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PENTATEUQUE


diversifie que par quelques particularités. De plus notables divergences sont signalées dans l’histoire de Moïse et de la conquête de Chanaan. L’auteur reproduit, Exod., xxxiv, 11-26, une forme, exclusivement religieuse et rituelle, du Décalogue, révélé au Sinaï, ou au moins un fragment d’un écrit législatif. Dans le récit des faits, cet historien suit l’ordre chronologique. Il se plait à indiquer l'étymologie des noms de personnes et de -lieux, et il rapporte des détails qui lui sont propres. Il envisage l’histoire de l’humanité et d’Israël en conformité avec les idées religieuses et morales des prophètes. Jéhovah est le Dieu du monde entier, le Dieu tout-puissant, la providence de son peuple de choix. Les critiques déclarent que le jéhoviste est le meilleur narrateur de tout l’Ancien Testament. Son livre est une sorte d'épopée nationale. Parce que le théâtre des événements dont on lui attribue le récit est souvent Hébron ou ses environs, on regarde généralement l’auteur comme un judéen. Toutefois, on s’est demandé si l’ouvrage était d’un seul jet, et plusieurs critiques ont cru y reconnaître des traces d’au moins deux mains différentes, J 1 etJ 2. Voir lCuenen, Histoire critique des livres de l’A. T., trad. franc., Paris, 1866, t. i, p. 151-158, 162163 ; Budde, Die biblische Urgeschichte, Giessen, 1883, p. 521-531 ; Corail], Einleitung in das A. T., 3e et 4e édit., Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1896, p. 43-46 ; C. Bruston, Les deux jéhovisles, Montauban, 1885. Quant à la date de la composition, on la fixe communément au IXe siècle" vers 850, au moins pour J 1. Quant à J a, pour ceux qui admettent son existence, il serait du vme ou du vn= fièole.

c) Le Deutéronome, D. — Les critiques ont longuement discuté sur le contenu primitif de cette législation qui se présente comme ayant été promulguée par Moïse au pays de Moab avant l’entrée des Israélites dans la Terre Promise. Considérant le caractère disparate du contenu, visible malgré l’unité apparente du livre, ils ont pensé que le Deutéronome actuel n’est pas une œuvre homogène, mais qu’il comprend un fond primitif, complété, remanié et finalement arrangé pour servir de conclusion au Pentateuque. Les plus modérés conservent au Deutéronome primitif, D, l’ensemble des c. i-xxxi, retouchés par un rédacteur, Rj. Cf. F. Montet, Le Deutéronome et la question de VHeccateuque, Paris, 1891, p. 49-116 ; Driver, Einleitung in die Literatur des A. T., trad. allemande, Berlin, 1896, p. 98-103 ; Deuteronotny, Londres, 1895 ; A. Van Hoonacker, L’origine des quatre premiers chapitres du Deutéronome, Louvain, 1889. D’autres restreignent le noyau à v-xxvi, avec iv, 45-49, comme introduction, et une conclusion, qui varie selon les individus (Kuenen, Kônig, Reuss, Renan, Westphal). Cf. Bertholet, Deuteronomium, Tubingue, 1899. Un troisième groupe le réduit à xii, 1-xxvi, 19. Wellhausen, Die Composition des Hexateuchs, Berlin, 1889, p. 189-210, pensait qu’on en avait fait plus tard deux éditions différentes, comprenant, la première, 1, 1-rv, 44 ; xii-xxvi ; xxvii, et la seconde, iv, 45-xi, 39 ; xii-xxvi ; xxviii-xxx, finalement combinées par le rédacteur qui a inséré le Deutéronome dans l’Hexateuque. Cornill, Einleitung, p. 27-28, a disposé un peu autrement la part de chaque édition. Wildeboer, Die Literatur des A. T., 2e édit., Gœttingue, 1905, p. 177 ; Holzinger, Einleitung in den Hexateuch, Fribourg-en-Brisgau et Leipzig, 1893, p. 274-275, et L. Gautier, Introduction à l’A. T., Lausanne, 1906, 1. 1, p. 79-84. L. Horst, Éludes sur le Deutéronome, dans la Revue de l’histoire des religions, 1887, t. xvi, p. 2865, a considéré le code lui-même, xii-xxvi, comme un recueil ou plutôt une compilation d'éléments préexistants, réunis sans ordre et souvent comme au hasard. Stærk, Das Deuteronomium, Leipzig, 1894, et Steuernagel, Der Hahmen des Deuteronomium, Halle, 1894 ; Die Enstehung des deuleronomischen Gesetzes, Halle,

