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PROVERBES (LIVRE DES)


près le même sentiment et placent la composition de ce livre avant l’exil, à partir du vme siècle, sauf peut-être en ce qui. concerne les chap. xxx-xxxi ; mais pour Reuss, Philos, mor. et relig. des Héb., 1818, p. 151 sq, , on ne peut savoir ce qu’il y a de Salomon dans le livre des Proverbes, dont la partie la plus ancienne est la collection faite au vine siècle au temps d’Ézéchias.

Avec les auteurs plus récents, les conclusions sont assez différentes ; pour Wildeboer, Die Sprûche, dans Kurzer Hand-Commentar de Marti, 1897, adoptant les conclusions de Cornill, Einleitung, 2e édit., tout le livre des Proverbes est post-exilien et nullement antérieur au IVe siècle ; pour Frankenberg, Die Sprûche, dans Se Hand-Commentar de Nowack, 1898, et pour Toy, op. cit., p. xxx, et art. Proverbs, dans VEncyc. Bibl., t. iii, 1902, col. 3917, les deux grandes sections xxxii, 16, et xxv-xxix, proviennent de milieux différents, mais ne sont pas antérieures au ive siècle, la 1™ section i-ix, appartient au milieu du m » siècle. L. Gautier, Introduction à l’Ane. Test., Lausanne, 1906, t. ii, p. 89-90, tout en admettant la possibilité d’une collection de Proverbes faite au temps d’Ézéchias, ne voit aucune preuve permettant d’affirmer qu’ils nous auraient été conservés ; et bien que le style ne s’oppose pas à une composition du VIe siècle, il place au ive la composition de notre livre des Proverbes.

Certains auteurs ont même modifié leur propre sentiment sur ce sujet : ainsi Nov/ack dans son Commentaire, 1883, plaçait les Proverbes avant l’exil ; dans l’art. Proverbs du Diction, of the Bible, t. iv, 1902, p. 142, tout le contenu du livre lui semble post-exilien ; Cheyne dans Job and Solomon, 1887, p. 168, reconnaissait que non seulement les grandes sections du livre étaient préexiliennes mais encore que les c. i-ix ne pouvaient raisonnablement pas être placés après l’exil, et dans Jewish religions Life after ihe Exile, 1898, p. 128, il déclare qu’une littérature de la sagesse a pu exister avant l’exil, mais qu’il est impossible de dire dans quelle mesure il y a relation entre cette ancienne littérature plus ou moins hypothétique, et les œuvres des sages post-exiliens conservées dans nos livres sapientiaux actuels ; Kuenen, dans la l re édit., 1865, de son Histor.crit. Onderzoek, soutenait la composition pré-exilienne du livre des Proverbes ; dans la 2e édit., 1893, § 97, note 15, il prétend que placer à l’époque contemporaine des prophètes l’ensemble des idées morales religieuses des auteurs des proverbes cela constituerait un véritable anachronisme.

Quant à l’usage du nom de Salomon il s’expliquerait par ce fait que de bonne heure on songea à utiliser la réputation de sagesse que la tradition lui avait conservée, en plaçant sous son nom et en couvrant de son patronage des recueils de sentences provenant d’auteurs dont le nom n’était point connu. Les meilleurs témoignages de la haute antiquité de cette réputation de Salomon se trouvent et dans le titre de xxv, 1, qui repose sur une base historique et dans la mention des Prov. comme œuvre de Salomon par l’auteur de l’Eccli., XLVH, 16-18. Mais tout en reconnaissant le fait de cette réputation traditionnelle, ces critiques récusent, au point de vue historique, la valeur des titres salomoniens i, 1 ; x, 1 ; xxv, 1, pour eux ils n’ont pas plus de valeur que les titres des Psaumes pour en déterminer les auteurs. Le témoignage du livre des Rois, même considéré comme document strictement historique et non comme l’expression d’un sentiment traditionnel, n’autoriserait pas à conclure que les maximes contenues dans le livre des Proverbes sont une sélection des 3000 sentences dont il fait mention. Bien plus même la nature des sentences telle qu’elle est expliquée. III Reg., v, 12-13 (Vulgate, 32-33), indiquerait plutôt que leur objet n’était pas le même que celui des sentences du livre des Proverbes.

