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PSA.UMES (LIVRE DES)


des compositions liturgiques récentes, et non le Psautier biblique. Eusèbe, H. E., vii, 30, t. xx, col. 713. Dans les deux derniers documents conciliaires où l’on affirme la canonicité de ce livre, il faut noter la différence des désignations : le concile de Florence l’avait désigné sous le titre de Psalterium Davidis ; le Concile de Trente, reproduisant le même décret, changea ces termes en Psalterium davidicum pour éviter de paraître enseigner l’origine exclusivement davidique du Psautier, tandis qu’il ne voulait qu’attester sa canonicité. Theiner, Acta conc. Tridentini, t. i, p. 79 sq.

XII. Usage des Psaumes dans l'Église chrétienne

Pour les chrétiens, le fait indubitable que les Psaumes ont été souvent récités par le Christ donne à ce recueil une autorité et un attrait tout particuliers : dans sa passion il répète le Deus Deus meus, quare dereliquisti me ? et In manus tuas commendo spiritum meum, comme des textes absolument familiers, et presque les seules paroles qu’il ait prononcées alors. Dans sa vie mortelle, bien que l'Évangile n’en dise rien, il dut souvent réciter les Psaumes à la synagogue, au temple, aux fêtes juives, aux pèlerinages à Jérusalem : la narration de la Cène nous atteste qu’il y dit VHallel de la Pàque. Il s’en sert également dans sa prédication : le Seali mites quoniam ipsi possidebunt terrani, est l’abrégé du Psaume xxxvii (xxxvi) ; le Dixit Dominus lui sert pour enseigner sa filiation divine ; le Lapidem quem reprobaverunt sedificantes, pour expliquer l’aveuglement des Juifs ; le Benediclus qui venit in nomine Domini est appliqué par Jésus au retour final des Juifs ; le Ex ore infantium et lactentium perf’ecisti laudem estappliqué à son entrée triomphale dans le Temple. Ce livre, outre l’inspiration qui lui est commune avec tous les livres de l'Écriture, a donc eu le privilège d'être la prière même du Christ, et il est encore pour ainsi dire tout imprégné des sentiments mêmes de Jésus : il n’y a que l’Oraison dominicale à quoi on puisse le comparer. On comprend que l'Église ait toujours cherché à s’unir aux pensées et aux affections du Fils de Dieu, en reprenant le Psautier comme sa principale prière. Elle ne faisait du reste que continuer les usages de la Synagogue. Voir Hallf.l, t. iii, col. 404. Saint Paul l’y engage instamment dans deux textes parallèles : Laquantes vobisrnelipsis in psalmis et hymnis et canticis spiritualibus, canlantes et psallentes in cordibus vestris Domino, Eph., v, 19 ; Commonentes vosmetipsos psalmis, hymnis et canticis spiritualibus, in gratia contantes in cordibus vestris Deo. Col., iii, 16. Les psalmi idiolici ou de composition nouvelle et chrétienne, s’y ajoutent peu à peu sans les supplanter, ce sont les hymnis et canticis spiritualibus de saint Paul, et il semble même qu’on en retrouve des restes dans ses propres Épîtres. I Tim., iii, 16. Tertullien, De anima, X, t. ii, col. 660, rapporte qu’une visionnaire de son temps dont la mention revient plusieurs fois dans ses écrits, avait des extases en correspondance avec les différentes parties de l’office public, selon que Scripturœ leguntur, psalmi canuntur, alloculiones proferuntur aut petitiones deleganlur. On constate que le peuple prit peu à peu une place, mais généralement modérée, à cette récitation, comme autrefois chez les Juifs où il répondait : Quoniam in seternum misericordia ejus ; les séries de Psaumes étaient interrompues par quelque oraison, ou par quelque antienne ou doxologie dite en chœur par l’assistance : dans certaines Églises comme Alexandrie et Rome, c'était une récitation plutôt qu’un chant ; ailleurs c'était un chant véritable. Dé même la fréquence des versets redits en chœur était différente : soit après plusieurs Psaumes, soit après chaque. Psaume, soit même après quelques versets. Saint Basile emploie le terme de ôvxi+àXXeiv àXXr, Xoic, « psalmodier en deux choeurs. » Epist., ccvii, t. xxxii, col. 764. Saint Ambroise institua une psalmodie analogue à Milan. Notre office romain a conservé la trace de ces trois récitations. L’alternance proprement dite, par deux chœurs qui lisent successivement tous les versets du Psaume, introduite d’abord en Syrie, passa de là dans les églises d’Egypte, de Palestine, à Antioche, à Césarée, puis à Constantinople et en Occident, en commençant par Milan, au temps dé saint Ambroise. Voir Batiffol, Histoire du Bréviaire romain, 1893, p. 5, 23 ; Bâumer, Histoire du Bréviaire, trad. Biron, 1905, t. i, p. 12, 52, 170-178, etc. ; (Bacuez, ) Du saintOfï.ce, Paris, 1872, p. 89-109.

