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PROPHÈTE


Sunamite privée de son fils unique, Il (IV) Reg., iv, 27 ; et le prophète irrité a besoin d’un harpiste pour calmer sa colère et le prédisposer à recevoir la révélation divine. II (IV) Reg., iii, 11-20. Les oracles des prophètes écrivains n’étaient pas proférés à jet continu. Chacun a eu son occasion propre et le prophète ne recevait les révélations divines que lorsque Dieu le voulait et dans la mesuré même où il le voulait.

III. Manière dont les prophètes manifestaient les volontés divines. — 1° De vive voix et par la parole. — Les prophètes, étant essentiellement des orateurs et des prédicateurs qui parlaient au nom de Dieu et sous son inspiration, ont exercé leur mission surtout par la parole. Tous les anciens prophètes, qu’on appelle prophètes d’action ou non-écrivains, n’ont agi sur leurs contemporains que par leurs oracles promulgués de vive voix et par leurs discours. Élie, Elisée et d’autres n’ont laissé aucun recueil de leurs prophéties. Ce n’est que vers le milieu du vme siècle que commence la prophétie écrite et encore les prophètes de cette époque, avant de faire eux-mêmes ou de laisser faire la collection de leurs oracles, les avaient prononcés de vive voix en public. Amos, le plus ancien peut-être des prophètes écrivains, lorsqu’il paraît pour la première fois à Béthel, parle au peuple et au prêtre Amasias.On peut légitimement supposer qu’il a communiqué les autres messages de Dieu par la parole avant de les rédigor par écrit. Jérémie a prophétisé pendant 23 ans sans écrire, et ce ne fut qu’après ce long laps de temps que Dieu lui ordonna de prendre un rouleau et d’y consigner ses précédents oracles, xxxvi, 1, 2. Il avait, du reste, prononcé quelques-uns d’entre eux dans la cour du Temple de Jérusalem, xxvi, 2. Beaucoup de prophéties ont la forme de discours qui ont sans doute été dits avant d’être couchés par écrit. La parole était certainement à cette époque le moyen le plus efficace de faire connaître et de propager les oracles divins.

On peut donc penser que la plupart des prophètes écrivains ont été orateurs avant de devenir écrivains. Ce n’est qu’après avpir fait entendre aux oreilles de leurs contemporains les volontés divines qu’ils les ont consignées par écrit. Leurs écrits ne sont donc qu’une reproduction de leur prédication. Vraisemblablement, les discours des prophètes n’étaient pas reproduits par eux intégralement, textuellement, sténographiquement. Â moins qu’il ne s’agisse d’oracles écrits pour être lus, la reproduction n’est pas faite ira extenso, mais seulement sous forme de citations partielles ou même de simples résumés. Jérémie, commençant à dicter ses prophéties après 23 ans de ministère, ne se souvenait plus textuellement des paroles qu’il avait prononcées, et il n’a pu les reproduire littéralement. Les écrits de beaucoup de prophètes sont donc des recueils d’extraits ou de spécimens de leur prédication. Ils y ont résumé et condensé eux-mêmes la substance de leur enseignement, les thèmes qu’ils avaient vraisemblablement traités et développés à diverses reprises. Parfois cependant, le texte primitif a été reproduit intégralement. On peut penser qu’il en a été ainsi de ces discours rédigés sous forme poétique, en strophes régulières et avec refrain répété.

2° Par écrit. — Toutefois, certaines parties des livres prophétiques n’ont probablement pas été prononcées de vive voix, mais ont été publiées seulement par écrit. Ainsi les prophéties d’Osée paraissent être moins des discours que des oracles écrits pour être répandus parmi le peuple et communiqués par la lecture. Isaïe, qui avait été à la rencontre d’Achaz pour lui dire les menaces divines, vii, 3-25, voulut, parce que sa mis. sion était mal vue du peuple, lire la révélation et fermer avec un sceau la doctrine parmi ses disciples, viii, 16 ; ce qui signifie qu’il résolut de ne plus la répandre « n public, et de la réserver à un petit groupe de fidèles.

