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PROPHÈTE


l’interprète des volontés de Dieu auprès des hommes.

Le nom de nâbï, ayant cette signification, a remplacé l’ancien nom de rô’êh et est devenu d’un emploi universel pour désigner les représentants de Dieu en Israël. I Sam., IX, 9. II a toujours caractérisé un homme qui parle au nom de Dieu et qui répand des oracles divins. Tout ce qui va suivre confirmera cette explication.

4° Le npotpr ( TTn ; des Septante. — Ce mot grec traduit régulièrement, dans la version grecque dite des Septante, le nom nâbi’appliqué aux vrais prophètes, et quelquefois rô’éh, I Par., xxvi, 28 ; II Par., xvi, 7, 10, et hàzéh. II Par., ix, 2 ; xxix, 30 ; xxxv, -15. Il faut exposer la véritable signification de ce nom, duquel viennent le mot latin propheta et le nom français prophète.

a) Étymologie. — Les Pères et les théologiens ont donné diverses explications de ce nom. Eusèbe de Césarée, Demonsl. ev., I. V, prolog., t. xxii, col. 345, le faisait dériver de itpo : pocîveiv et lui donnait la signification de communication par le Saiut-Esprit des choses futures et cachées. Saint Thomas a adopté une dérivation analogue, puisqu’il séparait upô, procul, et tpavo : , apparitio, et il en a conclu que la prophétie consistait principalement dans la connaissance surnaturelle des choses inconnues. Sum. theol., II a II 85, q. clxxi, a. 1. Suarez, De fide, disp. VIII, sect. iii, n. 1, Opéra, Paris, 1858, t. xil, p. 227, l’a rejetée à juste titre comme n’ayant aucun fondement dans la langue grecque. Ce théologien préférait une autre étymologie, communément admise, qui fait venir ce mot de itpocpâvai, « dire à l’avance, » et qui considère la prophétie comme une prédiction de l’avenir. Cette interprétation était déjà acceptée par saint Irénée, Cont. hser., 1. IV, c. xx, n. 4, t. vii, col. 1034 ; par saint Ambroise, De benedictione patriarcharum, 1. II, n. 7, t. xiv, col. 676 ; par saint Basile, In Isa., proœm., n. 3 ; 1. III, t. xxx, col. 224, 284 ; par saint Chrysostome, In Vidi Dominum, hom. ii, d. 2, t. lvi, col. 111 ; et par saint Grégoire le Grand, In Ezech., 1. I, hom. i, n. 1, t. lxxvi, col. 786. Elle a donné naissance à l’opinion vulgaire, qui ne reconnaît dans les prophètes que des prédiseurs de l’avenir. Mais tout en admettant cette dérivation, on peut et on doit, semble-t-il, lui donner une meilleure explication. Dans TtpoçTyrric, la préposition itp<5 n’est pas une particule de temps. Comme dans les mots composés analogues, itpièoaxoç, vice-pasteur, itp160uXoç, qui prend conseil pour un autre, irpiStxoç, qui traite l’affaire d’autrui, TrporiTopsîv, parler à la place d’autres, etc., et en latin, proconsul, procurator, proprietor, propugnator, etc., « Ile signifie « à la place de ». Le irpoçrJT/iï est donc celui qui pro alio loquitur, et il exprime ainsi très bien le sens de nâbi’.

b) Signification. — Du reste, upo^r/jc, chez les écrivains grecs profanes, signifie interprèle, et non prédiseur de l’avenir. Denys d’Halicarnasse appelle les prêtres Ttpotpîirat ifiv Seîtov, c’est-à-dire les interprètes des choses divines. Platon dit que les poètes sont Mo’Jdûv 7tpoçï]Tai. Thémistius, Orat., xxiii, nomme xpocpïJTr, ; , celui qui explique Aristote. Philon aplusieurs fois présenté les prophètes d’Israël comme les interprètes de Dieu, qui ne disent que ce que Dieu leur fait dire. Les Pères, même ceux qui admettaient, l’étymologie tirée de upocpâvoti, ont donné cette signification.

-S. Chrysostome, In Act., hom. xix, 5, t. lx, col. 156 ; In I Cor., hom. xxxvi, 4, t. lxi, col. 311 ; S. Augustin, Qusest, in Heptateuch., ii, 17, t. xxxiv, col. 601 ; Synopsis Sac. Script, (attribuée à saint Chrysostome), t. lvi, col. 317. Les commentateurs catholiques, à partir du xviie siècle, ont généralement adopté cette interprétation, qui n’est pas, comme on le prétend quelquefois, « ne découverte de l’exégèse moderne.

il. d’après leur manière d’agir. — Tout ce que disent et font les prophètes, ils le disent et ils le font, non pas en leur nom personnel, mais au nom de Dieu.

