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PRETOIRE


encore un palais, renfermant des galeries et de somptueux appartements. Cf. Josèphe, Ant. jud., XV, xi, 4 ; XVÎII, iv, 3 ; Bell, jud., i, iii, 1 ; V, iv, 2 ; v, 8. Voir Antonia., t. i, col. 712. Elle est appelée 7tape[iëo). » î Vulgate : castra), Act., xxi, 34, 37 ; xxii, 24 ; xxiii, 10, 16, 32 ; elle servait, en effet, de caserne à la garnison romaine, mais elle offrait en même temps au gouverneur une résidence agréable. Hérode cependant fit construire un autre palais, plus splendide encore, à l’angle nord-ouest de la ville, sur l’emplacement actuel de la citadelle. Flanqué* de trois tours énormes, appelées Hippicus, Phasaël et Mariamne, cette maison royale était, à l’intérieur, d’une richesse extraordinaire. Cf. Josèphe, Bell, jud., V, iv, 4. Voir Jérusalem, t. iii, col. 1373. Il est certain qu’elle offrait plus d’attraits encore que l’Antonia. Le procurateur Gessius Florus s’y installa, et nous le voyons un jour établir devant le palais son tribunal, près duquel se rassemblent les princes des prêtres et les principaux de la ville. Josèphe, Bell, jud., II, xiv, 8. Le contexte, II, xv, 5, 6, montre bien qu’il s’agit ici d’une demeure royale distincte de l’Antonia. Cependant on peut dire que, pendant les fêtes de Pâque, le gouverneur avait tout intérêt à occuper la citadelle, d’où il pouvait mieux surveiller les agissements des Juifs dans le Temple et parer plus vite à toute éventualité. Cherchons un peu plus de lumière dans la tradition.

3° La tradition. — Le premier témoin est le Pèlerin de Bordeaux. Dans son itinéraire de l’an 333, après avoir parlé de la maison de Caïphe, qu’il visita sur le mont Sion, c’est-à-dire sur la eolline occidentale, et de l’endroit où fut le « palais de David », il ajoute : « De là, en sortant de l’enceinte de Sion et en se rendant à la porte napolitaine (aujourd’hui bâb el-’Amûd, appelée aussi porte de Naplouse et de. Damas), on a, à droite, en bas, dans la vallée les murs où fut la maison ou le prétoire de Ponce Pilate. Là, le Seigneur fut entendu avant sa passion. À gauche, est le monticule du Golgotha où le Seigneur fut crucifié. » Cf. Itinera Terrai Sanctæ, edit. T. Tobler, Genève 1877, t. i, p. 18. Ce texte, comme les autres, sera discuté plus loin. — Un passage de la Vie de Pierre l’Ibère nous apprend que, au ve siècle, il y avait une église de Pilate. Quelle que soit la valeur intrinsèque de la vision qu’il relate, l’itinéraire dont il est question est clairement tracé : parti du Martyrium de saint Etienne, Pierre « courut au saint Golgotha et au tombeau ; puis il descendit à l’église qui est dite de Pilate et de là à celle du paralytique (Sainte-Anne) et ensuite à Gethsémani. » Cf. J.-B. Chabot, Pierre l’Ibérien, dans la Revue de l’Orient latin, Paris, t. iii, 1895, p. 381-382. — À cette église succéda un peu plus tard la basilique de Sainte Sophie. Nous lisons dans le Breviarius de Bierosolyma (vers 530) : « De là, vous allez à la maison de Caïphe, où saint Pierre renia [le Sauveur] et où une grande basilique est dédiée à saint Pierre. Vous vous rendez ensuite à la maison de Pilate, où celui-ci livra aux Juifs le Seigneur flagellé, et où il y a une grande basilique, appelée Sainte Sophie, avec une chambre où le Sauveur fut dépouillé de ses vêtements et flagellé. » Cf. Itinera Terne Sanctx, p. 59. — Théodose, De Terra Sancta (vers 530), dit de son côté : « De la maison de Caïphe jusqu’au prétoire de Pilate, il y a cent pas. Là est l’église de Sainte-Sophie ; tout auprès, saint Jérémie fut jeté dans une citerne. De la citerne où fut jeté le prophète Jérémie jusqu’à la piscine de Siloé, il y a cent pas. Delà maison de Pilate jusqu’à la piscine probatique, il y a plus ou moins cent pas ; là le Seigneur guérit le paralytique. » Cf. Itinern Terrx Sanctæ, p. 65. — En l’année 570 environ, nous avons le témoignage d’Antonin le Martyr, De Locis Sanctis : « Nous avons prié dans le prétoire où le Seigneur fut entendu et où est actuellement la basilique de Sainte Sophie. Devant les ruines du Temple de Salomon, l’eau coule vers la fontaine de Siloé, près du portique de Salomon. Dans la même basilique, il y a le siège sur lequel s’assit Pilate quand il écouta le Seigneur, et une pierre quadrangulaire qui se trouvait au milieu du prétoire. C’est sur celle-ci que le Seigneur fut élevé quand il fut interrogé par Pilate, afin qu’il fût entendu et vu de tout le peuple ; et il y laissa l’empreinte de ses pieds. » Cf. Itinera Terrse Sancta ; , p. 104. L’église de Sainte-Sophie disparut sous le fléau de l’invasion persane, en 614, et près de 400 chrétiens arrosèrent de leur sang le sol de l’antique prétoire, s’il faut en croire une relation arabe. Cf. Clermont-Ganneau, Recueil d’archéologie orientale, Paris, t. ii, 1896, p. 148.

