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PROPRIÉTÉ


d’Egypte, Jéhovah étail considéré comme le souverain propriétaire du sol. Ps. xxiv(xxm), 1, 2. Israël rendait hommage à son droit en payant les redevances exigées, dîmes, prémices, etc. Le prince pouvait faire des dons, à condition de les prendre sur son propre domaine » sans expulser personne de sa propriété, et avec cette clause que le don revenait au domaine royal à l’année jubiliaire si d’autres que les fils du roi en avaient bénéficié. Ezech., xlvi, 16-18. Nul du peuple ne courait donc le péril d'être dépouillé de son bien, comme l’avait été Naboth. Chaque tribu doit avoir une part égale de territoire, et ce territoire forme une bande allant de la mer à la vallée du Jourdain. Dans chaque tribu, une portion est attribuée non seulement à l’Israélite, mais aussi au gêr, à l'étranger qui vit au milieu d’Israël en respectant ses lois. Ezech., XL vii, 13, 14, 21, 23. La capitale est comme une réduction de tout le pays. Il y a là encore la part des lévites, là part du prince et celle des habitants, pris d’ailleurs dans toutes les tribus. La ville n’est pas isolée ; elle a une banlieue composée de champs et de pâturages. Les artisans s’y livrent à la culture et pourvoient ainsi à la subsistance de ceux qui remplissent des fonctions dans la ville. Ezech., xlviii, 8-22. On le voit, c’est pour le fond l’organisation antérieure, "mais idéalisée et visant à une égalité sociale qui n’a pas été réalisée.

6° Au retour de la captivité, les Israélites trouvèrent les anciennes propriétés occupées ou à l’abandon. Assez peu nombreux eux-mêmes, victimes de calamités et de vexations multiples, ils eurent peine à vivre de leurs biens et beaucoup des moins aisés en furent réduits à engager leur avoir et à vendre leurs enfants comme esclaves. II Esd., v, 1-13. Néhémie parvint à relever momentanément la situation. La prospérité matérielle ne paraît guère avoir repris que sous la domination des Ptolémées.

V. À l'époque évangéliql’e. — 1° Du temps de NotreSeigneur, la propriété ne reposait plus sur les mêmes bases qu’aux époques antérieures à la captivité. Les tribus étaient plus ou moins confondues et seules les généalogies en gardaient fidèlement le souvenir. De plus, beaucoup d'étrangers s'étaient établis en Palestine et y possédaient. Aussi, quand il fait quelque allusion à la propriété, le Sauveur ne s’en occupe-t-il qu’au point de vue moral ou ne la constate-t-il que comme un fait. Il parle du petit propriélaire, qui sème dans son champ, Matth., xiii, 4, 21, 31, et du grand propriétaire, qui a de nombreux esclaves, Matth., xviii, 23 ; Luc, xii, 37 ; xvii, 7, qui possède de riches exploitations agricoles, Matth., xx, t ; xxi, 33 ; Luc, xvi, 1, qui amasse d’abondantes récoltes, Luc, xii, 17, et fait valoir sa fortune. Matth., xxv, 14 ; Luc, xix, 13. Il mentionne, sans apprécier sa conduite, celui qui réalise tout son avoir pour acheter un champ dans lequel il sait qu’un trésor est caché. Matth., xiii, 44. Le père du prodigue, Luc, xv, 12, et Joseph d’Arimathie sont des riches. Matth., xxvii, 57. Le mauvais riche est condamné, non pour sa richesse, mais pour le mauvais usage qu’il en a fait. Luc, xvi, 19. Le Sauveur rappelle le commandement qui protège la propriété légitime contre le vol, Matth., xix, 18, mais il se met fort au-dessus de toute question d’intérêt temporel. Lui-même n’a pas la propriété d’un gîte, Matth., viii, 20 ; Luc, ix, 58 ; il refuse de s’occuper d’une question d’héritage, Luc, xii, 14, et présente les richesses comme un obstable à l’entrée dans le royaume de Dieu. Matth., xiii, 22 ; xix, 23. A tous, il ordonne de chercher avant tout le royaume de Dieu et sa justice, Matth., vi, 23 ; Luc, xii, 31, et à ceux qui veulent devenir parfaits, il conseille de renoncer à toute propriété, Matth., xix, 21. En somme, NotreSeigneur laissa en l'état la question de la propriété. Il suppose formellement sa légitimité, mais il abandonne à la liberté humaine le soin de la répartir et de

l’utiliser. Il demande seulement aux plus aisés de s’intéresser à leurs frères pauvres, et à tous ses disciples de faire passer en première ligne les biens spirituels.

