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PROSTITUTION


tions idolâtres est assimilée à la prostitution. Ainsi Tyr se prostitue à toutes les nations de la terre. Is., xxiii, 17. Ninive est châtiée « à cause du grand nombre de prostitutions, de la prostituée pleine d’attraits, de l’habile magicienne, qui vendait les nations par ses prostitutions et les peuples par ses enchantements. » Nah., iii, 4.

VII. Dans le monde gréco-romain. — De la Syrie et de la Phénicie, l’usage de la prostitution avait aisément passé en Asie-Mineure, en Grèce et en Italie. Dans l'île de Chypre régnait une immoralité analogue à celle de la Babylonie. Cf. Hérodote, i, 199. En Phrygie et en Bithynie, le culte de Cybèle comportait l’orgie et la prostitution. La Cappadoce et le Pont honoraient Ma, confondue avec Artémis par les Grecs. La déesse avait à Gomana un temple qui abritait six mille hiérodules, hommes et femmes. Analtis en comptait autant à Sarus, et Zeus trois mille à "Venasa. Cf. Dbllinger, Paganisme et Judaïsme, t. ii, p. 169-173. En pays grec, les prostitutions sacrées n'étaient point en usage, si ce n’est peut-être à Corinthe et à Éryx, en Sicile. Cf. Justin, xviii, 5 ; Strabon, vi, 2 ; Lagrange, Études sur les religions sémitiques, p. 445. Voir Corinthe, t. ii, col. 975. Mais l’impudicité trouvait des excitations permanentes dans les exemples des dieux, dans les fêtes célébrées en leur honneur et dans les mille facilités qu’une vie voluptueuse pouvait se ménager dans le monde antique et sous des climats qui la favorisaient. Cf. Dbllinger, Paganisme et Judaïsme, t. iii, p. 265272 ; de Champagny, Les Césars, Paris, 1876, t. iii, p. 303-306. À Rome, la prostitution avait pris, sous les premiers empereurs, un tel développement, que les courtisanes seules étaient considérées ; pour attirer l’attention, les plus nobles matrones en venaient à se faire courtisanes, au point que Tibère même se crut ohligé de réprimer ce honteux désordre. Cf. Suétone., Tib., 35 ; Tacite, Annal., Il, 85 ; xiv, 16 ; xv, 37, etc. Des courtisanes syriennes, du plus bas étage, se rendaient dans la capitale, où on les connaissait sous le nom A’ambubaiæ, « joueuses de flûte, » parce qu’elles attiraient l’attention à l’aide de cet instrument. Cf. Horace, Sat., 1, 2, 1 ; Suétone, Ner., 27 ; Pétrone, Sat., lxxvi, 13. — La Palestine ne fut pas à l’abri de la contagion. Le progrès de la prostitution y suivit l’introduction des mœurs grecques, mais en prenant les formes de la corruption asiatique. Par l’ordre d’Antiochus Épiphane, « le Temple fut rempli d’orgies et de débauches par des Gentils dissolus et des courtisanes, des hommes ayant commerce avec des femmes dans les saints parvis. » II Mach., vi, 4. Dans un autre passage, II Mach., iv, 12, il est dit, d’après la Vulgate, que Jason établit un gymnase et exposa les jeunes gens dans les lieux infâmes, in lupanaribus. Il y a dans le texte grec : iith Kirxaoi ^-jev, « il les mena sous le chapeau », c’est-à-dire il les conduisit aux exercices de la palestre pour lesquels on se coiffait du néTano ; , chapeau à larges bords. Voir t. ii, col. 829.

VIII. À l'époque évangélique. — 1° Il est plusieurs fois question de prostituées dans l'Évangile. C’est avec elles que le fils prodigue dissipa son bien. Luc, xv, 30. La femme qui se présenta chez Simon le pharisien, et qui était Marie-Madeleine, est qualifiée de « pécheresse dans la ville », àuapTWÀô ; , peccatrix. Luc, vil, 37, 39. Ce terme adouci désigne une femme de mœurs légères. Les Juifs talmudistes ont bâti tout un roman sur son compte, pour diffamer, à son occasion, la mère du Sauveur. Voir t. IV, col. 808, 810. Les courtisanes, Ttôpvoti, meretrices, ne sont pourtant pas exclues du royaume dé Dieu, si elles font pénitence. Il en est qui ont cru à la prédication de Jean.-Baptiste et ont fait pénitence. Elles précèdent, irpoctyoucrt, les prêtres et les anciens dans le royaume de Dieu, c’est-à-dire qu’elles y entrent plus rapidement et plus sûrement que les

