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PROSTITUTION
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nins. Cf. Macrobe, Saturnal., iii, 8. Un prêtre ne pouvait épouser une zonâh (ndpvr], scorlum) ni une t}âldlâh (peër, X(i)(ilvv), prostibulum). Lev., xxi, 7, 14. Ces deux termes désignent la courtisane. Voir Courtisane, t. ii, col. 1091. D’après Josèphe, Ant. jud., IV, viii, 23, la défense d’épouser une prostituée s’étendait à tout Israélite. Enfin, la descendance de la prostitution ne pouvait jamais entrer dans la société israélité. Deut., xxm, 2. Ce jtexte qui se rapporte au mamzer, voir Mamzer, t. iv, col. 637, comprend aussi très vraisemblablement le fruit de la prostitution.

III. La prostitution en Israël. — La Loi la condamne sévèrement, mais ses prescriptions ne furent pas toujours observées. — 1° Dès le désert, les filles de Moab entraînèrent des Israélites à, là débauche et à l’idolâtrie. Vingt-quatre mille de ces derniers furent punis de mort. Un Hébreu osa amener avec lui une Madianite jusque sous les yeux de ses frères. Pbinées les perça tous les deux de la lance dans la qubbdh, xâpuvo ; , lupanar. Le mot hébreu qui, par l’arabe a donné « alcôve t>, a dans la Mischna le sens que lui assigne la Vulgate. C’est un rendez-vous de prostitution. Num., xxv, 1-9. Sous les Juges, Jepbté est le fils d’une courtisane ; chassé plus tard de la maison paternelle, comme « fils d’une autre femme », il [n’en devient pas moins chef du peuple. Jud., xi, 1, 2, 11. Samson se rend chez une prostituée de Gaza. Jud., xvi, 1. À Gabaa de Benjamin, les habitants veulent renouveler sur un lévite le crime de Sodome, abusent de sa concubine et la font mourir. Jud., XIX, 22-26. Les fils du grand-prêtre Héli commettent le mal avec les femmes qui servent à l’entrée du Tabernacle. IReg., ii, 22, 25.

2° Des prostituées étaient tolérées, peut-être à Jérusalem même, du temps de Salomon. Deux d’entre elles, des zônôf, itôpvat, meretrices, furent admises au tribunal de ce roi et provoquèrent son fameux jugement au sujet de leur enfaut. III Reg., iii, 16. Sous le roi Roboam, des prostituées se répandent dans le pays de Juda et les anciennes abominations chananéennes se reproduisent. 1Il Reg., xiv, 24. Asa, petit-fils deRoboam, fait disparaître les prostituées du pays. 1Il Reg., XV, 12. Mais il en demeure encore, et son fils Josaphat achève de les supprimer. III Reg., xxii, 47. Le roi Manassé installe dans le Temple même l’idole d’Astarthé, IV Reg., xxi, 7, et avec l’idole s’introduisent naturellement les hiérodules qui forment le cortège obligé de la déesse. Ces femmes habitaient des maisons qu’on leur avait bâties dans l’enceinte sacrée et elles s’occupaient à tisser des tentes pour la déesse. Josias chasse les prostituées et démolit leurs maisons. IV Reg., xxiii, 7. Le règne de Manassé fut la seule période durant laquelle la prostitution prit un caractère officiel et pénétra dans le Temple même comme élément constitutif d’un culte idolâtrique. Il est donc inexact et souverainement injuste d’affirmer, contrairement à tous les textes, qu’elle servait en partie à payer les frais du culte à Jérusalem. Le Deutéronome, xxxiii, 18, interdit formellement toute offrande souillée par une pareille origine. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, t. iv, p. 506-516.

3° Les livres historiques ne font qu’une allusion à ce qui se passait dans le royaume d’Israël. Quand le cadavre du roi Achab fut ramené à Samarie, on lava le char ensanglanté qui l’avait porté dans une piscine où les prostituées se baignèrent. III Reg., xxii, 38. La Vulgate ne parle pas de prostituées, zonôt, et les Septante les remplacent par des porcs, usç. Il est présumable que dans le royaume du nord la prostitution avait pris beaucoup plus de développement que dans celui de Juda. Elle suivait naturellement le progrès de l’idolâtrie. De plus elle trouvait des exemples et des encouragements en Phénicie et en Syrie, où le culte

des Astarthés avait à son service des foules d’hommes et de femmes voués à tous les genres d’impudicité. Cf. Lucien, De dea Syra, 19-27 ; Movers, Die PhônU zier, Berlin, 1841, t. i, p. 677-681. Jéhu reproche publiquement à Jézabel, la Sidonienne, ses prostitutions et ses sortilèges. IV Reg., ix, 22.

