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PROPHÈTE


et la ruine de sa maison. Ibid., xvi, 1-4, 7. Après deux ans de règne, Éla, fils deBaasa, fut détrôné par Zambri, 8-13. Amri fut la tête d’une nouvelle dynastie, qui fut idolâtre. Cependant, c’est en punition de l’usurpation de Sa vigne de Naboth par Achab qu'Élie prédit la chute de sa maison. Ibid., xxt, 17-24. Seule, la pénitence d' Achab fit retarder la menace de ruine à la génération suivante, 27-29. Elisée envoya un fils de prophète sacrer Jéhu, II (IV) Rég., ix, 1-10, qui extermina la maison d' Achab. Ibid., x, 10, 17. Parce que ce nouveau roi fut idolâtre, lui aussi, ses fils ne régnèrent que jusqu'à la quatrième génération, 30. Zacharie, en effet, périt assassiné. Ibid., xv, 12. Les prophètes faisaient donc et défaisaient les rois d’Israël. Us n'étaient pas pour cela desadversaires de la royauté par principes républicains. Aucun d’eux n’a prêché le renversement du trône au profit d’une constitution nouvelle. Par ordre de Dieu, ils substituaient roi à roi, maison à maison, et ils proclamaient le principe de la légitimité dynastique, tant que la dynastie était elle-même fidèle à sa mission. S’ils prenaient fait et cause pour un prétendant et favorisaient les usurpateurs, ce n’est pas par républicanisme, mais simplement par application rigoureuse du régime théocratique. Dès que le roi, donné par Dieu à Israël, manquait à son devoir et introduisait ou maintenait l’idolâtrie, il cessait d'être le monarque que Dieu voulait à la tête de son peuple, et les prophètes, après avoir protesté contre les rois coupables, annonçaient leur chute sans toutefois les renverser directement du trône.

Dans le royaume de Juda, comme Dieu avait promis la pérennité à la dynastie davidique, II Sam., vii, 13, les prophètes n’interviennent pas au sujet de la succession au trône et ils se bornent à réclamer contre les infiltrations idolâtriques, favorisées par quelques rois. Leur action politique s’exerce sur un autre terrain. Après la scission des dix tribus, Séméias empêche Roboam de faire)a guerre aux Israélites. I (III) Reg., xii, 22-24. Azarias félicite Asa de sa victoire sur le roi d’Ethiopie et s’appuie sur cette protection divine ponr l’exciter à veiller à la pureté du culte. II Par., xv, 1-7.

Dans les deux royaumes, les prophètes s’opposent spécialement aux alliances avec les peuples voisins, lorsqu’elles devaient servir à la lutte fratricide de Juda et d’Israël et lorsqu’elles étaient dangereuses pour la religion. Hanani reproche à Asa sa confiance en Renadad, roi de Syrie. II Par., xvi, 7-10. Quand Achab victorieux a épargné un autre Benadad, roi de Syrie, et a fait alliance avec lui, un fils de prophète, par une action symbolique, lui reproche cette conduite et le menace du châtiment divin. I (III) Reg., xv, 35-42. Des prophètes lui avaient promis la victoire. Ibid., 13, 14, 22, 28. Quand Achab et Josaphat se sont alliés contre les Syriens, tandis que les faux prophètes prédisent le succès, Michée, fifs de Jemla, annonce la défaite. Ibid., XXJi, 5-28. Et Josaphat fut repris par Jéhu, fils d’Hanani, pour avoir donné son concours à Achab en cette occurrence. II Par., xix, 1-3. Le lévite Jahaziel est suscité par Dieu pour annoncer à ce roi la victoire dans la guerre contre les Ammonites et les Moabites. Ibid., xx, 14-17. Elisée dévoile à Joram, roi d’Israël, les desseins du roi de Syrie. II (IV) Reg., ti, 8-23. Il promet à Joas trois victoires sur les Syriens. Ibid., xiii, 14-21. Quand les rois d’Israël et de Juda voulurent jouer un rôle dans la politique générale en s’appuyant tantôt sur l’empire de Ninive, tantôt sur celui d’Egypte, les prophètes blâmèrent cette politique de bascule et furent constamment les adversaires des alliances étrangères. Osée, vii, 8-16, prédit aux Israélites qu’ils seront victimes de leur confiance dans l’Egypte et que les Assyriens les accableront, lorsqu’ils seront en guerre avec les Égyptiens. Isaïe qui a prédit à Achaz la défaite des peuples alliés contre Juda, vii, 1-17, est violemment