Outre la récitation liturgique, l'Église, surtout daus les siècles passés, a toujours grandement estimé, conseillé et pratiqué la récitation privée des Psaumes, divins par leur origine, sanctifiés par l’usage qu’en ont fait les saints de l’Ancien et du Nouveau Testament, et surtout Jésus-Christ. Les lettres de saint Jérôme nous montrent l’usage qu’on en faisait de son temps : dans son Éloge de sainte Paute, t. xxii, col. 894-896, on voit combien les paroles de ce livre lui étaient familières ; elle s’en servait contre ses ennemis, ou pour s’exciter à la patience, pour se consoler dans la tristesse, pour se résigner à la perte des siens, pour exciter ses désirs du ciel ; « elle désira même d’apprendre l’hébreu, ajoute-t-il ; et elle vint tellement à bout de son dessein qu’elle chantait les Psaumes en hébreu, et le parlait sans y rien mêler de la prononciation latine ; ce que nous voyons faire à sa sainte fille Eustochium. » Dans une lettre de sainte Paule à Marcelle, t. xxii, col. 491, elle écrit elle-même qu' « à Bethléhem il n’y a que le chant des Psaumes qui rompe le silence, le laboureur guidant sa charrue chante Alléluia, le moissonneur tempère le poids du jour et la chaleur par le chant des Psaumes ; le vigneron en taillant la vigne a toujours à la bouche quelque passage de David. » Saint Jérôme, écrivant à Lseta, Epist., cvi, t. XXII, col. 871, 876, pour l'éducation de sa fille, lui recommande « de ne lui laisser apprendre aucune chanson profane, mais seulement à chanter les Psaumes ; » il veut ensuite que « au lieu de perles et de riches habits, elle recherche surtout les livres sacrés, non pas les mieux enluminés, mais les plus corrects et les plus capables de fortifier la foi ; qu’elle commence par apprendre le Psautier, qu’elle prenne plaisir à le chanter. » Écrivant à Gaudentius sur l'éducation à donner à Pacatule, il conseille de même : « Quand elle sera parvenue à sa septième année, qu’elle apprenne le Psautier par cœur. » Epist., cxxti, t. xxiï, col. 1098. Saint Ambroise, à la même époque, écrit « qu’un homme sensé aurait honte de terminer sa journée sans la récitation de quelque Psaume ; » qu'à l'église, « alors qu’il est si difficile d’obtenir le silence pendant qu’on lit les leçons ou que l’orateur essaye de parler, dès qu’on lit le Psaume, cela suffit à faire faire le silence : la psalmodie réunit les âmes divisées, réconcilie dans la discorde, apaise le ressentiment des offenses… On éprouve autant de joie à le chanter qu’on gagne de science à l’apprendre. » S. Ambroise, In Psalm. I, t. xiv, col. 925. Ce chant des Psaumes à Milan avait produit une profonde impression sur saint Augustin qui paraît même se reprocher le plaisir qu’il prenait à entendre les mélodies ambrosiennes. Confess., IX, vivii ; X, xxxiii, t. xxxii, col. 769-770, 800. Son peuple d’Hippone était si familier avec le texte sacré qu’il ne voulut pas corriger les fautes de latin de la version africaine, et qu’il laissait chanter dans le Psaume cxxxiicxxxi : Super ipsuni autem floriet (pour efflorebit) sanctificatio mea. De doctr. christiana, xiii, t. xxxiv, col. 45. L'Église orientale les avait en égale estime et en faisait le même usage : le texte cité de saint Ambroise est pris presque textuellement à saint Basile, Homil. in Ps. I, t. xxix, col. 212, qui ajoute : « Les plus indolents, c’est-à-dire le grand nombre, ne retiennent même pas un verset des prophètes ou des Épîtres ;  ; mais pour les