orgueilleux du sanhédrin. Mattb., xxi, 31, 32. Le Sauveur en donne l’assurance à Marie-Madeleine, Luc, vn T 50, qui comptait probablement parmi celles qui avaient entendu les exhortations du précurseur. — Dans une discussion avec les Juifs, Notre-Seigneur leur reproche de ne pas faire les œuvres d’Abraham, dont ils se prétendent les fils, mais de faire les œuvres d’un autre père, c’est-à-dire de montrer par leur conduite qu’ils descendent d’un autre père, le diable. Ils lui répondent : « Nous ne sommes pas nés de la prostitution, èx itopvet’ac, ex fomicatione ; nous n’avons qu’un père, qui est Dieu. » Joa., viii, 41. Ils abandonnent la paternité d’Abraham pour remonter plus haut. Mais ils ont compris l’allusion et ont été piqués au vif.

2° Au cours de leurs prédications évangéliques, les Apôtres eurent à réprimer la prostitution, qu’ils rencontrèrent à chaque pas sur leur chemin. Par leur décret de Jérusalem, ils proscrivent rigoureusement ce qu’ils appellent iîopv£Lct, fornicatio. Act., xv, 20, 29 ; xxi, 25. Le mot grec désigne toute liaison en dehors du mariage, non seulement quand elle est passagère, mais encore et surtout quand le vice devient une profession comme dans la prostitution. On sait que, pour les païens, c'était là une chose qui parfois revêtait un caractère religieux et qui, en tous cas, demeurait indifférente et licite. Cf. Térence, Adelph., i, 2, 21 ; Cicéron, Pro Cœlio, 20 ; Horace, Sat., i, 2, 31, etc. Quelques auteurs pensent que le mot rcopves’a désigne les unions contractées dans des conditions de consanguinité ou d’affinité prohibées par le Lévitique, xviii, 718. Ces unions sont indiquées par l’expression gallôt 'érvdh, « découvrir la nudité », qui se retrouve Sanhédrin, 56 b, pour formuler un précepte noachite, antérieur au Lévitique. Il est difficile d’admettre que les Apôtres n’aient eu en vue que des unions prohibées par une législation dont les Gentils ne pouvaient avoir connaissance. Ils doivent donc viser bien plutôt la fornication en général, telle que les idolâtres la pratiquaient sans grand scrupule. Cf. Knabenbauer, Acius Apost., Paris, 1899, p. 266-267 ; Coppieters, Le décret des Apôtres, dans la Revue biblique, 1907, p. 48. Pour la simple prohibition de certains mariages, cf. Corne ! y, Prior Epist. ad Cor., Paris, 1890, p. 119-121 ; Prat, La théologie de saint Paul, Paris, 1908, p. 76. — Aux Corinthiens, qui ont sous les yeux de si déplorables exemples, saint Paul rappelle que les membres du. chrétien sont les membres du Christ, que son corpsest le temple du Saint-Esprit, et qu’il y aurait crime et honte à faire de ces membres ceux d’une prostituée, , et de ce corps un même corps avec le sien. I Cor., vi, 1519. Seront d’ailleurs exclus du royaume de Dieu r entre autres criminels, r.ôpvot, fornicarii, les fornicateurs ; [(.otyoi, adulteri, les adultères ; podaxof, molles, les mous, les efféminés qui servent à la débauche d’instruments passifs ; àpjrevoxoîxat, masculorum concubitores, ceux qui se livrent au vice contre nature châtié àSodome ; El8w7.o), aTpa ! , idolis servientes, ceux qui rendent un culte aux idoles, particulièrement sous forme de prostitution sacrée, telle qu’on la pratiquait dans le temple d’Aphrodite à Corinthe. I Cor., vi, 9 f 10. Tous les excès qu’entraîne la prostitution sont ainsi stigmatisés. Mais les séductions du mal étaient terribles dans cette ville de Corinthe. De malheureux chrétiens se laissaient entraîner. En leur écrivant un& seconde fois, l’Apôtre craint d’avoir à pleurer sur ceux qui n’ont pas fait pénitence après avoir succombé à l’ix « 6apcjîa, immunditia, l’impureté en général, la itopvet’a, fornicatio, la prostitution, et râcj£), yeta, impudicitia, la dissolution des mœurs dans ce qu’elle a d& plus grossier. II Cor., xii, 21. Aux Thessaloniciens, dont la ville était un lieu de plaisir et de dépravation, cf. Lucien, Asin., 46, saint Paul rappelle l’obligation, de fuir la prostitution et ses conséquences. 1 Thess., IV,