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PENTATEUQUE

pour les disciples de Wellhausen, postérieur à la promulgation du code par Esdras en 444, et aurait été terminé à la fin du Ve siècle. D’autres critiques, nous l’avons dit déjà, pensent que le code d’Esdras était le Pentateuque actuel (hormis quelques additions postérieures), formé par son école et sous sa direction en vue d’harmoniser tous les documents législatifs d’Israël et de constituer un code complet et unique. La dernière rédaction du Pentateuque aurait donc été exécutée en Babylonie, peu avant le retour à Jérusalem et en vue de la restauration prochaine.

En outre des ouvrages cités, voir Reuss, L’histoire sainte et la loi, Paris, 1879, t. iii, de La Bible ; Driver, Einleitung in die Literatur des alten Testuments, trad. Rothstein, Berlin, 1896, p. 1-170 ; Cornill, Einleitung in das A. T., 3 a et 4e édit., Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 16-79 ; A. Westphal, Les sources du Pentateuque, 2 in-8°, Paris, 1888, 1892 ; ' Holzinger, Einleitung in das Hexateuch, 2 in-8°, Fribourg-enBrisgau, 1893 ; Wildeboer, Die Literatur des A. T., Gœttingue, 1895 ; 2e édit., 1905, passim ; Addis, The documents of the Hexateuch, 2 in-8°, Londres, 1892, 1893 ; Briggs, The higher criticism of the Hexateuch, 2e édit., New-York, 1897 ; Steuernagel, Allgemeine Einleitung in den Hexateuch, Gœttingue, 1900 ; Carpenter et Harford-Battersly, The Hexateuch, 2 vol., Londres, 1900 ; Carpenter, The Composition of the Hexateuch, Londres, 1902 ; Gautier, Introduction à l’A. T., Lausanne, 1906, 1. 1, p. 53-253 ; Strack, Einleitung in das A. T., 6e édit, Munich, 1906, p. 15-67. Cf. E. Mangenot, L’authenticité mosaïque du Pentateuque, Paris, 1907, p. 16-201.

Réponse aux principales objections critiques. — Il est impossible et inutile de discuter ici en détail toutes les difficultés que les critiques modernes ont accumulées contre l’authenticité mosaïque du Pentateuque. Plusieurs, du reste, ont déjà été ou seront résolues dans des articles spéciaux de ce Dictionnaire, auxquels nous renverrons. Après avoir dit un mot de la méthode et des conclusions des critiques, nous examinerons les principaux arguments généraux ou particuliers contre l’origine mosaïque du Pentateuque.

1. Méthode suivie et incertitude des conclusions. — Les critiques modernes ne tiennent aucun compte de la tradition juive et chrétienne, qui attribue à Moïse la composition des cinq livres de Pentateuque, quoique la tradition et l’histoire ne puissent sur ce point être négligées. C’est au livre lui-même et à son contenu seul qu’ils demandent l’explication de son origine. Ils analysent minutieusement le texte, relèvent et exagèrent les inconséquences, les contradictions apparentes et les répétitions pour conclure à la diversité des sources. La méthode suivie est juste en principe, et rien ne s’oppose à la distinction de documents différents que Moïse aurait réunis et combinés pour rédiger l’histoire antérieure à son temps, contenue dans le livre de la Genèse. Mais les critiques étendent la distinction des sources à l’Hexateuque entier et prétendent que ces livres dans leur état actuel sont formés de documents postérieurs de beaucoup à Moïse. Ils s’appuient sur les anomalies du texte actuel, anomalies la plupart du temps insignifiantes, qui disparaissent à la simple lecture du texte et qui ne peuvent être des signes certains de documents distincts. Aussi, d’accord pour nier l’origine mosaïque du Pentateuque, ils ne peuvent s’entendre, l’histoire de leurs travaux en fait foi, sur la distinction des sources elles-mêmes, sur leurs caractères et la date de leur apparition. Les solutions les plus divergentes ont vu le jour et se sont succédé rapidement. Chacun abondait dans son sens et proposait avec assurance une explication nouvelle, qu’un autre déclarait bientôt inacceptable et insuffisante. Les disciples d’une même école sont assurément d’accord sur quelques résultats qu’ils croient acquis ; leur consensus est très restreint et ils se séparent les uns des autres sur un plus grand nombre de points particuliers, parce que leurs principes de critique sont arbitraires et leurs appréciations subjectives. La nouvelle théorie documentaire, malgré la fière assurance avec laquelle on l’affirme démontrée, n’a pas rallié tous les suffrages, et des esprits indépendants, même en dehors du catholicisme et dans la catégorie des hébraïsants, en sont les adversaires résolus. J. Halévy, L’histoire des origines d’après la Genèse, dans les Recherches bibliques, Paris, 1895 et suiv., t. i et ii ; Green, The higher Criticism of the Pentateuch, 1895 ; Rupprecht, Die Kritik nach ihren Recht und Unrecht, 1897 ; B. Jacob, Der Pentateuch. Exegetisch-kritische Forschungen, Leipzig, 1905 ; Oit, The problem of the Old Testament, Londres, 1906.

