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PSAUMES (LIVRE DES)


évidemment appliquer à Israël, son « père », sa « mère », sa « naissance », son « vêtement », etc. ; il y a cependant certains Psaumes primitivement individuels qui sont devenus ensuite des Psaumes nationaux, soit par simple accommodation, soit même grâce à des changements ou des modifications pratiquées dans le texte primitif : le Ps. ix(x) en est un exemple caractéristique.

VIII. Forme poétique des Psaumes.

Leur caractère poétique, non seulement quant au fond, mais encore quant à la forme, est absolument évident, et si les Psauliers du temps d’Origène ont pratiqué la scriptio continua, source de mauvaises lectures et de fausses coupures fréquentes, à l’origine et pour la psalmodie primitive, la séparation des vers et des strophes a dû être conservée, comme elle l'était dans la poésie assyrienne et les papyrus égyptiens. Les déplacements du sélah, Sià^ïAu-a, qui indique la strophique dans beaucoup de Psaumes, et qui a été parfois copié un vers trop haut ou un vers trop bas, ne peut avoir d’autre origine qu’un texte hébreu où les vers étaient séparés ligne par ligne. Beaucoup de manuscrits grecs anciens ont tâché de reconstituer la disposition primitive. Le parallélisme qui constitue l’essence de la poésie hébraïque rendait cette reconstitution relativement facile. Voir Poésie hébraïque, t. iii, col. 489. Il y a cependant dans les Psaumes des endroits dont la forme poétique est très peu accentuée, et où le parallélisme est peu régulier, tels que le Ps. i ; d’autres où les copistes lui ont fait subir des altérations en supprimant ou en ajoutant un membre, comme Ps. viii, 3 b. c ; enfin certains Psaumes ont été composés en rythme ternaire, et l’habitude de mettre deux membres du parallélisme par verset, les a rendus totalement méconnaissables, comme xcn (xcm) où il faut rétablir ainsi les versets

Eteuim firmavit orbem terra ; …
Parata sedes tua ex tune,
A sasculo tu es.
Eievavenmt flumina, Domine,
Elevaverunt flumina vocem suam,
Elevaverunt flumina fluctus suos ;
A voeibus aquaruoi multarum
Mirabiles elationes maris,
Mirabilis in altis Dominus ;
Testimonia tua credibilia facta sunt nimis,
- Domum tuam decet sanctitudo, Domine,
In longitudinem dierum.

Le parallélisme sous ses différentes formes, synonymique, antithétique, synthétique, produit naturellement en hébreu l'égalité du nombre des mots et par conséquent un rythme facilement perceptible. Sur le vers hébreu, voir Hébraïque (Langue), t. iii, col. 490. Mais il faut noter que dans les Psaumes la régularité du vers est loin d'être constante et absolue : parce que les règles n’en étaient pas peut-être exactement fixées, bien connues ou bien observées, et parce que les copistes ne nous ont pas toujours conservé fidèlement le texte. Cf. Ps. xviu (xvii), xvi (xcv), cv (civ), avec II Sam. Reg., xx, 2-51, et I Par., xvi, 8-36. Bien qu’entre ces passages il y ait un grand nombre de divergences, il faut constater néanmoins qu’elles n’ontqu’une influence fort restreinte au point de vue rythmique etde la poésie. D’ailleurs on ne peut guère supposer dans les Psaumes des altérations prosodiques très nombreuses ni très graves durant la période ou le Psautier demeura partie intégrante de la liturgie juive, ou élément principal des chants d’Israël : par conséquent toute théorie sur la poésie hébraïque qui suppose trop d’altérations et exige de trop fréquents remaniements du texte doit être considérée comme suspecte.

