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ROUGE (MER)


examinons d’abord le récit biblique, qui fixe les principaux points de l’itinéraire. « Lorsque Pharaon eut laissé partir le peuple [d’Israël], Dieu ne le conduisit pas par la route du pays des Philistins, qui est la plus courte ; car Dieu pensait que le peuple pourrait se repentir en voyant la guerre, et retourner en Egypte. Dieu fit donc tourner le peuple par le chemin du désert, vers la mer Rouge, et les enfants d’Israël en armes montèrent de la terre d’Egypte. » Exod, xiii, 17, 18. « Étant partis de Sukkôt, ils campèrent à’Êfâm, à l’extrémité du désert. » Exod., xiii, 20. « Alors le Seigneur dit à Moïse : Parle aux fils d’Israël, afin qu’ils retournent et qu’ils campent devant Pîhahirât, entre Migdôl et la mer, vis-à-vis de Ba’al $efôn ; c’est vis-àvis de ce lieu que vous camperez sur la mer. Et Pharaon dira des enfanta d’Israél : Ils sont égarés dans le pays, le désert les enferme. » Exod., xiv, 1-3. Pharaon fit atteler son char et prit ses troupes 3vec lui ; et il prit six cents chars d’élite et tous les chars d’Egypte, avec les chefs de toute l’armée. » Exod., xiv, 7. « Les Égyptiens poursuivant donc [les Israélites], les atteignirent comme ils étaient campés sur le bord de la mer, toute la cavalerie et les chars de l’armée de Pharaon, devant Pihalfirôt, vis-à-vis de Ba’al IjSefôn. À l’approche de Pharaon, les enfants d’Israël, levant les yeux et voyant les Égyptiens qui marchaient à leur poursuite, furent saisis d’une grande crainte et ils crièrent vers le Seigneur. » Exod., xiv, 9-10. Le Seigneur dit à Moïse : « Pourquoi cries-tu vers moi ? Dis aux enfants d’Israël de se mettre en route. Et tei, élève ta verge et étends ta main sur la mer, et divise-la, afin que les fils d’Israël marchent à sec au milieu de la mer. » Exod., xiv, 1516. « Moïse ayant étendu sa main sur la mer, le Seigneur refoula la mer par un vent d’est violent pendant toute la nuit, et il mit la mer à sec, et les eaux se divisèrent. Et les enfants d’Israël marchèrent à sec au milieu de la mer, les eaux formant un mur à droite et à gauche. » Exod., xiv, 21-22. L’armée égyptienne, en les poursuivant, fut engloutie dans les flots, qui reprirent leur cours sur un signe de Moïse. Exod., xiv, 23-28.

2° Topographie. — Ce récit et les hypothèses auxquelles il a donné naissance demandent une description au moins générale du théâtre des événements, c’est-à-dire de l’isthme de Suez. Voir carte, fig. 262. Cet isthme a une largeur totale de cent treize kilomètres. En partant de l’extrémité méridionale du lac Menzaléh et en allant vers le sud, on traverse une série (te dunes de sable dont le point culminant est el-Qantara ou « le pont », ainsi appelé parce qu’il sert de lieu de passage entre l’Egypte et le désert qui la borde au nord-est. Après les dunes, on rencontre le lac Balah, puis un pli de terrain, nommé el-Gisr, qui, avec ses vingt mètres au-dessus du niveau de la mer, est l’endroit le plus élevé de l’isthme. II forme uu seuil qui, sans le travail de l’homme, aurait toujours empêché toute communication entre la Méditerranée et les lacs inférieurs. Au delà est le lac Timsah, puis viennent deux nouveaux plis de terrain, le seuil de Tussûm et celui du Sérapéum. À dix kilomètres plus au sud, sont les lacs Amers, formés d’un grand et d’un petit bassin, qui se dirigent du nord-ouest au sud-est, et dont la longueur totale est de quarante kilomètres environ, la plus grande largeur de dix à douze, et la plus grande profondeur de quinze mètres à peu près au-dessous du niveau de la mer. Avant le percement de l’isthme, ils étaient à sec depuis des siècles ; des bancs de sel en formaient le fond. Ils sont séparés de la mer Rouge par le seuil de èalûf, dont la hauteur est de près de sept mètres au-dessus du niveau de la mer. À partir de là, le terrain descend insensiblement jusqu’à l’extrémité de l’isthme ; c’est une plaine sablonneuse, d’environ vingt kilomètres, et élevée d’un peu plus d’un mètre, en moyenne, qui va se perdre dans la mer Rouge. Elle est limitée

à l’est par une suite de petites collines qui s’élèvent dans le désert, à l’ouest par une ondulation de terrain qui forme le dernier contre-fort du Djebel Geneffèh. A l’extrémité méridionale de la plaine est bâtie la ville de Suez. Cf. F. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 6e édit., t. ii, p. 385-389.

