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PROPHETE


2° Le Jfôzéh ou voyant. — Étymologiquement, ce nom

a la même signification que ro’éh. Il vient, en effet

de la racine mn, hâzâh, « voir ». Il en est le participe

ii

kal, pris substantivement, et dans l’usage, il désigne,

comme ro’éh, le prophète voyant. Il est plus fréquemment employé que le précédent, surtout à partir d’Amos. Il désigne cependant des prophètes antérieurs. Gad est le hôzéh de David^ II Sam., xxiv, 11 ; I Par., xxi, 9, ainsi que Héman, I Par., xxv, 5, Asaph, I Par., xxix, 30, etldithun. [I Par., xxxv, 15. Addo, qui a écrit l’histoire de Salomonet de Roboam, est dit aussi hôzéh II Par., IX, 29 ; xii, 15. Quelques critiques en ont conclu que le hôzéh était le prophète attaché à la famille royale, tandis que le rô’éh était un voyant s’occupant des affaires des simples particuliers. Mais le hôzéh Jéhu, fils d’Hanani, avait fait des reproches à Josaphat. II Par., xix, 2. L’histoire d’Amos à Béthel, vii, 12-17, est surtout en opposition avec cette conclusion. Amasias interdit à Amos, qu’il appelle hôzéh, de prophétiser à Béthel, qui est le sanctuaire du roi, une maison royale. Si le hôzéh avait été le voyant de la cour royale, Amos n’aurait pas reçu ce nom de la bouche d’Amasias. Des hôzîm avaient parlé à Manassé au nom du Seigneur. Il Par., xxxill, 18. Il y avait eu, d’ailleurs, en Israël et en Juda des hôzîm qui avaient manifesté les ordres du Seigneur. II (IV) Reg., xvii, 13. Ils avaient vu les visions de Dieu, hâzôn, et reçu ses révélations pour les communiquer aux hommes. Voir Prophétie.

Cependant, le pluriel, hôzîm, a spécialement dési-. gné les faux prophètes. Michée, iii, 7, les nomme avec les devins et il annonce leur confusion : ils n’auront pas de « réponse de Dieu ». La nuit leur servira de vision et les ténèbres de divination, 6. Le prophète lui-même, au contraire, est rempli de la force de l’esprit du Seigneur, 9. lsaïe, xxix, 10, parle aussi des faux prophètes de Juda, qui voient des visions, mais que Dieu couvrira de sommeil et dont il fermera les paupières, de sorte que la vision sera pour eux comme un livre scellé, dans lequel ils ne pourront lire, 11, 12. Les Juifs incrédules refusaient de croire les vrais voyants et demandaient aux faux prophètes de leur annoncer ce qui leur plaisait et d’avoir des visions fausses et erronées. Is., xxx, 10. Cf. Ezech., xiii, 9, 16 ; xxii, 28.

Bien que le nom de hôzéh ait servi en dernier lieu à nommer les faux prophètes, primitivement ii désignait le vrai prophète considéré comme un homme dont les yeux ne sont pas fermés aux visions divines, qui les voit, qui lit la réponse de Dieu et qui la communique aux autres. Il était donc synonyme de rô’éh. La seule différence entre ces deux dénominations est que la seconde a été appliquée aux faux prophètes et la première pas.

3° Le ndbî’ou interprète de Dieu. — a)Etymologie.

— L’origine de ce nom est incertaine et sa signification étymologique douteuse. On l’a recherchée dans l’hébreu ou dans d’autres langues sémitiques. Si nàbï. ne peut venir de toa, ndbâ, qu’il est impossible de décomposer en une racine inconnue N3, ba’, « parler », et en la préposition a, ayant le sens de xari nâbà’signifierait

alors « convaincre par la parole », et le ndbî’serait un homme puissant en discours), on a cherché plus ou moins heureusement à le rattacher à d’autres racines : ou bien à ix, ndbâ’, signifiant « bouillonner » et par

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suite « répandre abondamment des paroles i>, et dont N33 nâbâ", est la forme adoucie par le changement de