Le caractère lyrique des Psaumes, l’usage où l’on était de les chanter couramment, amène à supposer dans un grand nombre l’existence de strophes : il en

est cependant où l’on ne découvre aucune strophique, tels le Psaume moral cxh (cxi), Bealus vir, les Psaumes historiques cxi(cx), Confilebor, lxxviii (lxxvii), Attendue, popule meus. D’autres ont plutôt des divisions logiques que des strophes proprement dites, l'égalité des fragments n'étant que très approximative ; mais dans le plus grand nombre on découvre une strophique très intentionnelle, reconnaissable au développement égal attribué à chaque pensée du Psaume, souvent même cette strophique est accusée par des indications spéciales, l’alphabétisme en tête de chaque strophe ou de chaque vers, le nom de Jéhovah, placé dans chaque premier vers, ou au contraire le terme technique seiaA, gtâ^a^u.a (voir Sélah), ou la présence d’un refrain à la fin de chaque strophe.

La division la plus simple, et probablement la plus ancienne, est le partage du Psaume en deux parties, la strophe et V antistrophe, sorte de parallélisme qui oppose non pas vers à vers ou membre à membre, mais tamêau à YîAAw^i dans un même >oème : ainsi le Ps. I donne successivement le sort du juste et celui du méchant ; le Ps. xvi (xv) le choix de Jéhovah comme Dieu unique, puis les heureuses conséquences de ce choix ; le Ps. xix (xviit) la lumière physique, puis la lumière morale ; le Ps. xxii (xxi) la souffrance du Serviteur de Jéhovah, puis l’action de grâce pour sa délivrance, etc. Cette habitude de joindre la strophe et l’antistrophe pousse même à juxtaposer et à réunir totalement quelquefois deux Psaumes primitivement distincts, par exemple on juxtapose les deux Psaumes royaux xx (xix) et xxi (xx), Exaudiat te Dominus et Domine in virtute tua ; on réunit dans l’hébreu rxv (exiv) Dilexi quoniam exaudiet et Credidi propter quod locutus sum. Et même dans les Psaumes d’une strophique plus étudiée, on maintient la division générale en deux parties, Ps. xix (xvtu), Cseli enarrant gloriamDei ; XLV (xuv), Eruclavit cor meuni. Avec ou sans cette division binaire très fréquente, on trouve souvent des strophes moins longues et plus nombreuses de diftérents modèles, quelquefois avec de légères différences de longueur dont la responsabilité incombe à l’auteur primitif ou bien au copiste ; il est évident par exemple que le Ps. ii, Quare fremuerunt gentes, se subdivise en quatre strophes d’une égalité approximative : révolte des nations, réponse de Jéhovah, consécration du Messie, conclusion du Palmiste ; au contraire le Ps. iii, Domine, quid multiplicati sunt, se divise naturellement en quatre strophes égales marquées en hébreu et en grec par les termes sélah et êtœij’aXu.a. La strophe la plus ordinaire se compose de quatre membre parallèles deux à deux : Ps. xxrv(xxm), A et B ; xxxm(xxxii), cxiv(cxm) In exilu jusqu'à Non. nobis, etc. On trouve moins fréquemment la strophe de huit membres parallèles : Ps. xviii (xvii), xxxii (xxxi), etc. La strophe de seize membres est d’un emploi très rare à cause de sa longueur : voirPs. cxix (cxviii) qui est plutôt un recueil de maximes sur la loi de Dieu enchaînées par ordre alphabétique qu’un Psaume véritable. — Le rythme ternaire a donné naissance à la petite strophe de trois membres : Ps. xcm (xcn), et cxxxvi (cxxxv) à la strophe de six membres ; Ps. xxii (xxi) ; xl vi (xlv) ; Ps. cxv 6, Non nobis ; Domine, non nobin, dans 17° exitu ; cxviii (cxvii), etc. ; enfin à la strophe de douze membres, dont le modèle le plus achevé est le Ps. cxxxix (cxxxviii), Domine, probasti me. — On rencontre aussi, mais fort rarement, une strophe de dix membres parallèles : Ps. cxxxii (cxxxi), Mémento Domine David.

Un bon nombre de Psaumes, ceux surtout destinés au chant public, font usage du refrain. Dans les cas les plus simples il paraît seulement au commencement et à la fin du Psaume, et alors c’est plutôt une sorte de cadre donné au poème qu’un refrain véritable, Ps. vin ;