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REDEMPTION

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Cont. Cels., 1, 55, t. xi, col. 761. Les paroles : « La plaie le frappait à cause des péchés de mon peuple » excluent absolument cette interprélation. Celui qui souffre est une personne très distincte, et, s’il souffre, -ce n’est pas pour des péchés personnels dont le prophète ne fait aucune mention, c’est pour les péchés des autres. Cette idée, d’ailleurs, n’est pas formulée comme en passant ; elle constitue le fond même de l’oracle d’Isaïe qui ne la répète pas moins de dix fois dans ces quelques versets. Le serviteur de Jéhovah, c’est le Messie, le Rédempteur. Cf. Condamin, Le livre d’haïe, Paris, 1905, p. 328-344. Toutefois les Juifs n’ont pas compris la prophétie concernant le Messie souffrant. L’idée d’une rédemption par la mort du Messie n’apparaît chez eux qu’exceptionnellement, et encore postérieurement à la prédication évangélique. Voir JésdsChrist, t. iii, col. 1438. Pour eux, la rédemption devait -être seulement une œuvre de puissance et spécialement une délivrance des oppressions temporelles. Cette méconnaissance du vrai caractère du rédempteur était prédite par le même prophète : « Parmi ses contemporains, qui a pensé… que la plaie le frappait à cause des péchés de mon peuple ? » Is., lui, 8 (texte hébreu). Elle n'ôte rien à la force de la prophétie. — L’idée de souffrances expiatoires subies pour d’autres n’est formulée que tardivement dans la littérature juive. Elle est indiquée dans II Mach., vii, 37-38. Mais, dans un apocryphe du premier siècle après Jésus-Christ, elle est présentée avec beaucoup plus de précision. Les martyrs « sont devenus responsables par substitution des péchés de la nation ; "par les mérites de leur sang et de leur mort expiatoire, la divine Providence a sauvé Israël prévaricateur. » JV Mach., xvii, 20-23 ; cf. vi, 28, 29 ; vu, 12. Cette conception, comme celle du Messie souffrant, est d'époque tardive chez les Juifs.

2° Dans l'Évangile. — 1. Malgré l’affirmation de ceux qui prétendent que les Évangiles sont l'écho des doctrines ayant cours à l'époque de leur rédaction, et qui, en conséquence, en éliminent arbitrairement les textes qui contredisent leur système, on a le droit et le devoir d’y reconnaître la pensée même du Sauveur et de ses contemporains. Or, la mission rédemptrice de Jésus y est péremptoirement affirmée. Tout d’abord, le précurseur est envoyé pour donner au peuple « la science du salut dans la rémission de leurs péchés, » Luc, i, 77, « 'est-à-dire pour apprendre aux hommes que le salut doit consister dans la rémission des péchés, et non dans la restauration d’un empire chimérique. Puis l’ange prescrit à Joseph de donner au fils de Marie « le nom de Jésus, parce qu’il doit sauver le peuple de ses péchés. « Matth., i, 21. Ce nom, qui signifie « sauveur », est d’autant plus significatif, que beaucoup d’autres noms différents, Emmanuel, Pasteur, Sagesse, etc., avaient été assignés au Messie dans l’Ancien Testament. Seul, Isaïe, xii, 3 ; xuv, 8, l’avait appeléyesû'dh, « salut ». "Voir Jésus-Christ, t. iii, col. 1423-1426. À Bethléhem, les anges le proclament le Sauveur. Luc, II, 11. Siméon annonce qu’il vient pour la ruine et la résurrection d’un grand nombre en Israël, Luc, ii, 34, c’est-à-dire pour que, à cause de lui, beaucoup se perdent, et que par lui beaucoup ressuscitent en passant du péché à la vraie vie. Anne la prophëtesse parle de lui à ceux qui attendaient la « rédemption d’Israël », Luc, ii, 38, c’est-à-dire, sinon dans leur idée, du moins dans la réalité, le salut qui devait résulter de la rémission du péché.