4° Si les historiens fournissent peu de renseignements sur la prostitution parmi les Israélites, les autres écrivains sacrés reviennent assez fréquemment sur ce sujet. Dans les Proverbes, v, 20 ; vi, 24 ; vii, 5, la prostituée est appelée « étrangère », nokriyâh, ài), oTpia, aliéna, extranea. Le parallélisme ne permet pas de s’y tromper :

La prostituée (zônâh) est une fosse profonde,

Et l’étrangère (noknyâh) un puits étroit. Prov., xxiii, 27.

Il en faut conclure que, très souvent du moins, c’étaient des étrangères, des Syriennes, des Phéniciennes, qui se livraient à ce vice en Palestine, où l’on avait tort de tolérer leur présence. Néanmoins des filles d’Israël se laissaient aussi pervertir, comme l’indiquent clairement les prophètes. De vives exhortations sont adressées dans le livre des Proverbes à ceux qui seraient tentés de succomber à la provocation des séductrices. Prov., v, 3-6, 20 ; vi, 24-26 ; vil, 5-23 ; xxii, 14 ; xxiii, 27-85, etc. L’auteur de l’Ecclésiastique, IX, 3-9 ; xix, 2, 3 ; xxvi, 8-12, etc., s’exprime de même. Job, xxxi, 1, 9, a fait un pacte avec ses yeux pour n’être pas séduit. Amos, ii, 7, dit qu’en Israël le père et le fils vont vers la même fille, profanant ainsi le nom de Dieu aux yeux des étrangers. Osée revient sans cesse sur les allusions à la prostitution, à laquelle il compare l’idolâtrie d’Israël comme à une chose familière. Il déclare que Dieu ne punira pas les filles et les femmes de leurs adultères et de leurs prostitutions, car les hommes eux-mêmes « vont à l’écart avec les prostituées et sacrifient avec les courtisanes. Dès qu’ils ont fini de boire, ils se livrent à la prostitulion. » Ose., iv, 13, 14, 18. Isaïe, iii, 9, appelle Jérusalem une Sodome ; on y commet le mal en plein jour, sans se cacher. Jérémie, v, 7, montre les hommes de Jérusalem allantpar troupes dans la maison de la prostituée, et il les compare à des animaux. Ezéchiel ; xliii, 7, 9, rappelle les prostitutions dont le Temple a été le théâtre, probablement à l’époque de Manassé. De ces textes il faut conclure que la prostitution exerçait de grands ravages parmi les Israélites, surtout dans le royaume du nord, où la loi religieuse n’était plus capable de la réfréner, et dans les villes, comme Jérusalem, où se donnaient rendez-vous un grand nombre d’étrangères et où l’impiété des rois et des grands favorisait souvent la propagation du mal. II ne s’ensuit nullement toutefois que la masse de la nation ait été atteinte, spécialement en Juda. La loi morale et les prescriptions mosaïques gardaient encore assez de vigueur pour tenir la généralité des Israélites éloignée des excès auxquels se livraient leurs voisins. C’était un déshonneur, pour une fille de Juda, de devenir une prostituée. Am., vii, 17.

IV. Descriptions bibliques. — Pour inspirer plusgrande horreur du vice, les auteurs sacrés ne reculent pas devant des descriptions très réalistes. L’histoire de-Thamar et de Juda en est un premier exemple. Gen., . xxxviii, 14-26. L’auteur des Proverbes, vii, 10-23, montre la courtisane aux aguets, hors de sa maison, dans la rue, sur les places, à tous les angles, abordant sa victime, lui vantant les charmes de sa demeure, la sécurité de la rencontre.

D’autres fois, la provocatrice s’assied devant chaquepoteau. Eccli., xxvi, 15. Elle se construit un gdb, unlieu élevé et visible, oî-nr^a icopvikov, lupanar, elle se fait un rdmâh, un tertre, ’&x8eij.a, prostibulum ; il y en a un à chaque carrefour, et là se multiplient les prostitutions. Ezech., xvi, 24, 25. Non contente d’attendre-