C’est donc par cette ligne que les Hébreux devaient nécessairement passer pour quitter l’Egypte. Le récit sacré nous dit que la route la plus naturelle et la plus courte était celle qui allait au pays des Philistins, c’est-à-dire au nord-est, vers Gaza. Mais sur ce chemin, les Israélites devaient rencontrer des postes égyptiens et tomber entre les mains de peuples alliés du pharaon. Dieu ne voulut pas les exposer à une lutte qui les aurait facilement découragés. Quelle voie donc suivirent-ils ? Le problème est d’autant plus difficile qu’il ne se compose presque que d’inconnues. Le point de (Répart est incertain, et la plupart des noms de lieu indiqués par la Bible ne sont pas identifiés. Nous savons que les Hébreux partirent de Ramsès. Exod., xif, 37. Mais où se trouvait cette ville ? Plusieurs égyptologues l’identifient avec Tanis (hébreu ; Sô’ân ; égyptien : Than ; aujourd’hui : San), dont les ruines sont situées à environ 30 kilomètres de Faqûs, et qui fut une des résidences des pharaons. Il est certain que cette ville fut restaurée par Ramsès et qu’elle porte son nom dans les documents égyptiens. Mais cette raison ne suffit pas pour établir que la Ramessès biblique est la même cité que Tanis. Ramsès II, en effet, fonda une ville nouvelle, ou du moins une résidence royale de ce nom, et la Bible, qui connaît Tanis sous sa propre dénomination ; a dû réserver pour un autre endroit le nom de Ramsès. Le Pentateiique d’ailleurs prouve clairement la distinction des deux. Ramessès était dans la terre de Gessen, à laquelle elle donnait son nom. Or, Tanis n’était pas dans la terre de Gessen, comme il résulte de l’histoire de Joseph, quittant la cour du pharaon pour aller voir son père fixé dans le pays de Gessen, cf. Gen., xlvi, 28, 31 ; xlvii, 1, 7, 10-11, et de l’histoire des dix plaies, puisque la terre de Gessen fut exempte des fléaux qui frappèrent la résidence du roi. Cf. Exod., viii, 22 ; fx, 26. Ajoutons que, pour aller de Tanis au désert, il fallait franchir la branche pélusiaque du Nil, ce qui n’est mentionné nulle part. Les uns placent Ramessès près de Phithom, non loin du canal d’eau douce qui traverse Vouadi Tumilat. Cf. Vigouroux, La Bible et les déc. modernes, t. ii, p. 368. D’autres la chercheraient plus volontiers à es-Salihiyéh, point de jonction des deux routes d’Asie, l’un passant par el-Qantara, l’autre allant droit à lsmailiya. Cf. Lagrange, L’itinéraire des Israélites, dans la Revue biblique, 1900, p. 73. Voir Ramessès, col. 954.

Sukkôf ou Soccoth est un nom de forme hébraïque, qui signifie a les tentes » ; mais il correspond exactement à l’égyptien Thkut ou Thukut (th remplaçant le samech hébreu). Il désigne ici une région plutôt qu’une ville proprement dite, car une multitude comme celle des Hébreux ne pouvait s’arrêter dans une ville, en supposant même que les portes s’en fussent ouvertes devant elle. Or les monuments égyptiens nous montrent cette terre de Thukut près de Pitum ou Phithom, qui semble bien avoir avoir été retrouvé à Tell el-Maskhuta, dans Vouadi Tumilat, entre Tell el-Kébir et lsmailiya. La première station des Israélites dut donc être dans les environs, vers l’ouest ou le nord-ouest du lac lïmsa/i.’Voir Phithom, col. 321.’Êfâm ou Étham est à la fois le nom de la deuxième station et celui du désert que les Hébreux parcoururent après le passage de la mer Rouge. Num., xxxiii, 8. On l’a rapproche de l’égyptien Khatem, « muraille », ce qui nous ramènerait à la ligne de fortifications élevée par les pharaons contre les Arabes nomades à la frontière du désert. Si ce point n’est pas déterminé, il