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ROIS (IIP ET IV LIVRES LES)
« des insertions provenant de narrations parallèles » 

(par exemple, IV Reg., xix. 10-20, 32, 34 ; xx, 1-6, 1219, etc.). On admirerait une telle perspicacité, si elle n’inspirait dès l’abord une vive défiance. Qui ne voit, en effet, combien elle fait redouter l’arbitraire, surtout lorsqu’on la sait animée d’un esprit préconçu ?

c) Dans les deux derniers livres des Rois, comme dans les deux premiers, M. Cornill reconnaît la main du jéhoviste et celle de l’élohiste, actives en divers sens. C’est le jéhoviste qui raconte la fin du règne de David. III Reg., i-ii. D’ailleurs, les néo-critiques sont à peu près d’accord pour rattacher ces deux chapitres au second livre de Samuel, dont, suivant eux, ils auraient fait primitivement partie. Dans III Reg., m-xi, passage où est exposée la vie de Salomon, M. Cornill aperçoit trois couches distinctes : 1° une série de récits ou de notes qui ont pour but manifeste d’exalter le roi, entre autres, iv, 2-19 ; v, 7-8, 16, 20, 21-25, 27-28, 31-32 ; vi, 37-38, etc. ; 2° des enjolivements encore plus légendaires, pour mettre en relief sa sagesse et ses richesses, par exemple, v, 2, 3, 6, 9-15, etc. ; 3° « une couche deutéronomique, qui tantôt demeure indépendante, tantôt se borne à remanier, » par exemple, iii, 1-15 ; v, 17-19 ; viii, 15-53, etc. Dans la suite du récit, à partir de III Reg., xii, M. Cornill consent à trouver une œuvre généralement pleine d’unité, « de telle sorte que, pour le livre des Rois plus que pour aucun autre livre historique (de la Bible), il est permis de parler d’un auteur. » L’élohiste a eu sa grande part dans la composition des chap. xii, xiv, xv et xvi ; mais le jéhoviste a fourni les passages xiv, 25-28 ; xv, 16-20 ; xvi, 34. Le chap. xill est une légende de prophètes « . d’un genre tout à fait grotesque ; » c’est un produit très récent. La partie fondamentale du livre des Meldkim se trouve dans le groupe III Reg., xvii-IV Reg., x. « Elle contient les morceaux les meilleurs et les plus satisfaisants des récits historiques de l’Ancien Testament ; » mais îanl evi séparer 1 Heg., i, 2 b -12, où nous n’avons qu’une légende sans portée. M. Comili est en outre partisan, comme la plupart des néo-critiques contemporains, de deux rédactions « deutéronomiques », dont l’une date environ de l’an 600 avant J.-C, tandis que l’autre est un peu plus récente (la moitié ou la fin de l’exil) ; mais il croit que, jusqu’au m » siècle avant notre" ère, on a opéré des remaniements dans les deux livres. Bien entendu, nos critiques savent distinguer ce qui appartient à chacun des deux rédacteurs, et ce qui est simple remaniement ; ainsi, « il faut attribuer le synchronisme (des rois) au second rédacteur ; les dates des règnes ont été insérées par le premier. » Benzinger, Die Bûcher der Kônige, p. xvin.

2° Fausseté de ces théories. — a) L’auteur des deux derniers livres des Rois affirme lui-même, nous l’avons vu, qu’il s’est servi de plusieurs documents contemporains des événements qu’il raconte, et il est certain qu’il a dû leur faire en certains endroits des emprunts considérables. Mais, entre son mode de composition et celui que lui attribuent les critiques rationalistes, il y a une énorme différence. Ce n’est point « d’une manière mécanique », et pour ainsi dire fortuite, qu’il a groupé ses matériaux ; il les coordonne et les dispose toujours d’une façon suivie, régulière, conforme au plan qu’il s’était tracé d’avance. Il a ainsi produit, non pas une « mosaïque », mais une œuvre qui ne manque pas d’unité. Cette unité se manifeste soit par la marche du récit, toujours uniforme et semblable à elle-même, et, en particulier, par le cadre extérieur dans lequel ont été insérés les faits de chaque règne ; soit par le but et le point de vue spécial de l’auteur, qui sont identiques depuis le commencement jusqu’à la fin ; soit par le style, car les locutions propres à l’historien sacré reviennent aussi partout. — 6) Ce que nous avons dit plus haut de l’arbitraire, des preuves purement sub jectives, des contradictions perpétuelles des néo-critiques à propos des livrés de Samuel, on peut le dire également de leurs théories relatives aux Meldkim. Leur genre de critique littéraire est aisé, et qui ne se chargerait de l’appliquer avec aussi peu de sérieux et de solidité, aux œuvres de Racine et de Bossuet, ou même à des ouvrages beaucoup plus récents ?