— Il faut arriver au commencement du IXe siècle pour retrouver mention du prétoire. L’auteur du Commemoratorium de casis Dei, vers 808, dans le recensement qu’il fait des prêtres et clercs desservant les sanctuaires de Jérusalem en compte cinq dans Je Prétoire. Cf. Itinera hierosolymitana, édit. Tobler et Molinier, Genève, 1880, t. i, p. 301. On pourrait croire d’après le contexte qu’il place ce lieu saint sur le mont Sion, avec l’église de Saint-Pierre ; il ne faut peut-être pas trop presser cette conclusion.

Nous verrons cependant s’accréditer, au temps des croisades, la tradition qui place le prétoire sur le mont Sion. Un des premiers historiens de cette époque, l’auteur des Gesta Francorum expugnantium Jérusalem, déclare que, au moment où les croisés entrèrent pour la première fois dans la ville sainte, il était difficile de reconnaître certains sanctuaires, en particulier ceux qui marquaient le théâtre des diverses scènes du procès de Notre-Seigneur. Après avoir visité l’église de Sainte-Anne et la piscine Probatique, il ajoute : « r La flagellation de Jésus-Christ, le couronnement, la dérision et d’autres souffrances qu’il a endurées pour nous : mais il n’est pas facile à présent de reconnaître les endroits où ces faits s’accomplirent, surtout parce que la ville a été trop souvent depuis bouleversée et détruite. » Cf. J. Bongars, Gesta Dei per Francos, Hanau, 1611, p. 573. Cependant, en 1112 ou 1113, Phigoumène russe Daniel mentionne le prétoire à peu près dans la même direction que les pèlerins dont nous avons parlé. Cf. Itinéraires russes en Orient, trad. B. de Khitrowo, Genève, 1889, p. 18-19. Un petit traité des Lieux Saints intitulé : De situ urbis Jérusalem, et qui fut écrit entre 1130 et 1150, dit au sujet du prétoire : « [Jésus], étant retourné de là à Gethsémani, fut livré par Judas aux Juifs. Celui-ci le présenta lié à Anne et à Caïphe près du portique de Salomon, ensuite à Sion, au lieu qui est appelé Lithostrotos et qu’on montre à présent devant la porte de l’église. » Cf. M. de Vogué, Les églises de la Terre Sainte, Paris, 1860, p. 427. C’est le commencement de la confusion. Plusieurs écrivains anonymes, que l’on ne croit pas antérieurs à 1145 ni postérieurs à 1170, placent le prétoire sur le mont Sion. Ainsi, pour n’en citer qu’un, l’Innominatus vin dit : « Nous vînmes ensuite au mont Sion, où est la chapelle du Sauveur, appelée le prétoire de Pilate. Là, Notre-Seigneur fut couronné, lié, exposé aux dérisions et condamné par Pilate. » Cf. Descriptiones Terræ Sanctx a seec. viu-xv, édit. Tobler, Leipzig, 1874, p. 194. — Vers 1165, Jean de Wurzbourg s’exprime de même. Cf. Descriptiones T. S., p. 139. — Théodoric (1172) mêle les deux traditions. D’un côté, il parle de la maison de Pilate près de l’église Sainte-Anne ; de l’autre, il montre le tribunal de Pilate sur le mont Sion. Cf. Theodorici Libellus, édit. Tobler, Paris, 1865, p. 10, 62-63. — Il est à remarquer cependant que, même à cette époque, la tradition maintient le lieu de la condamnation de Jésus du côté de l’église de Sainte-Anne et de la piscine probatique. C’est ainsi que, sur une carte topographique de Jérusalem, tracée vers l’an