de Jéhovah. Il paraissait, en effet, contraire à la loi du Lévitique. Les tribus transjordaniques se disculpèrent en déclarantqu’elles n’avaient nullement l’intention d’offrir des sacrifices sur cet autel, mais qu’elles entendaient seulement ériger un monument commémoratif de leur communauté d’origine avec les autres tribus. Cette explication satisfit les chefs du peuple. Jos., xxii, 9-29.

— Pendant la période des Juges, des sacrifices sont offerts à Bokim, où l’ange de Jéhovah était apparu, Jud., ii, 5, à Éphra, sur un autel bâti par Gédéon, Jud., vi, 24, 28, à Saraa, par Manué, père de Samson, sur l’invitation d’un ange. Jud., xiii, 16-23. L’Arche ne résidait certainement pas dans ces endroits, mais cependant chacun d’eux était consacré par la visite d’un ange. Pendant la guerre contre les Benjamites, on offrit des sacrifices à Béthel, mais l’Arche s’y trouvait. Jud., xx, 26-28. Quant à la « maison de Dieu » que l’Éphraïmite Michas fit desservir d’abord par son fils, puis par un lévite, et au sanctuaire de Laïs-Dan dont le même lévite devint le prêtre, on ne saurait les regarder comme légitimes, car ils étaient établis contrairement aux prescriptions de la loi et renfermaient une image taillée. L’historien cite cet exemple, qui n’aurait rien en soi de remarquable s’il était en conformité avec la loi, pour montrer comment, à cette époque, « chacun faisait ce qui lui semblait bon. » Jud., xvii, 3-31. — Le culte de Jéhovah avait alors son centre à Silo. Jud., xvii, 31. Le grand-prêtre Héli y présidait, mais ses fils se livraient aux pires désordres à l’entrée même du Tabernacle. I Reg., Il, 13-22. Quand l’Arche eut été prise par les Philistins, le sanctuaire de Silo perdit beaucoup de son importance. Il n’est pas question de sacrifices offerts à Cariathiarim pendant le temps que l’Arche y passa à son refour. I Reg., vii, 1-4. Mais Samuel offrit successivement des sacrifices à Maspha, I Reg., vii, 9, 10, sur le haut-lieu de Ramatha, I Reg., ix, 12, 13, 19, à Galgala, I Reg., xi, 15 ; xiii, 8, 9, à Bethléhem, I Reg., xvi, 2-5, pour un sacrifice de famille. Plus tard, David se rendit dans la même ville