3° Réfutation de quelques objections particulières.

— a) Évidemment, le rationalisme contemporain ne pouvait manquer de signaler, à l’appui de ses négations, la part très notable qui a été faite à l’élément surnaturel dans nos deux livres, surtout dans l’histoire d’Élie et d’Elisée. « Un trait caractéristique des livres des Rois, ce sont les histoires des prophètes, les nombreuses légendes relatives aux représentants de la théocratie, dont la plupart ont été mêlés aux événements… Il n’y a presque pas de chapitre où ils n’occupent le premier rang. Quand l’occasion se présente de le3 introduire, de les faire parler et agir, la narration s’arrête aux détails, devient pittoresque, anecdotique, prolixe même, de sommaire et décolorée qu’elle est ailleurs. » Encyclopédie des sciences religieuses de Lichtenberger, t. XI, p. 258-259. — Nous n’avons pas à redire ici que la présence de l’élément surnaturel, des miracles, des prophéties, ne démontre absolument rien au sujet de l’époque où a été composé tel ou tel récit, et il a été remarqué plus haut qu’il entrait précisément dans le plan de l’auteur d’insister sur tout ce qui, dans l’histoire des rois d’Israël, offrait un caractère théocratiqu plus palpable.

6) On prétend que l’intérêt pour la loi de Moïse, si vivant dans les deux derniers livres des Rois, « n’existait pas dans l’ancien Israël, » et qu’il est « tout à fait étranger aux mémoires plus anciens qui ont été incorporés dans ces livres, » de sorte que, partout où il fait son apparition, on peut être sûr qu’il s’est glissé tardivement une main « deutéronomique ». — Mais c’est là une assertion toute gratuite, dont il est impossible de démontrer la vérité, car elle repose sur une base entièrement fausse, la fabrication du Deutéronomeâ l’époque du roi Josias. Quant à l’intérêt, d’ailleurs très réel, que l’auteur des Meldkim manifeste pour la loi mosaïque, nous avons montré qu’il fait également partie de son but et de son plan.

c) Comme pour les livres de Samuel, on objecte contre l’unité de rédaction, mais plus timidement, les « doublets » ou répétitions, et même les contradictions proprement dites qu’on rencontrerait parfois dans l’histoire des rois de Juda et d’Israël. — Il existe, en effet, quelques répétitions. Cf. IV Reg., viii, 28, et ix, 14, 16 ; xill, 12-13, et xiv, 15-16. Elles s’expliquent par les habitudes et par la manière de parler des Orienr taux ; elles ne nuisent pas à l’unité de composition, et ne supposent point des rédacteurs venus l’un après l’autre. Comme exemples Je contradictions, on allègue, d’une part, III Reg., IX, 22, et xi, 28 ; de l’autre, III Reg., xxi, 19, et xxii, 38. Dans les deux premiers passages, après avoir dit que Salomon « ne voulait pas qu’un des fils d’Israël fût esclave, » l’écrivain sacré parle d’un chef chargé de diriger « les travaux des esclaves. « Mais, si l’on se reporte à l’hébreu, on voit que par « travaux des esclaves » il faut simplement entendre des corvées pénibles, et point une servitude proprement dite. En comparant les deux autres textes, on constate que c’est à Samarie que les chiens léchèrent le sang d’Achab, et non dans la vigne de Naboth, comme Élie l’avait prédit. Toutefois, le récit ajoute en termes formels, III Reg., xxi, 27-29, que le Seigneur consentit à adoucir la sentence d’Achab, à cause de son repentir, et que la menace divine fut exécutée à la lettre dans la personne de Joram, fils d’Achab, conformément à la modification qu’elle avait subie. Cf. JV Reg., ix, 24-26. — Pour ces difficultés de divers genres, voir F.Keil, £e/ir-