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PROPHÉTIE

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artificiels ou appris de la divination, voir t. ii, col. 14431448, pas plus que des moyens naturels de se mettre en rapport avec Dieu. C’était Dieu lui-même qui leur révélait ou leur inspirait directement ce qu’ils devaient dire. Les moyens dont il se servait sont désignés dans l’Écriture par trois expressions différentes : la parole, la vision et le songe. Ces deux derniers moyens de communication prophétique devaient être les plus ordinaires, puisqu’ils sont distingués de la parole articulée, employée régulièrement par Dieu pour révéler à Moïse ses volontés. Num., xii, 6-8.

1° La parole. — Quand Dieu, pour exclure plus sûrement de son peuple les devins, Deut., xviii, 9-14, promit de susciter en Israël une série de prophètes, semblables à Moïse, il déclara qu’il placerait ses propres paroles dans leur bouche et qu’ils diraient tout ce qu’il leur ordonnerait de dire. Comme Moïse au Sinaï servit d’intermédiaire entre Jéhovah et son peuple, sur la demande de ce dernier qui craignait d’entendre directement la voix de Dieu, Exod., xx, 21, ainsi les prophètes parleront au nom du Seigneur au peuple, qui devra écouter leurs paroles. Deut., xviii, 15-19. Les prophètes entendirent donc parfois la parole articulée par Dieu lui-même, comme il arriva à Moïse au buisson ardent, Exod., iii, 4-22, et au Sinaï. Samuel entendit à Silo la voix divine qui l’appelait, I Sam., m, 4-14, et Dieu parlait à son oreille. I Sam., ix, 1517.. Cf. I(III)Reg., xvii, 2, 8 ; xviii, l ; xxii, 17 ; Amos, iii, 7 ; Ose., i, 2, 4, 6 ; iii, 1 ; Is., xviii, 4 ; Jer., ii, 1 ; xxiii, 28 ; Dan., viii, 1-27 ; x, 1, 5 ; Agg., ii, 1, 21 ; Zach., i, 1, 7. Il s’établissait parfois un véritable dialogue entre Dieu et le voyant, ainsi avec Élie, I (III) Reg., xix, 9-18, et avec Jérémie. Jer., xiv, 11-14. Mais le plus souvent, semble-t-il, les prophètes n’entendaient qu’une voix intérieure. Job, iv, 12, 16. C’est ainsi qu’on peut expliquer les révélations faites aux oreilles des prophètes. Is., xxi, 10 ; xxii, 14 ; xxviii, 22 ; Abdias, i, 1. Ils transmettaient de vive voix ou par écrit les paroles qu’ils avaient entendues au fond de leurs cœurs. Aussi leurs oracles prenaient-ils le nom de paroles de Dieu, Amos, ni, 1, et plusieurs recueils ont pour titre : « Paroles que Dieu a dites par le prophète. » Ose., i, 1 ; Joël., i, 1 ; Soph., i, 1 ; Jer., i, 1, 2.

2° La vision. — Les mentions de visions sont nombreuses dans les écrits des prophètes. Amos a eu cinq visions, groupées à la fin de son livre, vii, l-ix, 15. Isaïe reçoit la mission prophétique dans une vision, vi. Il voit un oracle, xiir, 1. Jérémie, peu après sa vocation, a deux visions, i, 11-19. Zacharie a une série de visions, i, 8, 18 ; ii, 1 ; iii, 1 ; iv, 1 ; v, 1, 5 ; vi, 1. Ézéchiel aussi en a fréquemment, i, 4 ; ii, 1 ; viii, 2 ; x, 1, 9, etc. Plusieurs livres prophétiques sont intitulés : « Vision ». Is., i ; Abdias, I, 1 ; Nahum, i, 1. Quelques-unes de ces visions étaient extérieures, Dan., v, 25, et corporelles et formaient de véritables apparitions. Dan., viii, 16-27. Mais le plus souvent, elles se produisaient dans l’imagination du voyant. Dieu avait annoncé à Aaron et à Marie qu’elles auraient lieu per senigmata et figuras. Num., xii, 8. On a remarqué qu’elles se présentaient sous des traits connus du prophète et empruntés au milieu où il vivait. Les images de ces visions sont ou palestiniennes ou assyriennes ou babyloniennes, selon que le voyant habitait la Palestine, i’Assyrie ou la Babylonie. Elles avaient lieu à l’état de veille (autrement, elles auraient été des songes) ou le jour ou la nuit. Dieu parle à Samuel de nuit. 1 Sam., iii, 3, 10 ; vii, 4 ; xv, 11, 16 ; Zach., i, 8 ; Job, iv, 13. Si le voyant était endormi, Dieu le tirait de son sommeil, ou d’un état semblable au sommeil. Jer., xxxi, 26 ; Zach., iv, 1.