2° Après la Pentecôte, les chrétiens de Jérusalem établirent entre eux la communauté des biens. « Tous ceux qui croyaient vivaient ensemble, et ils avaient tout en commun. Ils vendaient leurs terres et leurs biens, et ils en partageaient le prix entre tous, selon les besoins de chacun. » Acl., ii, 44, 45. Trois mille Juifs environ s'étaient convertis à la parole de saint Pierre. Act., ii, 41. Parmi eux se trouvaient bon nombre de pauvres, de Juifs arrivés de l'étranger et de prosélytes sans grandes ressources. D’autre part, ceux qui demeuraient attachés au judaïsme se montraient fort peu sympathiques à ceux de leur famille qui embrassaient la foi nouvelle. Il était donc convenable que, parmi les convertis, les plus riches vinssent en aide aux moins fortunés. Leurs revenus ne suffisant pas à cette œuvre, ils vendaient leurs terres et leurs biens pour en utiliser le prix. Rien ne s’opposait à la vente et à l’achat des terrains. Naguère le sanhédrin avait acheté auprès de Jérusalem le champ d’un potier, avec les trente deniers de Judas. Matlh., xxvii, 7 ; cf. xiii, 44. En vendant ainsi leurs biens fonciers, les plus riches faisaient grand acte de charité ; en même temps, ils se dégageaient de toute attache terrestre et se rendaient libres pour le service de l’apostolat, comme il arriva pour Barnabe. Act., iv, 37, Quand la chrétienté de Jérusalem se fut encore accrue, elle continua sa vie de communauté fraternelle. « Nul n’appelait sien ce qu’il possédait, mais tout était commun entre eux… Il n’y avait parmi eux aucun indigent ; tous ceux qui possédaient des terres et des maisons les vendaient et en apportaient le prix aux pieds des Apôtres ; on le distribuait ensuite à chacun, selon ses besoins. » Act., w, 32, 34, 35. Les choses se passaient ainsi sous la seule action de la grâce divine ; on ne voit nulle part que les chefs de l'Église naissante aient imposé un renoncement si désintéressé. L’Esprit du Seigneur portait les fidèles à mettre en pratique ce que le Sauveur avait présenté comme un conseil de perfection, Matth., xix, 21, et nullement comme une condition nécessaire à la vie chrétienne. L'épisode d’Ananie etSaphire le prouve surabondamment. Ces deux chrétiens avaient vendu une propriété pour en apporter le prix aux Apôtres, en se réservant cependant une partie du produit de la vente. Saint Pierre leur reprocha de mentir au Saint-Esprit en retenant quelque chose du prix de leur champ et il dit à Ananie : c< Ne pouvais-tu pas, sans le vendre, en rester possesseur ? Et après l’avoir vendu, n'étais-tu pas maître de l’argent ? i> Act., v, 4. Il suit de là que les nouveaux fidèles n'étaient obligés ni de vendre leurs propriétés, ni d’en donner le prix à la communauté. La faute d’Ananie et de Saphire consista donc surtout dans une dissimulation accompagnée d’orgueil et de défiance envers la Providence. Ils voulurent se procurer, aux yeux de l'Église, la gloire de tout abandonner au bien commun, comme le faisaient leurs frères ; mais en secret ils tinrent à garder en partie le bénéfice de leur vente, comme si Dieu n'était pas là pour leur assurer le nécessaire. Plusieurs Pères, se référant sans doute à Lev., xxvil, 16-21, supposent que l’offrande totale des biens résultait d’une promesse ou d’un vœu qu’il était criminel de ne pas accomplir intégralement. Cf. S. Jérôme, Epist. cxxx, t. xxii, col. 1118 ; S. Augustin, Serm. cxlviii, 2, t. xxxvhi, col. 799 ; S. Grégoire, Epist. i, 34, t. lxxvii, col. 488.

3° À cette même époque vivaient à part, sur le bord de la mer Morte et dans l’oasis d’Engaddi, les esséniens, totalement séparés du reste de la société juive. Une de leurs lois fondamentales était la communauté des biens. Pour faire partie de leur association, il fallait mettre