Sur la part qui revient dans le texte actuel à chaque document, sur la date des diverses sources et sur le travail des rédacteurs, il y a presque autant de sentiments que de critiques. On a renoncé à distinguer l'élohiste du jévohiste dans une partie des récits des Nombres ; leur part d’attribution est moins nettement délimitée que les indications données plus haut le laissent supposer ; nous avons dû nous borner aux conclusions principales. La continuité des documents n’est pas non plus démontrée ; il reste des lacunes, des trous qui ne sont pas comblés. Les critiques reconnaissent n'être d’accord qu’en gros et pour l’ensemble ; mais les divergences sont plus notables qu’on le dit ; les tables d’Holzinger, auxquelles on en appelle, en font foi. Sur l'âge des documents, les manières de voir sont très divergentes. Sans doute, les critiques placeront tous D après E, mais ce sera le seul point où l’accord sera parfait. Su* l’autorité de E et de J, sur celle de D et de P, les avis demeurent partagés. Cf. W. de Baudissin, Einleitung in die Bücher des A. T., Leipzig, 1901, p. 72-77, cité par M. Vigouroux, Manuel biblique, 12e édit., Paris, 1906, t. i, p. 440-444. Les parties dites rédactionnelles sont plus discutées encore. À peine s’entend-on à les discerner ; mais on ne sait le plus souvent à qui les attribuer. Stàhelin et Kitlel ont supprimé le premier stade de rédaction de l’Hexateuque et ont attribué au rédacteur deutéronomiste, R d, la réunion simultanée de J, de E et de D. A. Dillmann a proposé trois autres stades de rédaction du Pentateuque : a) union de Pg avec E et J ; b) union de PgEJ avec D ; c) union de PgEJD avec P h. Toutes ces divergences, que les critiques cherchent à atténuer, prouvent à l'évidence que les conclusions ne sont pas certaines et que la théorie documentaire n’est qu’une hypothèse, très savamment échafaudée, incapable cependant d’infirmer et de remplacer la tradition constante des Juifs et des chrétiens en faveur de l’authenticité mosaïque du Pentateuque.

2. Les arguments généraux contre l’antiquité et l’unité du Pentateuque ne prouvent pas la non-authenticité mosaïque de ce livre. — a) Il n’est plus nécessaire aujourd’hui de démontrer contre les anciens critiques, l’existence de l'écriture à l'époque de Moïse, ni même la connaissance que les Hébreux en avaient et l’usage qu’ils en faisaient à l'époque de leur sortie d’Égypte. Voir t. ii, col. 1574-1575. — Mais, en dehors du Deutéronome, dans lequel le discours direct, placé dans la bouche de Moïse, est un simple procédé littéraire, le Pentateuque, dit-on, ne se présente pas comme l'œuvre de Moïse ; le style y est impersonnel, et il y est parlé de lui comme du héros de l’histoire d’une façon objective. Exod., vi, 26, 27 ; xi, 3 ; Num., xv, 22, 23 ; Deut., xxxiii, 4. Son éloge, Num., xii, 3, provient d’une plume étrangère ; il est fait en des termes qui ne peuvent convenir à une autobiographie. On répond que Moïse, écrivant des Annales plutôt que ses Mémoires, aurait fort bien