Beaucoup de leurs oracles oraux ou écrits débutent par ces mots : « Ainsi parle le Seigneur. » I Sam., x, 18 ; xv, 2 ; I (III) Reg., xiii, 2 ; xxii, 11 ; II (IV) Reg., vii, 1 ; Is., vii, 7 ; Jer., ii, 2 ; xix, 1 ; Ezech., v, 5, 8 ; vi, 11 ; vu, 5 ; xi, 2, 7, 16 ; Amos, i, 2, 3, 6, 11, 13 ; ii, 1, 4, 6 ; Abdias, 1 ; Agg., i, 2, 5, 7 ; Zach., i, 3, etc. Dieu lui ordonne de parler ainsi : « Le Seigneur dit ceci. » Jer., IX, 24 ; Ezech., xi, 17 ; xil, 23. Le prophète a entendu de la bouche de Dieu les paroles qu’il proclame. Ezech, , ni, 17 ; xxxiii, 7 ; Hab., iii, 2. Il annonce la parole de Dieu. Is., i, 10 ; xxviii, 14 ; Jer., ii, 4, 31 ; vii, 2 ; IX, 20 ; Ezech., vi, 3 ; xiii, 2 ; xx, 47 ; Ose., iv, 1 ; Amos, vu, 16, etc. Dieu lui ordonne de proclamer ce qu’il lui a dit. Jer., xix, 2 ; Ezech., iii, 4. C’est Dieu qui parle par sa bouche. Is., iii, 6 ; Ezech., xvii. 21. La parole du Seigneur lui a été dite. Ezech., vi, 1 ; vii, 1 ; xi, 14 ; xii, 1, 5, 17, 21, 26 ; xiii, "1, etc. Bref, ce que le prophète dit n’est pas le produit de son esprit, et toutes ses paroles sont des paroles divines. Or, rien n’est plus varié que leur objet. Elles ne concernent pas toutes l’avenir. Elles font connaître les résolutions que Dieu a prises, ses desseins. Elles sont généralement accompagnées d’avertissements et d’exhortations, de reproches, de menaces, de consolations. Elles forment parfois un discours entier. Le prophète manifeste donc toutes les volontés de Dieu, présentes et futures. Il est le porteparole de Dieu, le médiateur de la révélation divine, l’organe de Jéhovah, l’interprète humain de la pensée divine, un orateur divinement inspiré. Philon en donnait déjà cette définition, et saint Pierre l’a déclaré : « Les saints hommes de Dieu ont parlé sous l’inspiration du Saint-Esprit. » II Pet., i, 21.

II. Vocation et inspiration divine des prophètes.

— Les prophètes d’Israël ne se sont pas introduits d’eux-mêmes dans le ministère qu’ils remplissaient. Dieu les suscitait parmi son peuple. Deut., xviii, 18. Leur vocation, leur mission, leur inspiration sont divines ; tous leurs actes, tous leurs oracles, ils les rapportaient à Dieu.

1° Vocation et mission. — Ce n’est ni de leur propre choix et de leur initiative privée ni par une éducation spéciale que les prophètes d’Israël ont commencé et rempli leur ministère. Amos était un simple berger de Thécué, i, 1 ; Dieu l’a pris derrière son troupeau et l’a envoyé prophétiser à Israël, vii, 14-15. Il est donc devenu prophète par vocation expresse et personne ne saurait aller à l’encontre de cet appel divin, ni les prêtres de Béthel ni les rois d’Israël. Ce n’est pas pour remplir un métier et gagner son pain qu’il prophétise comme le supposait Amasias, vii, 12 ; c’est pour obéir à l’ordre de Dieu. L’appel divin a été pour lui d’une clarté irrésistible ; il a quitté son métier de berger et s’est exposé aux dénonciations et aux menaces d’Amasias. La parole divine l’a saisi et subjugué : « Dieu parle ; qui ne prophétiserait ? » iii, 8. Dans une vision, Isaïe a entendu Dieu demander qui il enverrait ; il s’est offert généreusement et il a reçu l’ordre d’annoncer à Juda les volontés divines, vi, 8, 9. Jérémie a été choisi par Dieu comme prophète dès le sein de sa mère. Comme Moïse, il veut repousser la mission qui lui est confiée. Dieu le fortifie, touche sa bouche pour la rendre éloquente et le charge d’une mission pénible, I, 4-10. Plus tard, quand l’accomplissement de sa mission lui attire le mépris de ses contemporains, il se plaint amèrement que Dieu l’ait fait prophète par force. IJ avait voulu garder le silence ; mais il a senti brûler dans ses entrailles et dans ses os un feu dévorant et il a été contraint de céder et de parler, xx, 7-9. Cf. iv, 19-26 ; xv, 10, 15. Ézéchiel a reçu de Dieu, lui aussi, la mission de parler aux Israélites coupables et de ne pas craindre leur opposition, ii, 1-6. Les autres prophètes, bien qu’ils ne nous aient fait connaître ni l’époque ni le mode de leur vocation, étaient cependant choisis par