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SADDUCÉENS


Ils prescrivaient de multiples purifications au prêtre qui préparait les cendres de la vache rousse, alors que les Pharisiens en réclamaient beaucoup moins. Cf. Para, m, 7. Quand on transvasait un liquide d’un vase pur dans un vase impur, le liquide devenait impur au sortir du vase pur, d’après les Sadducéens, et seulement au contact du vase impur, d’après les Pharirisiens. Cf. Yadayim, iv, 7. Les Sadducéens différaient encore des Pharisiens sur la manière d’entendre certaines prescriptions liturgiques. Ils voulaient que l’offrande de la gerbe pascale, Lev., xxiii, ii, se fit

. non pas le second jour de la fête, mais le jour d’après le sabbat de l’octave. Cf. Menachoth, x, 3 ; Chagigah, il, 4. Ils prétendaient que le sacrifice quotidien devait êlre offert, non aux frais du trésor, mais à ceux des particuliers ; que l’offrande de farine appartenait aux prêtres et n’avait pas à êlre brûlée sur l’autel ; qu’au jour de l’Expiation, le grand-prêtre devait brûler l’encens avant d’entrer dans le Saint des saints, et non après, etc. Ils avaient aussi leur manière particulière

d’accomplir certaines cérémonies. Cf. Gem. 1er. Yoma, 39, 1 ; Sukka, iv, 9. Voir Libation, t. iv, col. 236. Il y avait encore grand dissentiment entre fes Sadducéens et les Pharisiens sur l’étendue à donner au précepte du sabbat et sur les conditions des festins sacrés. Cf. Erubin, vi, 1, 2. En somme, les Sadducéens faisaient bon marché des traditions pharisaïques ; ils se refusaient à leur reconnaître un caractère obligatoire et parfois, comme à propos du sacrifice quotidien et de l’offrande de farine, prenaient le parti le plus avantageux à leur intérêt. Étant donné l’état de leurs croyances religieuses, il esta croire qu’ils ne voyaient dans l’exercice du culte qu’une série de formalités, auxquelles ils se pliaientpour conserver des situations lucratives, mais qu’ils se gardaient bien de compliquer au gré des docteurs pharisiens. Ils n’entraient dans les vues de ces derniers qu’autant qu’il le fallait pour ne pas trop mécontenter le peuple.

IV. Leur rôle en face de l’Évangile. — À l’époque évangélique, les Sadducéens occupaient une place importante dans la nation juive. Ils comptaient un certain nombre de membres dans le sanhédrin, voir Sanhédrin, et il est à peu près certain que tous ceux qui sont désignés sous le nom de pontifes, de grandsprêtres et de princes des prêtres appartenaient au parti sadducéen. Au point de vue politique, les Sadducéens admettaient le pouvoir établi. Ils étaient donc disposés à faire opposition à quiconque menacerait l’ordre de choses en vigueur. — Quand Jean-Baptiste commence à prêcher, il y a des Pharisiens et des Sadducéens parmi ceux qui l’écoutent. Le précurseur les interpelle durement les uns et les autres en les appelant « race de vipères ». Matth., iii, 7. Il ne parait pas qu’ils soient venus là avec l’intention de se convertir. — La prédication du Sauveur excite également la curiosité des Sadducéens. Un jour, ils s’unissent à des Pharisiens pour lui demander de faire un prodige dans le ciel. Matth., xvi, 1. Le Sauveur les enveloppe les uns et les autres dans la même réprobation, en secommandant à ses disciples de se tenir en garde contre le levain des Pharisiens et des Sadducéens, c’est-à-dire contre leur doctrine. Matth., xvi, 6-12. Saint Marc, viii, 15, parle du levain des Pharisiens et du « levain d’Hérode », ce qui donne à penser que les partisans du prince se recrutaient surtout parmi les’Sadducéens. Voir Hérodiens, t. iii, col. 653. — La principale intervention des Sadducéens est celle qui a lieu dans le Temple, pendant les derniers jours de la vie du Sauveur. Les Pharisiens ont harcelé Notre-Seigneur de questions captieuses. Les Sadducéens veulent entrer en ligne à leur tour. Ils s’imaginent qu’ils seront plus heureux, en proposant une de ces difficultés à laquelle il leur semblait qu’il n’y avait pas de réponse