"3° Le songe. — Quand Dieu manifestait sa volonté aux prophètes endormis, c’était en songe. Ce mode de manifestation divine, annoncé par Dieu, Num., xii, 6 ;

Deut., xiii, 1, 3, 5, est rarement attesté dans l’Écriture. Il est mentionné comme un moyen que Saùl aurait tenté inutilement pour consulter Dieu. I Sam., xxviii, 6, 15. Joël, ii, 28, annonce que, dans l’avenir messianique, les vieillards d’Israël auront des songes. Le seul exemple cité est celui de Daniel, vil, 1. Les faux prophètes aimaient les songes. Is., lvi, 10 ; Jer., xxiii, 25, 28, 32 ; xxvii, 9 ; Zach., ii, 2. — Sur l’état psychologique des prophètes pendant les visions, voir Prophète, col. 712.

III. Réalité des prophéties. — Qu’il y ait dans la Bible des prophéties véritables, c’est-à-dire des manifestations surnaturelles de ses volontés, faites par Dieu> aux hommes par l’intermédiaire d’individus inspirés, c’est tout à la fois un fait constaté et un dogme de la foi catholique, — 1° Preuves scripturaires. — 1. L’affirmation des prophètes eux-mêmes. — Tous les prophètes israélites déclarent qu’ils parlent au nom de Jéhovah, que Jéhovah parle par leur boucheet qu’ils annoncent en son nom ce qu’il faut faire et ne pas faire et ce qui arrivera. Voir Prophète, col. 711. Ils croyaient donc être et ils se sont donnés comme les organes de la divinité, parce qu’ils avaient conscience de leur inspiration divine. Ils en fournissaient des preuves à leurs contemporains, qui ont cru à leur mission et à leur inspiration, en voyant plusieurs de leurs prédictions accomplies à brève échéance et les miracles qui les autorisaient. On peut chercher à> expliquer naturellement ces faits ; on ne peut les nier, et le témoignage d’hommes probes, sincères, désintéressés, en faveur de leur propre inspiration est recevable. En racontant leurs visions, ils exprimaient des expériences réelles qu’ils avaient éprouvées, et on ne peut prétendre qu’ils employaient un procédé littéraire pour exprimer leurs propres pensées et les faire passer auprès d’une foule crédule pour celles de Dieu. Leur parole n’a pas toujours été crue, Amos, ii, 12, " Is., xxxviii, 7 ; Jer., vi, 17 ; vii, 25-28 ; xi, 8, 21, etc., et ils. ont été persécutés, parce que leurs oracles inspirés étaient la plupart du temps à l’encontre des idées de leurs contemporains, des chefs de la nation aussi bien que du peuple tout entier. Matth., v, 12 ; xxm, 29-37 ; Luc, vi, 23 ; XI, 47-50 ; xiii, 34 ; Act., vii, . 52 ; Rom., xi, 3 ; I Thés., ii, 15 ; Heb., xi, 32-40 ; Jac, v, 10. Seul, le sentiment intime de la réalité de leur inspiration divine a pu leur donner à tous l’énergie et le courage nécessaires pour supporter les persécutions dont ils étaient l’objet, et remplir, malgré tout, la mission que Dieu leur avait confiée. — 2. L’affirmation de Jésus et de ses Apôtres. — Ils en ont appelé aux écrits des prophètes comme au témoignage de Dieu même, et ils ont signalé la réalisation des prophétiesmessianiques. Voir t. iii, col. 888-889. L’inspiration des prophètes a été explicitement affirmée par saint-Paul, Heb., i, 1, et deux fois par saint Pierre. I Pet., i, 10-12 ; II Pet., i, 16-21. Voir t. iii, col. 889-890. — 2° Preuves traditionnelles. — Les Pères, appuyés sur le double témoignage de l’Ancien et du Nouveau Testament, ont affirmé et enseigné l’inspiration divine desprophètes d’Israël. Voir t. iii, col. 891-897. Cf. Leitner r Die prophetische Inspiration, Fribourg-en-Brisgau, 1896, p. 98-190. — 3° Preuves dogmatiques. — Après avoir été cru, affirmé et prouvé, le dogme de l’inspiration des prophètes a été explicitement défini par l’Église. Voir t. iii, col. 897-898 ; Leitner, op. cit., . p. 191-195. Le fait de l’inspiration divine des prophètesest donc un dogme de la foi catholique. — 4° Réponseaux objections des critiques. — La plupart des critiques rationalistes ont opposé à la réalité divine des prophéties une fin de non-reeevoir, fondée sur des raisons philosophiques et sur l’impossibilité d’une intervention surnaturelle de Dieu et de la prédiction del’avenir. Kuenen a discuté à fond la doctrine tradi—