opposé aux Judéens qui comptent sur l’Egypte. Le seul espoir de Juda en face des menaces des Assyriens est dans le Seigneur, xxx, l-7 ; xxxi, 1-9. Il réconforte Ézéchias et l’empêche d’accepter les propositions d’alliance avec les Assyriens, faites par Rabsacès, xxxvi, xxxvii. Voir t. i, col. 385-386. Sous Amasias de Juda, un homme de Dieu prédit la défaite des Iduméens. II Par., xxv, 7-9.

Les prophètes hébreux ont donc fait de la politique, mais c’a été pour réformer l’esprit de gouvernement des rois, pour faire prévaloir les principes du droit, de la justice, de la morale, les appareils exagérés de guerre et les alliances dangereuses. Us reprochaient aux rois leurs fautes, à David son aduJtère, à Achab l’usurpation de la vigne de Naboth. Ils s’opposaient à leurs projets de guerre, et loin de s’appuyer sur le peuple, même fidèle, pour combattre la fausse politique des monarques, ils bravaient parfois l’opinion, quand le peuple suivait ses princes infidèles à la théocratie ; ils annonçaient l’insuccès, la défaite et ils subissaient la persécution. Leur politique a donc toujours été une politique religieuse, théocratique, imposée et sanctionnée par Dieu.

3° Rôle littéraire. — S’il ne nous reste rien ou à peu prés des discours enflammés des anciens prophètes d’Israël, nous avons toute une littérature prophétique, qui va du IXe siècle jusque après le retour desJuifs captifs à Babylone. Les prophètes ont don créé, sous l’inspiration divine, un genre spécial de productions littéraires, dont la plupart sont des chefs-d'œuvre de la littérature hébraïque. Les premiers prophètes écrivains ont composé et publié leurs écrits à l'âge d’or de cette littérature. La forme oratoire de leurs oracles parlés avant d'être rédigés, se rapproche à des degrés divers du lyrisme des poètes. Us sont des orateurs poètes, et leurs œuvres, qui sont les classiques hébreux, renferment des beautés littéraires de premier ordre. La vivacité, le coloris de leurs peintures, la véhémence de leurs apostrophes, l’originalité et le naturel de leurs comparaisons, la force, la franchise, la puissance et l’audace de leurs paroles inspirées donnent à leurs discours un cachet inimitable. Cependant, tous ne se sont pas élevés à ces hauteurs et, au cours des siècles, le genre prophétique a évolué au point de vue littéraire. La lyre prophétique perd parfois de sa fraîcheur. Après la fin de la captivité, la forme est moins parfaite, et la poésie cède la place à la prose. La langue ellemême est moins pure ; elle exprime pourtant encore de bien nobles accents.

VI. Suite chronologique des prophètes. — Les prophètes d’action ont précédé les prophètes écrivains, — 1° Prophètes d’action. — Sans parler d’Abraham qui a été appelé nâbi', Gen., xx, 7, au sens large du mot, parce qu’il avait reçu de Dieu des révélations et des confidences, Moïse est le premier et le plus grand prophète hébreu. Au Sinaï, il avait parlé avec Dieu bouche à bouche, et il avait promulgué la loi religieuse qui devait régir le peuple choisi. Deut., xxxiv, 10. Voir t. iv, col. 1200-1202. Il était, en outre, l’interprète autorisé de la législation, dont il avait été l’intermédiaire, et il avait en Israël la fonction d’oracle attitré de Dieu : il répondait aux consultations du peuple. Exod., xviii, 13-16. Sur le conseil de Jéthro, il choisit des chefs, qui le suppléèrent dans cette charge, 17-27, et sur lesquels Dieu répandit une part de l’Esprit qui était en Moïse. Ces hommes et d’autres, sur lesquels l’Esprit de Dieu s'était reposé, prophétisèrent et parlèrent au nom du Seigneur. Num., xi, 24-29. Après le passage de la mer Rouge et le cantique de Moïse, Marie, la sœur du guide des Hébreux^ était devenue prophétesse et, sous l’inspiration divine, avait chanté le cantique de son frère. Exod., xv, 20 ; cf. Num., xii, 2. Voir t. iv, col. 776. Ralaam, un devin païen, fut obligé de