S’il n’avait pas pensé alors à la laisser par écrit, il reçut plus tard de Dieu l’ordre d’écrire les instructions du Seigneur, xxx, 8. II est possible que toute la seconde partie de son livre, xl-lxvi, dont la composition est si régulière, n’a été publiée que par écrit. Quand Jérémie eut dicté à Baruch ses oracles antérieurs et les eut réunis en un volume, il en fit lire publiquement une partie au peuple, xxxvi, 4-10, et aux princes, 11-19. On les lut aussi au roi, qui jeta le volume au feu, 20-25. Jérémie dicta à son secrétaire un volume plus complet que le précédent, 27-32. Le livre de Baruch a été écrit tout entier pour être lu aux Juifs exilés à Babylone, Bar., i, 1-4, ainsi que la lettre que Jérémie adressa aux mêmes captifs. Bar., vi. L’ordre et la disposition du livre d’Ézéchiel font penser que le prophète l’a écrit d’un seul jet, quoique quelques parties soient la reproduction de discours précédents, iii, 10-15 ; XX, 2-44 ; xxiv, 18-27 ; xl, 4. On estime que le plan de restauration religieuse, dressé par lui, xl-xlvhi, n’a pas été destiné à être lu en public. Toutefois, Ézéchiel n’a pas été seulement un prophète de cabinet, comme on l’a dit, il a été aussi bien que ses devanciers un orateur en contact immédiat avec les exilés ; mais il a composé lui-même le recueil de ses prophéties. On a donc eu tort de prétendre que, pour lui, la vision prophétique n’était plus une expérience réellement éprouvée et qu’elle était devenue un genre littéraire, une simple forme dont se revêtait la pensée de l’écrivain. Le livre de Daniel a été composé pour être lii, et ses oracles ne semblent pas avoir été publiés de vive voix, avant leur publication littéraire.

Les recueils d’oracles prophétiques ont vraisemblablement été formés pour la plupart par les prophètes eux-mêmes qui réunissaient ainsi, groupaient l’ensemble de leurs oracles, dont quelques-uns peut-être avaient primitivement été rédigés sur des feuilles volantes. Il n’est pas certain toutefois que tous aient fait la collection de leurs prophéties, Quelques-uns ont pu laisser ce soin à leurs disciples. Les oracles d’Isaïe et de Jérémie ne semblent pas avoir eu, dès le début, une destination publique. Ces prophètes les avaient gardés dans le cercle étroit de leurs disciples. Plus tard, les livres prophétiques furent communiqués au peuple, et tous finirent par être reconnus officiellement et publiquement comme la parole de Dieu. La prophétie écrite a ainsi exercé une plus grande influence que la prophétie simplement orale. Après avoir produit son effet immédiat dans les milieux auxquels elle était destinée, elle a transmis aux siècles suivants et à toutes les générations juives et chrétiennes la révélation divine.

3° Par actions symboliques. — Souvent, les volontés divines étaient manifestées au peuple et rendues tangibles en quelque sorte par des actions symboliques, accomplies par les prophètes et racontées dans les Livres Saints. Les prophètes d’action en ont accompli aussi bien que les prophètes écrivains, En coupant son manteau en douze parts et en en donnant dix à Jéroboam, le prophète Ahias annonçait symboliquement le schisme de dix tribus. I (III) Reg., xi, 29-39. Le fils du prophète, qui se fait battre et blesser et qui se présente au roi Achab sur le chemin, voulait par sa conduite attirer l’attention du roi et lui faire mieux comprendre le tort qu’il avait eu de s’allier avec Bénadad. I (III) Reg., xx, 35-43. Les mariages d’Osée avec Gomer et avec une femme débauchée ne sont, probablement, - ni une fiction allégorique, ni une simple parabole, ni des actes accomplis en vision, mais des histoires vraies, symbolisant la conduite d’Israël è l’égard de Dieu : Voir t. iv, col. 1909-1912. Isaïe, 1-4, écrit sur une grande tablette en grands caractères et devant témoins le nom prophétique qu’il donnera au fils qui lui naîtra bientôt. Ce prophète, nu et déchaussé, parcourt Jérusalem, comme s’il était un prisonnier de guerre, pour figurer les captifs