1896, ont isolé, mais d’une façon divergente, dans lecode les passages dans lesquels le législateur emploie le singulier [tu) et ceux où il se sert du pluriel (vous)Cf. Steuernagel, Deuteronomium und Josua, Gœttingue, 1900, p. m-vi. Tous les critiques admettent par suite, non pas un seul écrivain deutéronomiste, mais toute une école, animée du même esprit. Ils discernent donc, en dehors du Deutéronome primitif, D 1, des couches, , secondaires, D 2, D 3, qui ont pénétré aussi dans le livre de Josué. Cf. F. de Hummelauer, Josue, Paris, 1903, p. 57-60.

Le Deutéronome dépend des documents précédentset pour l’histoire et pour la législation. Dans les introductions historiques et dans les allusions que contiennent les exhortations, il résume les faits racontés dans Pélohiste et le jéhoviste. Cf. Fr. de Hummelauer, Deuteronomium, Paris, 1902, p. 149-158. Les détailsnouveaux qu’il donne proviennent peut-être des fragments perdus de ces deux histoires. Il n’impose pasnon plus une législation nouvelle. H exhorte ses auditeurs à pratiquer fidèlement la législation donnée par Dieu au Sinaï ou à l’Horeb, iv, 9-15, à garder l’alliance contractée avec Dieu et à observer le Décalogue, v, 1-33. Le code lui-même s’inspire du livre de l’alliance, en développe les dispositions, en tire les conséquences et y ajoute des ordonnances nouvelles, parce qu’il est adapté à une situation différente. Toutefois, c’est plusqu’une mise au point de l’ancien droit religieux ; c’est aussi une réaction contre le passé et l’introduction d’un esprit nouveau dans les mœurs et les pratiques populaires. Il va à rencontre du livre de l’alliance, et s’ij s’en rapproche, c’est pour prendre sa place. Il se donne comme le code complet et homogène, promulgué par Moïse au pays de Moab, comme le code de l’avenir que les Israélites devront observer quand ils seront établis en Chanaan. Le livre de l’alliance représente aux yeux de son auteur le culte ancien de l'époque où chacun faisait ce qui lui semblait bon. Tout en sanctionnant quelques usages d’autrefois, il s'écarte fortement du passé par la centralisation du culte, à laquelle il rattache et la célébration des fêteset les fonctions des ministres sacrés. S’il n’est pas une fiction pure, il est ou bien un précipité et une cristallisation des idées des prophètes précédents, qu’il condense et codifie en les attribuant, en toute bonne foi, à Moïse, le premier des prophètes, ou bien la codification des coutumes anciennes, ayant reçu par l’usage force de lois, ou enfin, pour quelques critiques, l’utilisation de sources écrites antérieures. Le seul élément nouveau consiste dans l’exhortation ou parénèse à observer la loi, surtout dans les motifs d’obéir à Dieu : la fidélité à garder l’alliance contractée avec Dieu et l’amour de ce Dieu, qui a tant aimé son peuple choisi. L'écrivain a aussi ses expressions propres et un style très caractéristique. Les locutions spéciales correspondent, du reste, au contenu et au genre littéraire. Le Deutéronome est un code de lois, exposé et expliqué dans une homélie ; c’est une série de discours prononcés pour encourager à la pratique de la loi divine. Les ordonnances portent des noms techniques, et l’homéliste a des formules préférées qu’il répète constamment et qui sonnent comme des refrains. C’est un prédicateur qui exhorte avec onction et persuasion. Il parle clairement pour être compris du peuple ; il s’insinue doucement dans l’esprit de ses auditeurs et il ne se lasse pas d’insister sur l’observation fidèle de la loi divine. Son exhortation traîne même en longueur ; il veut toujours arriver au fait et il n’y parvient jamais. Il revient en arriére et répète ce qu’il a dit. Son style n’est pas concis, et l’uniformité des formules finit par le rendre fastidieux.

Quant à la date de la composition du Deutéronome, ella est très diverse selon les divers critiques. Le point