Les principaux arguments présentés par ces auteurs^ peuvent se résumer ainsi. Au point de vue religieux — c’est, à l’encontre de ce qui est constaté chez tous les auteurs pré-exiliens, l’absence de toute polémiquecontre le polythéisme : le monothéisme est supposé admis par tous sans aucune difficulté ; — c’est l’absence de cette préoccupation nationale dans l’emploi des expressions religieuses telle qu’on la constatait avant l’exil ; sans doute Dieu est bien encore désigné sous le vocable particulier (mn*) qui le caractérisait durant la période pré-exilienne, mais on ne rencontre jamais l’expression si fréquente chez les prophètes, de « Dieud’Israël », Toy. Proverbs, p. xxi, et de toute allusion àla tendance des Israélites à se porter vers leurs sanctuaires les plus vénérés comme le leur reprochaient souvent les prophètes ; — c’est encore l’élévation de pensée sur la divinité, en particulier sur la sagesse divine (vin) qui suppose, dit-on, un milieu religieux plus cultivé que n’était Israël avant la captivité (milieu grec) Toy, Proverbs, p. xxii ; Cheyne, op. cit. ; (milieu, persan) Kuenen, op. cit., Baudissin, Die allt. Sprïtch., 1893 ; enfin ce sont des réminiscences du Deutéronome qui ne permettent pas de reporter les maximes qui les renferment à une date antérieure à la réforme de Josias.

Au point de vue social, les Proverbes supposent constamment des habitudes et un état de choses qui n’existèrent pas en Israël avant la captivité ou même avant le début de la période grecque ; — dans la famille, la< monogamie comme règle générale et la place importante occupée par la femme ; par exemple : x, l ; xv, 20 ; . xix, 14, et surtout xxxl, 10-21 ; — dans les habitudes sociales, les fautes et les vices (violences et inconduite), spécialement mentionnés dans i-ix. Toy, art. Proverbs {Book), dans Encyc. Bibl., t. iii, col. 391â ; . Nowack, dans Hastings, Dict. of the Bible, art. Proverbs, t. iv, p. 141.

Enfin, au point de vue littéraire, la plupart des auteurs cités pensent que ce recueil ne saurait appartenir aux grandes époques de la littérature hébraïque.

Toutes ces raisons sont loin d’être décisives et ne constituent pas des preuves péremptoires de la date relativement récente de ce livre, surtout de sa date post-exilienne.

Il est à remarquer que tous ne récusent pas indistinctement la valeur des titres salomoniens, notamment xxv, 1. Si Baudissin, op. cit., p. 11, déclare que la mention de « roi de Juda » dans ce titre est une preuve qu’il fut écrit alors que depuis longtemps il n’y avait plus de roi de Juda, par contre Driver, op. cit., . p. 407, soutient qu’il n’y a pas lieu de mettre en question la valeur de cette donnée, de même Loisy, qui, (op. cit., p. 32 et dans le compte rendu du Commentaire de Toy, Rev. d’Bist. et de Litt. relig., 1900, p. 384), déclare « qu’il n’est pas démontré que la mention des hommes « d’Ézéchias », Prov., xxv, 1, comme auteurs de cette seconde collection, n’ait aucune valeur tradi>tionnelle ».

Comparer les Proverbes avec les écrits prophétiquesau point de vue religieux et s’appuyer sur l’absence de polémique contre le polythéisme dans les Proverbes pour en fixer la date tardive, c’est méconnaître l’objet complètement différent de ces divers écrits’et la différence d’action et de ministère pour les prophètes et pour les sages.

La prédication comme les écrits des prophètesdevaient prémunir les Israélites contre leur tendance naturelle à matérialiser les données de l’enseignement religieux et prévenir Je danger d’aboutir à un syncrétisme religieux sous l’influence des civilisationsétrangères ; les Proverbes s’adressaient aux Israélitesfidèles au monothéisme, et leur enseignaient la meilleure manière de vivre une vie moralement bonne.