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RICHESSE — RICIN


salut qui leur ont tout d’abord été présentés, les Àpôlres leur ont dit : « Puisque vous la repoussez et que vousmêmes vous vous jugez indignes de la vie éternelle, voici que nous nous tournons vers les gentils. » Act., xiii, 46. Saint Paul ajoute cependant que l’adoption de la foi par les Juifs, loin de diminuer la richesse spirituelle des gentils, ne pourra que l’accroître. Rom., xi,

12, 15.

H. Lesêtre.
    1. RICIN##

RICIN (hébreu : qîqâyôn ; dans les Septante : xoXox15v8ï) ; dans la Vulgate : hedera), plante au large feuillage et à la croissance rapide.

I. Description. — Le Ricinus communia (fig. 235) est un grand arbrisseau de la famille des Euphorbiacées, spontané dans la région tropicale et souvent cultivé comme ornement dans les jardins de la zone tempérée, où sa tige demeure herbacée et annuelle. Ses larges feuilles alternes ont leur limbe découpé en lobes palmés et dentés sur le pourtour ; les stipules sont

235. — Le ricin.

connées en une seule lame embrassant la tige. Vers le sommet une vaste inilorescence oppositifoliée porte de nombreuses fleurs monoïques, dont les mâles, qui occupent la base, ont 3 à 5 sépales membraneux et valvaires entourant plusieurs faisceaux d'étamines rameuses. Dans les fleurs femelles le périanthe est caduc, en forme de spathe à déchirure latérale, avec au centre un ovaire triloculaire, surmonté de styles courts et triades. Le fruit mûr est une capsule lisse ou plus souvent hérissée de pointes, s’ouvrant en trois coques bivalves. Les graines solitaires sont volumineuses, ovales, comprimées du côté interne, terminées par un appendice blanchâtre ou caroncule, revêtues d’un testajragile, luisant et marbré de brun. Embryon très grand, à cotylédons larges et plats, au centre d’un albumen oléagineux, dont on extrait une huile servant en médecine ainsi qu'à divers usages industriels. F. Hy.

II. Exégèse. — Lorsque Jonas sortit de la ville de Ninive après sa prédication, il se retira sous une hutte de branchages pour attendre le résultat de ses menaces. Dieu, dit le texte biblique, Jon., iv, 6-10, fit pousser un qîqâyôn qui, s'élevant au-dessus de l’abri de Jonas, lui procura de l’ombrage. Pendant qu’il jouissait de cette ombre bienfaisante, un ver piqua le qîqâyôn qui se dessécha, si bien que le soleil darda ses rayons brûlants sur la tête du prophète qui défaillit. Pour expri mer la croissance rapide de ce qîqâyôn, H est dit au ꝟ. 10, que, venu en une nuit, il a péri dans une autre nuit.

Les Septante ont traduit qîqâyôn par xoXoxvvD.*, . J. D.Michælis, Supplément, ad Lexica hebraîca, in-8°, Gœttingué, 1787, t. ii, p. 2186, se demande si leur traduction n’est pas due à une méprise entre deux noms de son assez approchant, comme est le mot ^jj^-j

khanvafr, « ricin », avec le mot, J>, karah, « courge ».

Cependant ils pouvaient être amenés à donner la préférence au Cucurbila Lagenaria par ce qu’ils savaient de cette plante et de son usage. On sait que la courge croît très rapidement dans les pays chauds, et qu’elle est utilisée pour couvrir les murs des maisons et les abris de verdure, où elle s’attache comme la vigne vierge et forme ainsi, par ses replis et ses larges feuilles, une protection contre la chaleur. Le Cucurbita Lagenaria leur semblait donc répondre aux conditions du qîqâyôn, marquées dans le texte sacré. L’ancienne Italique avait suivi les Septante. Dans les peintures symboliques des catacombes empruntées à l’histoire de Jonas, c’est toujours cette plante qui est représentée. Voir t. ii, col. 1081-1082. Cette opinion a encore ses partisans comme H. B. Tristram. The natural History of the Bible, in-12, Londres, 1889, p. 449 ; G. E. Post, article Gourd, dans Hasting’s Dictionary of the Bible, t. i', p. 250, etc.

Saint Jérôme ne crut pas devoir conserver la traduction de l’ancienne Italique calquée sur les Septante. « Pro cucurbita, dit-il dans son commentaire sur Jonas, IV, 6, t. xxv, col. 1148, sive hedera, in Hébrao legimus ciceion, qu* etiam lingua Syra et Puniça ciceia dicitur. » La description qu’il fait ensuite de cette plante désigne bien le ricin. Mais ne trouvant pas de nom latin usité pour exprimer cette plante (Pline est le seul auteur ancien à avoir employé le mot ricinus), il préféra mettre un nom connu de tous, différent de cucurbita, et adopta hedera, le lierre, à la suite d’Aquila, de Symmaque et de Théodotion qui rendaient qîqâyôn par

  • .laoo. Il savait donc que cette dernière traduction ne

sejustifiaitd’aucune façon. Elle fut l’occasion de troubles dans l'Église d’Oéa en Afrique ; elle attira au savant exégète les reproches de Rufin qu’il releva vertement. Saint Augustin lui-même, Epist. lxxi, 5, t. xxxiii, col. 252-243, crut devoir se plaindre de cette substitution qui ne lui paraissait pas justifiée. Saint Jérôme, Epist. exir, t. xxii, col. 931, se contenta de répondre en accusantde mensonge les Juifs, qui avaient prétendu à saint Augustin que le grec et le latin étaient conformes au texte hébreu. Cependant Niebuhr, dans sa Description de l’Arabie, in-4°, Paris, 1779, t. i, p. 209, observe qu'à Mossoul où croissent la courge, El Kerra, et le ricin, El Kherwa, les Juifs lui avaient assuré que le prophète avait voulu parler de la courge. C’est encore cette plante qu’on emploie en Orient, comme la vigne vierge, pour former des tonnelles ombragées.

S’il est donc des raisons en faveur de la courge, il en est d’autres, surtout d’ordre philologique, qui militent pour le ricin. Eu Grèce, dit Hérodote, ii, 94, cette plante (xpoTcuv) croit spontanément et sans culture ; mais les Égyptiens la soignent ; ils la sèment sur les bords des rivières et des canaux et lui font produire en grande abondance des fruits d’une odeur très forte, qu’ils pressent ensuite et dont ils extraient une huile bien connue qui a des propriétés médicinales, et qui brûle avec autant d'éclat et de facilité que l’huile d’olive. Les Égyptiens appellent la plante silicyprion et l’huile kiki. Dioscoride, iv, 161, parlant du xpôrav, « ricin », l’identifie aussi avec le x£xt égyptien. Les Égyptiens, dit Diodore de Sicile, i, 34, pour entretenir leurs lampes se servent de l’huile d’une plante qu’ils appellent *ixi. Pline, H. N., xv, 7, et Strabon, xvii, tien-