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aîn en aleph ; ou bien à aw, nûb, « sortir, pousser, germer », ou à sa racine bilittère 33, nb, exprimant un mouvement quelconque du dedans au dehors, quels qu’en soient le point de départ et le moteur, de sorte que le nâbV serait l’homme qui émet des pa roles, des oracles, et qui est orateur. Les critiques qui soutiennent que le mot ne dérive pas d’une racine hébraïque ou au moins n’a pas de racine dans l’hébreu de la période historique, le font provenir d’autres langues sémitiques, soit de l’arabe nabaa, « annoncsr » une nouvelle, porter un ordre, soit de l’assyrien nabù, qui signifie « crier, publier, annoncer » et d’où dérive le nom du dieu babylonien Nabo, dieu de la sagesse et de la science, de la parole et de l’écriture, voir t. iv, col. 143H436, de sorte que nâbi’signifierait celui qui parle de la part de Dieu, l’orateur divinement inspiré.

6) Forme grammaticale. — Les hébraïsants ont reconnu au mot hébreu nâbf une forme passive ou active et ont précisé en conséquence la signification passive ou active du nom. Si on considère le mot ndbî’comme un participe passif qâlîl, le nâbi’est un homme à qui il est parlé, qui entend une voix intérieure, mystérieuse et intelligible pour lui seul et qui ne parle que sous l’action d’un révélateur, un homme qui est donc inspiré. C’est pourquoi les actes des prophètes sont toujours exprimés dans la Bible par des verbes au niphal et à Vhithpahel, qui sont deux formes passives. Mais même en admettant la justesse de ces observations, des grammairiens plus récents ont remarqué que les participes passifs, devenus substantifs, ont perdu la signification passive et ont un sens actif ; ainsi Tps,

pdqîd, surveillant, -|tïF, qasîr, moissonneur, 3>-n, nd 7’H

dîb, noble, prince,-pu, nâgîd, chef, b>ai, rdkîl, ca T * T

lomniateur, etc. D’ailleurs, le niphal est plutôt la forme réfléchie du gai ell’hithpahel la forme réfléchie du phel. Par suite N3 : et N3^nn, qui sont souvent employés l’un

pour l’autre, ont la signification réfléchie et veulent dire : ce se montrer prophète. » N’33, a donc plutôt une forme

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active et désigne « celui qui parle », non pas sans doute en son nom propre, mais bien au nom d’un autre.

c) Signification d’après l’usage biblique. — Du reste, l’usage a fixé le sens du mot, et l’usage a, pour déterminer le sens, plus de valeur que l’étymologie et la forme grammaticale. Or, le passage classique qui détermine le sens usuel du mot, est le récit de l’Exode, vii, 1, 2. Moïse avait été chargé par Dieu de transmettre à Pharaon ses volontés au sujet des Israélites opprimés. Il objecta que ses lèvres étaient incirconcises, Exod., iv, 10 ; vi, 10-12, 29-30, et qu’il éprouvait de la difficulté à parler. Or, Dieu lui donna Aaron pour nâbi’; il parlera à sa place. Moïse dira à son frère tout ce que Dieu lui communiquera, et Aaron le transmettra à Pharaon, non pas comme truchement, mais comme porte-parole. De même, à l’égard des Israélites, Aaron sera « la bouche de Moïse ». Exod., iv, 14-16. Voir t. iv, col. 1194. Le nâbi’de Dieu était pour Dieu ce qu’Aaron était pour Moïse. Dieu mettait dans sa bouche les paroles qu’il voulait lui faire dire ; lui-même, il ne disait que ce que Dieu voulait lui faire dire. Il était donc le porte-parole de Dieu, non pas seulement un inspiré, qui reçoit une révélation, mais un représentant officiel, chargé de parler au nom et à la place de Dieu, un orateur, un prédicateur qui dit aux hommes ce que Dieu veut leur faire savoir.

La manière dont Jérémie reçut la mission prophétique confirme cette interprétation. Dieu lui révèle qu’il l’avait choisi dès le sein de sa mère pour être son nâbi’auprès des nations. Jer., i, 4, 5. Le fils d’Helcias répond qu’il ne sait ou ne peut parler avec l’autorité nécessaire, parce qu’il n’est encore qu’un enfant. Dieu l’encourage, confirme sa mission prophétique, lui promet sa protection, touche ses lèvres sur lesquelles il mettra les paroles que le prophète aura à prononcer, 7-10. Cf. v, 14. Jérémie dit les paroles divines qu’il a entendues, I, 11-.13, etc. Il parle donc par délégation divine et il est