possible. Pour eux, pas de résurrection ; car, s’il y en avait une, à qui serait unie dans l’autre vie la femme qui a successivement épousé sept frères ici-bas ? Ce cas suppose la loi du lévirat formulée par Moïse. Deut., xxv, 5, 6. Le Sauveur réplique aux Sadducéens qu’  « ils ignorent les Écritures », eux qui se piquent de n’admettre que ce qui est écrit ; il leur parle des anges, à eux qui nient leur existence ; enfin il leur prouve, par un autre texte emprunté à Moïse, qu’Abraham, Isaac et Jacob sont encore vivants, que, par conséquent, les âmes survivent et que, semblables aux anges de Dieu elles n’ont plus à contracter d’unions comme sur la terre. Matth., xxii, 23-33 ; Marc, XH, 18-27 ; Luc, xx, 27-40. Pour une fois qu’ils ont pris la parole afin de défendre leurs idées, les Sadducéens sont réduits au silence. Le peuple admire et les Pharisiens ne sont pas fâchés de l’humiliation infligée à leurs antagonistes. Matth., xxii, 33, 34 ; Marc, xii, 28. Pendant le ministère public du Sauveur, les Sadducéens sont donc intervenus beaucoup moins souvent que les Pharisiens. Cela tient à ce qu’ils étaient en bien plus petit nombre et que de riches personnages comme eux évitaient de se commettre avec les foules à travers les campagnes qu’évangélisait Jésus. Leur amour de la vie confortable les retenaft d’ailleurs à Jérusalem, et c’est là, dans le Temp*le même, qu’ils abordèrent Notre-Seigneur. D’autre part, ils savaient que les Pharisiens faisaient bonne garde autour de lui et que l’écho de leurs griefs ne manquerait pas de retentir au sanhédrin, où serait prise la résolution que réclamait la haine commune. La condamnation et la mort du Sauveur furent l’œuvre des Sadducéens, . au moins autant que celle des Pharisiens ; car ces princes des prêtres qui s’agitèrent avec tant de frénésie pendant la passion étaient pour la plu. part des membres de la secte, ainsi que beaucoup des anciens, et il est à croire que leurs accusations et leurs menaces eurent d’autant plus de poids sur la décision de Pilate qu’eux-mêmes se posaient en amis de l’autorité romaine et, à ce titre, avaient plus de droits que d’autres à être écoutés. — Après la Pentecôte, les Sadducéens, maîtres du Temple, s’indignent de ce que Pierre et Jean annoncent la résurrection des morts en la personne de Jésus, et ils les font jeter en’prison. Le lendemain, Pierre affirme hardiment la résurrection de Jésus-Christ en plein sanhédrin, et les Sadducéens ne réussissent pas à le faire condamner. Act., iv, 2, 10-23. — Quelque temps après, « le grand-prêtre et tous ses adhérents, savoir le parti des Sadducéens, » font encore arrêter les Apôtres. Ils les auraient mis à mort sans le conseil sensé que leur donna Gamaliel. Ils se contentent alors de les faire flageller. Act., v, 17, 34-40. — Une dernière fois, les Sadducéens sont mentionnés à l’occasion de la comparution de saint Paul devant le sanhédrin. Cette assemblée est encore composée d’éléments empruntés aux deux sectes rivales. L’Apôtre exploite habilement la situation pour soulever ses juges les uns contre les autres. Se présentant comme Pharisien, il déclare qu’il est mis en jugement à cause de son espérance en la résurrection des morts. Aussitôt, les deux partis entrent en lutte ; les Pharisiens soutiennent qu’après tout il est possible qu’un esprit ou un ange ait parlé à Paul. Le tribun est alors obligé de dissoudre l’assemblée pour soustraire l’Apôtre à la fureur des Sadducéens. Act., xxii| 6-10. — À la suite de cet incident, il n’est plus question des Sadducéens dans le Nouveau Testament. Du rôle qui leur est attribué dans l’Évangile, il faut conclure que ces sectaires ne connaissaient de la religion que le côté cultnel et extérieur, qu’ils gardaient en vue de l’honneur et du profit qui en résultaient pour eux. Ils n’hésitaient pas à faire mourir quiconque portait atteinte à leur situation, comme ils firent pour Notre-Seigneur et tentèrent de le faire pour les Apôtres.