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RUBIS — RUE


plique aussi bien au grenat syrien qu’au rubis oriental. D’autre part le rubis oriental n’aurait pu être taillé et gravé par les Hébreux pour entrer dans l’ornementation du pectoral. Aussi est-il plus probable que nôfék, av8pa£, carbunculus, escarboucle des anciens, le carbvnculus garamanticus de Pline, est un grenat syrien. Voir t. ii, col. 1907 t. v, col. 426. Les grenats sont des silicates moins difficiles à graver.

Quant au rubis spinelle ou balais, il pourrait être désigné par un nom hébreu, tins, kadkôd, qui se présente deux fois dans les textes. Une première fois, dans Is., liv, 12, où il s’agit de la Jérusalem nouvelle qui doit être splendidement rebâtie. Après avoir montré que les pierres qui formeront les assises de l'édifice nouveau seront des ôtv8poxa, des escarboucles (les Septante ont lu-pj, nôfék, qui se comprend mieux ici que "ps, pûk, antimoine) sur des fondements de saphir, il ajoute :

Je te ferai des créneaux de kadkôd,

Des portes de cristal,

Et toute ton enceinte de pierres précieuses.

DansÉzéchiel, xxvii, 16, le mot seprésentede nouveau, dans la description du commerce de Tyr. « Aram payait tes marchandises avec des escarboucles, de la pourpre, des broderies, du fin liii, du corail et du kadkôd. » L'étymologie ("03, kddad,

— T « briller, scintiller » ) et le contexte n’offrent pas grand secours pour déterminer la nature de cette pierre précieuse. Aussi saint Jérôme, dans son Commentaire sur Ézéchiel (t. xxv, col. 255) à la question « Que signifie chodchod ? » répond : « Jusqu’ici je n’ai pu le découvrir. » J. D. Michaëlis, Supplemenla ad lexica hebraica, in-8°, Gœltingue, 1792, t. ii, col. 1213, après avoir exposé les divers sentiments des critiques, finit par avouer la même impuissance.

Mais ne faudrait-il pas lire "n~a, karkôd, comme le portent plusieurs manuscrits hébreux, et comme lisait Symmaqùe ? Karkôd rappelle Kap~/r)àwv, un carbunculus. On lit dans la traduction arabe du Pseudo-Aristole, « le kerkend ressemble à l’yaqout rouge, mais il ne soutient pas comme lui l’action du feu. » Clément Mullet, Essai sur la minéralogie arabe, in-8°, Paris, 1868, p. 54. Or le kerkend rappelle le nom spécifique du carbunculus carchedonius, et le karkôd hébreu. Cette pierre qui ressemble au yaqout rouge ou rubis oriental, mais est moins résistante à l’action du feu, serait le rubis tendre dont parle Chardin. Voyage en Perse, in-8°, Amsterdam, t. iv, p. 70, c’est-à-dire le rubis spinelle ou le rubis balais. Le rubis spinelle, qui se prête très bien à la taille et à la gravure, qui est d’un rouge vif, pourrait donc bien être désigné par le karkôd hébreu : ce serait le rubis des anciens dont on peut voir la reproduction, fig. 83 B, vis-à-vis col. 424.

On a voulu quelquefois voir le rubis dans la pierre 'éqdâh qui n’apparaît que dans Is., uv, 12. La racine mp, qadal), « scintiller », et le contexte paraissent indiquer une pierre brillante, mais dont rien ne permet de déterminer l’espèce. Plusieurs exégètes pensent que la vraie leçon devait être mp, qêrah, « cristal ». La Jérusalem nouvelle aurait donc des portes de cristal. Voir Cristal, t. ii, col. 1119. Mais les Septante ont traduit le mot hébreu par ixXExtrfuc ; ils ont donc lu mpt, yeqârâh, au lien de mpN, 'éqdâh. La locution 'ébén yeqârâh pour désigner les pierres précieuses en

268. — Rubis spinelle (aluminate de magnésie).

général est connue dans les textes bibliques. Cf. III Reg., x, 2, 10, 11, etc. L’expression le-ébén yeqârâh, « en pierre précieuse », ferait le pendant des mots du membre parallèle, le-abnê héfés, « en pierres de choix ».

E. Levesque.

1. RUE (grec : ir^yavov ; Vulgate : ruta), plante herbacée très a mère.

I. Description. — Herbe vivace, sous-ligneuse à la base, à feuilles glauques, décomposées en segments oblongs, les terminaux un peu plus larges, obovales. Fleurs régulières, 4 ou 5 mères, diplostémones. Comme dans toutes les plantes de la même famille, les divers parenchymes sont creusés de poches secrétrices dont ï'oléorésine, d’une odeur très forte, mais peu agréable, fournit un puissant emménagogue, d’ailleurs rarement employé. Le Ruta graveolens (fig. 269) est spontané dans les lieux arides de la région méditerranéenne,

269. — Ruta graveolens.

ce qui relève encore l’importance de sa culture dans les jardins de Palestine. On trouve, en outre, aux mêmes endroits deux autres espèces très voisines, le Ruta montana, à divisions foliaires plus étroites, et le Ruta bracteosa dont les bractées sont plus larges, ordinairement ovales-cordiformes. F. Hy.

II. Exégèse. — Le nriyavov, qui désigne certainement la rue, Theophraste, Hist. plant., i, 3, 4 ; Dioscoride, m, 45, ne se rencontre qu’une seule fois dans la Sainte Écriture. Luc, xi, 42. « Malheur à vous, pharisiens, qui payez la dime de la menthe, de la rue, et de toutes les herbes potagères, et qui n’avez nul souci de la justice et de l’amour de Dieu. » La loi ne faisait point rentrer les plantes énumérées dans ce texte parmi les revenus du sol sujets à la dîme, comme le viii, l’huile, le blé. Lev., xxvii, 30 ; Num., xviii, 21 ; Deut., xiv, 22. Mais les rabbins avaient étendu cette obligation à tous les légumes d’après cette règle générale de la Mischna, Maaseroth, i, 1 ; Surenhusius, Mischna, t. i, p. 245. « Tout ce qui est comestible et se conserve pour être mangé, et ce que produit la terre est soumis à la dîme. » Cependant exception est faite expressément pour la rue dans le traité Schebiilh, ix, 1, Surenhusius, i&td., p. 188 ; la raison qu’on en donne est que cette plante « n’a pas coutume^ d'être conservée pour la nourriture. » Là rue se trouve, en effet, à l'état spontané dans la Palestine. Cependant on en cultivait, et on en cultive encore, en Syrie, une espèce, et à ce titre plus d’un pharisien devait la comprendre parmi les herbes potagères sujettes