2. Dès le début de la vie publique, Jean-Baptiste présente Jésus comme « l’Agneau de Dieu, qui ôte le péché du monde. » Joa., i, 29, 36. À Nicodéme, le Sauveur annonce qu’un jour lui r même sera élevé de terre, comme le serpent d’airain, « afin que le monde soit sauvé par lui. » Joa., iii, 17 ; cf. viii, 28 ; xii, 32, 47. Plus tard, par trois fois consécutives, il précise ce

que doit être cette élévation de terre en prédisant sa condamnation et sa mort violente. Matth., xw, 21 ; Marc, viii, 31 ; Luc, ix, 22 ; Matth., xviii, 22 ; Marc, lx, 30 ; Luc, ix, 44 ; Matth., xx, 19 ; Marc, x, 34 ; Luc, xviii, 33. À la transfiguration, sa mort qui devait arriver à Jérusalem fait l’objet de l’entretien de Moïse avec Élie. Luc, ix, 31. Il sait que les Juifs veulent le mettre à mort. Joa., v, 20. Il a hâte de recevoir son baptême de sang. Luc, xii, 50. Il propose à deux Apôtres de boire le même calice que lui, Matth., xx, 22 ; Marc, x, 38, ce calice qu’il acceptera de son Père à Gethsémani. Matth., xxvi, 37-47 ; Marc, xiv, 34-42 ; Luc, xxii, 40-47. Or cette mort du Sauveur ne se présente nullement dans l'Évangile comme le résultat inattendu d’une attitude qui révolte les Juifs. Elle est prévue et voulue par le divin Maître, parce qu’elle est décrétée par le Père et prédite dans les Écritures comme le moyen choisi pour opérer la rédemption. « Il faut, il est écrit, » dit le Sauveur en parlant de ses souffrances et de sa mort. Marc, viii, 31 ; ix, 12 ; xiv, 21 ; Matth., xxvi, 24, 54 ; Luc, xvii, 27 ; xviii, 31 ; xxii, 37 ; xxiv, 25, 44. À Pierre, qui ne veut pas entendre parler de passion et de mort, il reproche sévèrement de n’avoir pas le « sens des choses de Dieu, » Matth., xvi, 22 ; Marc, viii, 33, c’est-à-dire l’intelligence de la place qu’occupe la mort du Christ dans le plan divin. Quand la pensée de son supplice trouble son âme, il se ressaisit en disant : « Mais c’est pour cela que je suis arrivé à cette heure ! » Joa., xii, 27. La rédemption par la mort violente est sa raison d'être ; il accepte cette mort parce que telle est la volonté de son Père. Matth., xxvi, 42. Il décrit la nécessité de ce dénouement tragique dans la parabole des vignerons homicides qui mettent à mort le fils même du père de famille. Les pharisiens comprennent enfin, Matth., xxi, 38, 45 ; Marc, xii, 6, 12 ; Luc, xx, 13-15, 19 ; mais il ne profitent pas de la leçon, parce que l’oracle d’Isaïe, un, 1 : « Seigneur, qui a cru à notre parole ? » est pour eux lettre morte. Enfin, l’idée de rédemption établit la synthèse entre les deux précédentes : Jésus doit sauver le monde de son péché, Jésus doit mourir de mort violente, c’est par cette mort qu’il salive. « Le bon pasteur donne sa vie pour ses brebis »  » Joa., x, 11. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis. » Joa., xv, 13. « Il est de votre intérêt qu’un seul homme meure poure pewpte, > 4JA, Caïphe, sous l’empire d’une inspiration inconsciente. Joa., xi, 50-52.

3. À la dernière Cène surtout, le Sauveur affirme solennellement sa mission rédemptrice. D’après saint Matthieu, xxvi, 27, Notre-Seigneur présenta la coupe à ses Apôtres en disant : « Buvez-en tous, car ceci est mon sang, de la nouvelle alliance, répandu pour un grand nombre en rémission des péchés. » Dans la Vulgate : « qui sera répandu ». Le texte de saint Marc est le même dans le grec, avec le futur dans la Vulgate. Les mots : » ils en burent tous », placés avant : « ceci est mon sang », Marc, xiv, 23, 24, ne modifient en rien le sens général ; ils expriment seulement la simultanéité de l’acte des Apôtres avec les paroles du Sauveur. Dans saint Luc, xxii, 19, 20, la formule est plus explicite : « Il prit du pain et, ayant rendu grâces, il le rompit et le leur donna en disant : Ceci est mon r-corps, qui est donné pour vous : faites ceci en mémoire de moi. Il fit de même pour la coupe, après le souper, disant : Cette coupe est la nouvelle alliance en mon sang qui est versé pour vous. » Dans la Vulgate : « qui sera versé ». Saint Luc ajoute donc, à propos du corps : « qui est donné pour vous. » Ces paroles manquent dans le Cod. Bezm, dans trois manuscrits latins de la version antérieure à saint Jérôme et dans la version syriaque de Cureton. Mais ils se trouvent dans tous les autres manuscrits grecs et leur authenticité n’est pas douteuse.